Simone Gbagbo raconte ses humiliantes retrouvailles avec Laurent Gbagbo

L’émission sera diffusée le lundi 3 février prochain sur les canaux de la chaîne cryptée Canal+ dans « l’appart-politique ». Simone Gbagbo s’est laissée aller à des confidences courageuses en évoquant, pour la première fois, son humiliation à l’aéroport d’Abidjan, le 17 juin 2021, date du retour de Laurent Gbagbo à Abidjan, après son acquittement par la Cour pénale internationale.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè 

Dans cette émissio, de Canal+, Simone Gbagbo est invitée tout d’abord à passer en revue les photos de sa vie. Puis, le jeune animateur, Pierre Akpro, de retour sur la chaîne après cinq années passées à la Nouvelle chaîne Ivoirienne (NCI), lui pose la question qui tue sur son humiliation à l’aéroport Houphouët-Boigny, le 17 juin 2021, jour d’arrivée de Laurent Gbagbo de Bruxelles après dix années passées à Scheveningen, dans la prison de la Cour pénale internationale.

Ce jour-là en effet, l’ancien président ivoirien arrive à Abidjan aux bras de Nady Bamba qui n’était alors officiellement que sa maîtresse. Pour un homme qui a incarné un Etat qui ne reconnaît pas officiellement le mariage coutumier même s’il le tolère, l’image est inédite. Circonstance aggravante : Simone Gbagbo, l’ex-première dame, a également fait le déplacement.

Nady Bamba s’écrit de toutes ses forces 

Elle avait d’ailleurs failli ne jamais prendre part à cet événement historique. Laurent Gbagbo qui était encore officiellement son époux avait en effet envoyé des proches pour la convaincre de rester à la maison. Ce que l’ex-première dame refusa. Alors, pour l’obliger à rentrer dans les rangs, de jeunes militants du parti de Gbagbo arborant de faux T-shirts de policiers bloquent sa voiture au rond-point du monument d’Akwaba, à deux kilomètres de l’aéroport.

L’ex-première dame se plaint alors au directeur de la police nationale, le général Youssouf Kouyaté, dont elle a la ligne directe. Celui-ci s’en étonne, puis vient la libérer de ses assaillants qui seront arrêtés sur le champ et conduits à la préfecture de police pour être emprisonnés à la prison civile d’Abidjan. Leur responsable Daniel Billaud, chargé de la sécurité de la cérémonie est également arrêté.

Le directeur de la police nationale donne enfin ordre à son cortège d’ouvrir la route à l’ex-première dame qui est entraînée jusqu’au bas des escaliers. Elle les remonte pour saluer son mari avec un baiser que l’ancien président consent mais guère plus. Il règne un énorme cafouillage et Nady Bamba, sa nouvelle égérie, s’écrit de toutes ses forces : « elle salue et elle s’en va ! Elle salue et elle s’en va ».

Après avoir embrassé son mari, Simone Gbagbo est happée par la cohue. On la retrouve après sur la plateforme et veut demander à Laurent Gbagbo à qui elle n’a plus accès de donner un baiser au sol ivoirien qu’il vient de refouler dix années après. Elle tente de le lui dire par des signes. Mais Gbagbo lui fait à son tour un geste de la main pour lui demander de partir. 

Une journée d’extrême confusion

Grâce aux nombreuses caméras qui filment la scène et des médias sociaux qui retransmettent la cérémonie en temps réel, rien de tout ce qui s’est passé ce jour-là n’a été perdu. Presque quatre années plus tard, Simone Gbagbo se souvient d’une journée d’extrême confusion. « C’était quelque chose de très injuste », démarre-t-elle l’échange. « Quelque chose de très humiliant parce que ça s’est passé quand même devant mes propres enfants. Parce que je ne m’attendais pas à vivre une telle déception publiquement et puis je n’arrivais pas à expliquer, et on n’a pas non plus réussi à m’expliquer pourquoi tout ça », s’indigne Simone Gbagbo.

Mais la suite, elle, est connue. Les jours suivants, Laurent Gbagbo se fait réhabiliter au sein de l’Eglise catholique au détour d’une messe présidée par le Cardinal Kutwa qui lui remet un chapelet. Une semaine après, l’ex-président officialise sa demande de divorce. Celui-ci est prononcé « à ses torts exclusifs pour adultère caractérisé et notoire, abandon de domicile conjugal et injures graves à l’encontre de Simone Gbagbo », affirme Rodrigue Dadjé, avocat de l’ex-première dame.  

La risée du tout-Abidjan

A Abidjan, les quolibets des partis adverses ne manquent pas : « on attendait Mandela, on a vu Bohiri », raillent-ils la fin de l’aventure du couple. L’ancien président, lui, est comparé au personnage principal du film à succès d’Akissi Delta, une ancienne actrice qui a créé la série Ma famille dans laquelle Bohiri joue le rôle d’un coureur de jupons notoire.

Les deux parties choisiront en revanche de faire l’impasse sur la compensation financière. Elle serait néanmoins conséquente pour Simone Gbagbo qui a eu deux jumelles avec l’ancien président et a partagé sa vie pendant plusieurs décennies.

Sur le plan politique, ce retour longtemps craint par le pouvoir mais autant attendu par les partisans de l’ancien président, se révèle comme un énorme camouflet. La « gbagbosphère » se divise encore plus sérieusement avec la création du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PAI-CI). Dans la foulée, le mouvement de soutien à Simone dénommé Mouvement des générations capables (MGC) se mue en parti politique et devient une conséquence de l’ultime coup de boutoir de Gbagbo contre l’unité de son camp. La suite, là aussi, est connue.