Le ministre centrafricain du Développement de l’énergie et des Ressources hydrauliques, Arthur Bertrand Piri, s’est rendu à Kinshasa le 19 août 2025 pour rencontrer son homologue congolaise, Acacias Bandubula. Au cœur des discussions : l’approvisionnement de la République centrafricaine (RCA) en produits pétroliers.
Barthélémy Kolapo
Cette rencontre présentée comme une mission importante illustre aux yeux de tous l’impasse logistique et diplomatique dans laquelle le régime Touadéra a plongé son pays la République Centrafricaine victime de pénuries de carburants récurrentes et sans précédent.
À la tête du ministère de l’Énergie, Bertrand Arthur Piri — neveu du président Faustin-Archange Touadéra — incarne une gouvernance verrouillée, où la loyauté familiale prime sur la compétence. Sans formation technique ni expérience significative, le costume est manifestement trop grand pour Piri qui a hérité d’un portefeuille stratégique qu’il n’a jamais su maîtriser.
À Bangui, les pénuries de carburants sont chroniques. Les files d’attente s’étendent devant les stations-services, dans une atmosphère de résignation et de colère. Le carburant, devenu denrée rare, circule désormais au marché noir à des prix exorbitants et de manière incontrôlée. Cette pénurie ne touche pas seulement les particuliers mais toute l’économie en pâtit ainsi que les services publics : les hôpitaux peinent à faire fonctionner leurs équipements faute de ne pouvoir alimenter les générateurs, les écoles ferment leurs portes, et les services publics sont aussi affectés. L’économie informelle, qui constitue l’épine dorsale de la vie quotidienne en RCA, est en train de s’effondrer. Et face à cette crise, le silence du gouvernement est assourdissant.
Le port de Bangui à l’abandon
Depuis la disparition de Socatraf, le transport fluvial — pourtant vital pour l’approvisionnement du pays — a été confié à Mercure Logistique, une société privée censée relancer le secteur. Mais aucune embarcation ne quitte le port de Bangui. Les bateaux sont à quai, les employés abandonnés, et les infrastructures portuaires se dégradent. Aucun investissement, aucune transparence, aucune fiabilité : Mercure Logistique est devenu le symbole d’un État démissionnaire. Les négociations avec des fournisseurs étrangers sont bloquées ou détournées au profit d’intermédiaires proches du pouvoir, souvent incapables d’assurer la logistique. Le résultat est un effondrement total de la chaîne d’approvisionnement.
Dans ce contexte de crise aiguë, la RCA se tourne vers la République démocratique du Congo (RDC) pour quémander du carburant. Cette démarche met en lumière les contradictions diplomatiques de ce régime : Bangui n’hésite même plus à solliciter Kinshasa tout en renforçant ses liens avec son ennemi juré le Rwanda de Paul Kagamé… Depuis des mois, la collaboration étroite des autorités centrafricaines avec le Rwanda, notamment dans les domaines sécuritaire et économique, suscite colère et incompréhension à Kinshasa. Des officiers rwandais sont présents sur le sol centrafricain, des contrats stratégiques sont signés avec des entreprises rwandaises, et les échanges diplomatiques entre les deux pays se multiplient. Cette double posture illustre un régime aux abois, prêt à toutes les contorsions pour survivre, quitte à saborder sa crédibilité régionale.
Les pénuries de carburant à Bangui révèlent les failles profondes d’un système de gouvernance fondé sur l’opacité et l’improvisation. Elles mettent en lumière l’absence de vision stratégique, l’effondrement des infrastructures, et la déconnexion totale entre les cadres de ce régime et les réalités du terrain. Félix Tshisekedi répondra-t-il favorablement aux besoins en carburant de son frère Touadéra au cours des prochaines semaines ? Rien n’est moins sûr…