Série Centrafrique (4), l’effondrement du système éducatif 

Le 25 juin 2025, le lycée Barthélemy Boganda de Bangui, symbole historique de l’éducation en République centrafricaine, est devenu le théâtre d’un drame insoutenable. En pleine épreuve du baccalauréat, l’explosion d’un transformateur électrique vétuste a provoqué une panique meurtrière.

Barthélémy Kolapo

Nous sommes au Lycée Barthélémy Boganda à Bangui ce mercredi 25 juin 2025. Aux environs de 14 heures, les salles des bâtiments sont bondées. Les élèves passent des épreuves du Baccalauréat.

Soudain, une forte détonation résonne dans l’enceinte du campus. L’explosion d’un transformateur de la société nationale de distribution d’électricité (ENERCA). Un début d’incendie s’en suit.

Mouvement de panique parmi les élèves apeurés. En masse, ils se ruent hors des classes. Certains, tombant à même le sol, finissent piétinés. D’autres, affolés, perdent connaissance. les plus désespérés sautent du 1er étage, se fracturant des membres du corps en atterrissant sur la terre ferme.

Le bilan est accablant : 29 élèves ont perdu la vie, plus de 260 ont été blessés, et des centaines d’autres restent traumatisés. Ce drame, loin d’être un accident isolé, révèle l’état de délabrement avancé du système éducatif centrafricain et l’indifférence glaçante du pouvoir en place.

Une infrastructure en ruine

Le lycée Boganda, pourtant l’un des établissements les plus prestigieux du pays, souffrait depuis des années d’un manque criant d’entretien. Les installations électriques étaient vétustes, les salles surpeuplées, et les dispositifs de sécurité inexistants. L’explosion du transformateur, survenue alors que des techniciens tentaient une réparation improvisée en pleine session d’examen, n’est pas un accident imprévisible : c’est le fruit d’une négligence chronique et d’un abandon institutionnalisé de l’école publique. La responsabilité de l’ENERCA, société nationale d’énergie, est engagée. Sa gestion clanique, ses nominations clientélistes et son manque de rigueur technique sont dénoncés par de nombreux observateurs. Le ministre de l’Énergie, Bertrand Piri, est pointé du doigt pour avoir laissé perdurer une situation dangereuse sans intervention préventive.

 

Un ministre de l’Éducation archétype du politicien sans scrupule, sans valeur, totalement corrompu.

 

Aurélien-Simplice Zingas, ministre d’État à l’Éducation nationale depuis janvier 2024, n’a pas jugé utile de prendre des mesures exceptionnelles pour les candidats affectés. Aucune session de rattrapage, aucun soutien psychologique, pas même une reconnaissance officielle du traumatisme subi. Zingas symbolise aux yeux de la jeunesse la figure d’un homme politique corrompu et opportuniste. Hier, opposant virulent au régime Touadéra, il est aujourd’hui comme par magie l’un de ses plus fervents défenseurs.

Son revirement spectaculaire, marqué par des appels à modifier la Constitution pour permettre au président de rester au pouvoir à vie, démontre à quel point cette piètre figure de la classe politique centrafricaine est prêt à tout pour profiter des avantages d’un poste de ministre. Il a même menti sur ses qualifications académiques en affirmant détenir une licence en droit privé obtenue à l’Université de Bangui, quand nombre d’observateurs évoquent une falsification de son parcours universitaire. À la tête du ministère de l’éducation, il est accusé de détourner les missions éducatives au profit d’opérations de communication politique comme “Kwa ti kodro”, tout en menaçant les chefs d’établissement qui refusent de se plier à ses injonctions.

Une jeunesse sacrifiée

Dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 30 ans, le mépris du gouvernement envers sa jeunesse est une faute politique majeure. L’école devrait être un sanctuaire, un lieu d’émancipation. Et face à cela, le régime oppose l’indifférence, la rigidité bureaucratique et une médiocrité institutionnelle qui confine à l’inhumain. « Nous avons vu nos camarades mourir sous nos yeux. Comment peut-on nous demander de continuer comme si de rien n’était ? » — Témoignage d’un candidat rescapé.

Malgré les antécédents académiques du chef de l’État et de son entourage (Touadéra se plaît même à l’occasion et dans un souci de communication politique à revenir enseigner à l’université de Bangui), le secteur est marqué par l’inaction, la précarité et l’abandon. Les faits sont accablants : aucune construction significative de nouvelles salles de classe depuis des années, des grèves réprimées, des salaires impayés, et une absence totale de planification.

Ce drame s’inscrit dans une longue série de dysfonctionnements : enseignants non payés, programmes obsolètes, écoles sans matériel, fermetures répétées. À l’université de Bangui, les enseignants vacataires réclament trois ans d’arriérés de salaire. Dans les zones rurales, la moitié des élèves du secondaire quittent le système avant la fin de l’année scolaire. Au-delà d’une enquête indépendante et une réforme profonde du système éducatif, toute une génération qui réclame justice, dignité et respect.