RD Congo : Le groupe armé M23 a déporté 1500 civils

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Le Rwanda, en tant que force occupante, pourrait être responsable de crimes de guerre

(Nairobi, le 18 juin 2025) – Le groupe armé M23 contrôlé par le Rwanda a déporté plus de 1 500 personnes de l’est de la République démocratique du Congo occupée vers le Rwanda, en violation des Conventions de Genève de 1949, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement rwandais et le M23 devraient immédiatement mettre fin aux transferts forcés de citoyens congolais et de réfugiés rwandais, qui constituent des crimes de guerre.

Le soutien militaire, logistique ou d’une autre nature apporté par le Rwanda au M23 a été essentiel pour sa prise de Goma et de Bukavu, les capitales provinciales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu respectivement, des forces congolaises au début de l’année 2025. En février, le M23 a ordonné à plusieurs centaines de milliers de personnes de quitter les camps de déplacés autour de Goma et a démantelé pratiquement tous les camps. En mai, le M23 a rassemblé des personnes déplacées et les a transférées à Goma, d’où nombre d’entre elles ont ensuite été illégalement déportées vers le Rwanda avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

« Le transfert forcé de civils vers le Rwanda, qu’il s’agisse de citoyens congolais ou de réfugiés rwandais, est un crime de guerre en vertu des Conventions de Genève », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior au sein de la division Afrique à Human Rights Watch. « En raison du contrôle qu’il exerce sur le M23 dans l’est de la RD Congo, le Rwanda est en fin de compte responsable des nombreux abus commis par ce groupe armé. »

Le contrôle effectif exercé par le Rwanda sur des zones de l’est de la RD Congo, par le biais de ses propres forces armées et du M23 semble répondre aux critères d’une occupation belligérante aux termes des normes du droit international humanitaire. L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève interdit, en tant que crime de guerre, les transferts forcés à l’intérieur d’un pays ainsi que les déportations hors du territoire occupé et vers d’autres pays, quel qu’en soit le motif. Le 9 juin, Human Rights Watch a écrit aux autorités rwandaises, en leur exposant ses conclusions, mais n’a pas reçu de réponse.

De février à mai, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 14 personnes qui ont été contraintes de quitter les camps de déplacés près de Goma après leur démantèlement ordonné par le M23, dont 8 personnes qui ont été transférées de force à Goma en mai.

Le 12 mai, le M23 a rassemblé près de 2 000 personnes de la ville de Sake, située à 25 kilomètres à l’ouest de Goma, et les a transférées de force à Goma, d’où beaucoup ont ensuite été déportées vers le Rwanda. Cela semblait faire partie d’une opération plus large du M23 menée contre des membres présumés des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, dont certains dirigeants ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda. Un grand nombre des personnes à Sake étaient originaires de Karenga, dans le territoire de Masisi, qui est considéré comme un bastion des FDLR.

Les responsables du M23 se sont servis du centre de transit appelé Centre Chrétien du Lac Kivu (CCLK), qui tire son nom de son emplacement à Goma, pour déporter des personnes vers le Rwanda. Entre le 17 et le 19 mai, plusieurs convois ont quitté le centre de transit pour se rendre au Rwanda. Le HCR utilise en général le CCLK pour les rapatriements volontaires de réfugiés au Rwanda. Cependant, huit personnes présentes au centre ont indiqué que des citoyens congolais et des réfugiés rwandais figuraient parmi les personnes déportées contre leur volonté. Beaucoup ont fait part de leur crainte d’être victimes d’abus au Rwanda. Le M23 a déployé des forces autour du centre pour empêcher les personnes de s’échapper.

Certaines des personnes déportées se sont exprimées dans les médias pour critiquer la manière dont elles ont été transférées de force au Rwanda. Depuis longtemps, les autorités rwandaises prennent pour cible ceux qui critiquent publiquement le gouvernement, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile sous la protection du HCR. Le HCR devrait prendre des mesures pour garantir la sécurité des personnes déportées vers le Rwanda. Human Rights Watch n’a pas pu communiquer avec les personnes déportées du centre de transit depuis leur transfert vers le Rwanda. 

Le HCR a écrit à Human Rights Watch le 27 mai, indiquant que « 1 600 [réfugiés rwandais] ont été amenés au centre de transit CCLK à Goma à la suite d’opérations de bouclage et de fouilles menées par les autorités de facto », que le contrôle effectué par le HCR « a été réalisé sous pression » et que, pour ce groupe, le retour au Rwanda « était la seule option possible ». 

En vertu des Conventions de Genève, le transfert doit être « forcé », tout comme la déportation, pour constituer un crime de guerre. Le consentement au déplacement doit être volontaire, et ne pas être donné dans des conditions de coercition. Un transfert n’est pas volontaire dès lors que les personnes consentent ou cherchent à être transférées uniquement pour échapper au risque d’abus si elles restent. 

Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé que son bureau renouvellerait les efforts d’enquête en RD Congo en se concentrant sur les crimes commis dans le Nord-Kivu depuis janvier 2022. La CPI est habilitée à poursuivre les auteurs du crime de guerre de « déportation ou transfert [par la puissance occupante] à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire », ainsi que les auteurs du crime contre l’humanité de « déportation ou transfert forcé de population ». 

« Le gouvernement rwandais et le M23 commettent des crimes de guerre en transférant de force des personnes au sein des territoires occupés et en les déportant vers le Rwanda », a conclu Clémentine de Montjoye. « Une pression internationale concertée sur le Rwanda est nécessaire pour mettre fin immédiatement aux déportations, garantir la sécurité de toutes les personnes dans les zones occupées et traduire en justice les responsables d’abus. »