Procès Bongo (jour 3), la « Young Team » d’Ali Bongo en cause

Le procès des anciens collaborateurs de Sylvia et Noureddin Bongo se poursuit cette semaine à Libreville. Dix prévenus, issus du premier cercle du pouvoir déchu, comparaissent devant la Cour criminelle spéciale pour détournement de fonds publics: corruption, association de malfaiteurs et blanchiment aggravé. Ces proches formaient la fameuse « Young Team », ce réseau informel de jeunes conseillers, souvent surnommés « les collégiens du Bord de mer », accusé d’avoir orchestré la captation des richesses du pays sous le règne finissant d’Ali Bongo Ondimba.

Cette deuxième phase du procès s’ouvre dans un climat encore marqué par la condamnation du « duo » Sylvia et Noureddin Bongo à vingt ans de prison par contumace. Le tribunal a ordonné la confiscation de l’ensemble de leurs biens et la restitution à l’État de plus de 2 000 milliards de francs CFA au titre des préjudices moral et financier. Dans le même temps, la Cour criminelle spéciale a délivré deux mandats d’arrêt internationaux à leur encontre.

Depuis Londres, mère et fils dénoncent « un verdict politique », annonçant leur intention de saisir la Cour africaine des droits de l’Homme. Leur avocat, Me François Zimeray, a pour sa part pointé sur RFI « un réquisitoire fondé sur des chiffres imaginaires », une stratégie que le juriste gabonais Dr Emmanuel Thierry Koumba, cité par Gabon Review, assimile à une tentative de « déplacer le débat du terrain judiciaire vers la scène internationale, à mobiliser l’opinion publique française et à engager une ’’procédure de dénonciation’’ plutôt qu’une défense sur le fond ».

Dix visages du pouvoir déchu

Les dix prévenus, pour la plupart arrêtés lors du coup d’État d’août 2023, sont : Ian Ghislain Ngoulou, ancien directeur de cabinet de Noureddin Bongo Valentin ; Mohamed Ali Saliou, ex-directeur adjoint de cabinet, et son demi-frère Abdoul Oceni Ossa ; Jessye Ella Ekogha, ancien porte-parole de la présidence ; Kim Oun, ancien chargé du protocole de la Première dame ; Steeve Nzegho Dieko, ex-secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG) ; Cyriaque Mvourandjiami, directeur du cabinet politique de l’ancien chef de l’État ; Jordan Camuset, considéré comme « l’homme à tout faire » de Noureddin Bongo Valentin ; Gabin Otha Ndoumba, ex-directeur général des Impôts ; et Gisèle Yolande Mombo, ancienne directrice générale des finances de la mairie de Libreville.
Tous sont jugés pour avoir participé, selon le parquet, à « l’édification d’un système organisé de détournement au profit du clan présidentiel ».

Jusqu’à 250 millions de francs CFA par mois

Mercredi, les débats se sont ouverts sur la lecture de la lettre de renvoi. Les juges ont évoqué des transferts de plusieurs milliards de francs CFA, des bonus pétroliers occultes et des comptes privés alimentés directement par le Trésor public. Parmi les figures centrales, Mohamed Ali Saliou et Ian Ghislain Ngoulou auraient perçu jusqu’à 250 millions de francs CFA par mois en primes discrétionnaires. La découverte de 7 milliards de francs CFA en liquide au domicile de Ian Ghislain Ngoulou a saisi le public venu nombreux.

Après une longue série d’examens de moralité, qui ont occupé la fin du mercredi et la matinée du jeudi, l’audience s’est ensuite intéressée au fond du dossier, avec la comparution de Gisèle Yolande Mombo, puis surtout celle de Ian Ghislain Ngoulou, présenté comme l’architecte du système. Face au président, au rapporteur général et aux avocats de la partie civile, l’ancien directeur de cabinet s’est enlisé dans ses contradictions. Selon l’accusation, il aurait supervisé un vaste réseau de blanchiment à travers des sociétés écrans et des comptes ouverts au nom de proches, y compris d’enfants mineurs.

Devant la Cour, Ian Ghislain Ngoulou est également revenu sur les circonstances d’un épisode présumé de corruption électorale, survenu à la veille de la proclamation des résultats de la présidentielle du 30 août 2023. Selon son récit, Noureddin Bongo Valentin lui aurait ordonné de remettre 500 millions de francs CFA (environ 760 000 euros) au Centre gabonais des élections (CGE). Il affirme avoir exécuté la consigne, accompagné de Cyriaque Mvourandjiami, avant d’être interpellé par les militaires à la Cité de la Démocratie. Le parquet cherche désormais à établir la chaîne de responsabilité dans ce qui pourrait constituer un cas de corruption électorale.

Une clôture le 15 novembre

Au fil des heures, les témoignages ont dessiné à nouveau les contours d’un mode de gouvernance où fonds publics et comptes privés ne faisaient qu’un. Le procureur général Eddy Minang a dénoncé un « pouvoir parallèle » animé par « la cupidité et l’assurance de l’impunité ».

Devant un auditoire tantôt silencieux, tantôt réactif aux échanges, les confrontations se poursuivent à cette heure entre les avocats de la défense et ceux de la partie civile, dont celle attendue de Mohamed Ali Saliou. Le procès pourrait se clôturer samedi.