Emmanuel Macron a invité un certain nombre de chefs d’État soigneusement triés sur le volet, le jeudi 15 août 2024, pour commémorer le 80e anniversaire du débarquement de Provence à Saint-Raphaël (Var) auquel ont participé à l’époque des dizaines de milliers de musulmans. Autant le président camerounais, Paul Biya, à la tète d’une dictature figée après quarante cinq ans de pouvoir absolu, et le chef de la junte gabonaise, Brice Oligui Nguema, ont été mis à l’honneur à Boulouris sur mer (Var), autant le Mali, le Niger et l’Algérie, au plus mal avec la diplomatie française, n’ont dépêché personne en Provence. Le Burkina Faso s’est fait représenter par un simple chargé d’affaires.
Le débarquement en Provence, le 15 août 1944, a ouvert la route à 250000 soldats de « l’armée B » qui a pu reprendre Toulon et Marseille. Cette armée comptait 12000 hommes des Forces Françaises Libres , mais aussi 84000 Français d’Afrique du Nord, 130000 musulmans du Maroc et d’Algérie et 12000 « tirailleurs sénégalais », spahis, goumiers venus des troupes coloniales. » La part d’Afrique en France, a déclaré Emmanuel Macron, est aussi ce legs qui nous oblige ».
L’Afrique française avait été à la base du gaullisme. C’est depuis l’Afrique Équatoriale Française que sont parties les Forces Françaises Libres; Brazzaville a été la capitale de la France libre. « La France n’oublie rien » a affirmé Emmanuel Macron.
La cérémonie qui a eu lieu face à la nécropole internationale de Boulouris-sur-mer dans le Var, a pourtant montré qu’il y avait loin des commémorations aux actes. « La cohésion franco africaine », tant vantée à l’Élysée, est une simple posture qui masque la discrimination constante exercée par Emmanuel Macron entre les pays considérés comme des amis de la France et les autres qui osent critiquer la politique du Président français.
Dans la France d’Emmanuel Macron, il existe des dictateurs fréquentables et d’autres qui ne le sont pas. Tout comme le chef d’état français considère qu’après les coups d’état qui ont bouleversé le pré carré africain, il faut distinguer entre les juntes militaires qui ont pris le pouvoir.
Bons et mauvais putschistes
Lors de cette cérémonie commémorant l’histoire commune entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique, l’absence des chefs d’État du Mali, du Burkina Faso et du Niger a été remarquée. Si les dirigeants de ces régimes, réunis au sein de l’AES, sont considérés par Paris comme de « mauvais putschistes », Brice Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir au Gabon le 30 août 2023, a, lui, été reçu avec les plus grands honneurs, accompagné de ce vieux cheval de retour de la Françafrique, le président togolais Faure Gnassingbé, dont on ne peut pas vraiment dire qu’il soit un fervent démocrate.
L’attitude de Paris face aux dirigeants issus de coups d’État militaires dans son ancien pré carré ne répond à aucune ligne diplomatique claire. Emmanuel Macron mène une politique du « double standard » pour le moins hasardeuse qui célèbre les plus dociles des chefs d’état africains et renvoie aux oubliettes ceux qui osent s’afranchir de la tutelle française. Un exemple parmi d’autres: le patron de la junte gabonaise, Brice Oligui Nguema, qui développe un culte de la personnalité aux antipodes du modèle démocratique occidental et distille des message sur « l’ivoirité à la gabonaise », est reçu à Paris avec les honneurs.
L’ancien Président Nicolas Sarkozy, en vacances au Cap nêgre, dont on connait le peu d’intérêt manifesté pour l’Afrique durant son quinquennat, avait été lui aussi invité à la commémoration. Le renouveau des relations franco-africaines, si on en juge par le nombre de chefs d’état présents en Provence cette année (beaucoup moins nombreux qu’en 2014), n’est pas pour demain. Alger n’a même pas pris la peine de répondre à l’invitation de l’Élysée
Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, tous les ponts avec Paris ont été coupés. De mesures de rétorsion suivies de mesures de réciprocité, il n’y a plus d’ambassadeur dans aucun de ces trois pays, plus de coopération, et même plus de vol Air France. Dans ces trois États, pour la première fois depuis les années de l’Indépendance, la France doit se contenter de regarder la caravane de l’histoire passer.