Devenue première dame du Gabon en 2009, Sylvia Bongo est aussi discrète que puissante dans le rouage du pouvoir au Gabon. Avec l’affaiblissement de son époux par la maladie, elle est devenue la tour de contrôle de l’appareil d’Etat, celle qui fait et défait les carrières sans dédaigner le luxe et le faste du pouvoir.
Pour les uns, l’adhésion du Gabon au Commonwealth en juin dernier procède de la volonté d’Ali Bongo Ondimba de s’affranchir de la tutelle de la France avec laquelle les relations sont au plus mal en raison, notamment, de l’affaire dite des « biens mal acquis ». Pour les autres, ce rapprochement avec Londres, savamment mis scène, s’explique par l’admiration d’Ali Bongo pour le modèle Paul Kagamé dont le pays, bien qu’ancienne colonie belge, a choisi de rejoindre le Commonwealth.
Pour d’autres encore, l’adhésion du Gabon d’Omar Bongo Odimba, une des deux vitrines de Françafrique avec la Côte d’Ivoire, est le signe de la mort définitive de l’ancien « pré-carré ».
Douze années de fiançailles
Derrière cette adhésion se cache, en réalité, la main invisible de Sylvia Bongo Ondimba, première dame du Gabon depuis 2009, année d’accession de son mari « au trône » après le décès de son père Omar Bongo à Barcelone. Française d’ascendance, de naissance et d’éducation, Sylvia Bongo, préfère, pourtant, Londres à Paris, Mark and Spencer aux galeries Lafayette. Naguère latente, la passion anglophone de Sylvia s’est accélérée avec son amitié avec Cherie Blair, l’épouse de Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, qu’elle avait fait venir à Libreville et qui l’a invitée en retour à Londres.
C’est aussi Sylvia qui avait fait signer un accord entre le Gabon et Tony Blair Institue for Global Change, le cabinet de Conseil mis en place par l’ancien PM britannique, réputé pour son activisme dans plusieurs pays africains, particulièrement la Guinée d’Alpha Condé. Convaincue désormais de faire jouer le Gabon, petit Emirat pétrolier d’Afrique centrale, dans la Cour des plus grands du monde anglophone, Sylvia Bongo franchit finalement le pas de persuader son mari de rejoindre le Commonwealth.
Entre Ali et Sylvia Bongo Ondimba, c’est l’histoire de deux jeunes nés avec des cuillères d’argent à la main. Quand Ali rencontre Sylvia, en 1988, elle n’a que 25 ans et lui 29 ans. Elle est la fille d’Edouard Valentin un riche industriel français qui pose ses valises en 1974 au Gabon après avoir tenté sa chance au Cameroun et en Tunisie. Ali est, quant à lui, le fils d’Omar Bongo Ondimba, président de la République depuis 1967. C’est donc la parfaite union entre le pouvoir et l’argent qui se conclut en 2000 par le mariage de Sylvia et Ali Bongo Ondimba. Le jeune marié était alors déjà ministre de la défense nationale dans le gouvernement de son père.
Faiseuse de Roi
Le destin du couple bascule en 2009, lorsqu’Omar Bongo décède dans une clinique de Barcelone après une longue agonie qui aura tenu le Gabon en haleine. Alors que tout a bien été réglé par la Constitution, la disparition d’Omar Bongo tourne à la guerre de succession. Dans cette épreuve de force, Ali Bongo a pu compter sur un atout inégalable : il est depuis 10 ans ministre de la Défense nationale, patron d’une armée qu’il a façonnée de ses mains. Mais il a aussi une seconde carte en main : le soutien total de Sylvia qui va le coacher, l’aider à déjouer les pièges, le consoler s’il faut, le pousser à l’affrontement lorsqu’elle le juge nécessaire.
Au prix d’une bagarre épique, et au mépris de ce que prévoit la Constitution, Ali Bongo succède à son père et Sylvia, mère de 4 enfants, devient la première dame du Gabon. Plus rien ne sera comme avant pour celle qui avait fait des études de gestion en France pour se lancer dans le business et lui qui rêvait, dans sa jeunesse, de faire carrière dans la musique. Hissée au cœur du pouvoir dans le palais du bord de mer, Sylvia Bongo va choisir la discrétion et l’effacement sans renoncer à une influence de plus en plus grandissante sur mon mari. A travers la Fondation qui porte son nom, elle définit les grandes causes nationales que le gouvernement est chargé de mettre en œuvre : protection de la veuve et de l’enfant ; lutte contre les violences faites aux femmes ; égalité homme/femme, etc. Mais surtout dans les nominations et les carrières des hauts fonctionnaires civils et militaires que Sylvia Bongo assoit son autorité.
Le passage par sa fondation devient même une passerelle pour entrer à la présidence de la république ou dans les cabinets ministériels. Jessye Ella Ekogha est ainsi devenue porte-parole de la Présidence de la république après avoir été directrice de la communication de la Fondation Sylvie Bongo. A l’inverse, sa rancune peut briser des ascensions fulgurantes. L’ancien directeur de cabinet du président Bruce Laccruche Alihanga l’a appris ses dépens. Pour avoir laissé paraître des velléités de résistance aux ordres de la première dame pendant la convalescence de son mari, après l’accident cardio-vasculaire (AVC) qui l’a terrassé en 2019 en Arabie Saoudite, le tout-puissant directeur de cabinet est passé des ors de la République aux fers de la détention à la sinistre prison de Libreville. Coup sur coup, « la dame de fer », comme l’appellent certains Gabonais, a évincé brutalement Jean-Luc Ndong Amvame, chef de la sécurité d’Ali Bongo ; son intendant Steed Rey et son aide de camp Arsène Emvahou. Beaucoup voient aussi l’empreinte de Sylvia dans le limogeage de Frédéric Bongo, demi-frère d’Ali Bongo, de son poste de chef de renseignement à la garde républicaine.
Succession dynastique
L’omniprésence et l’omniscience de Sylvia dans la gestion des affaires de l’Etat devrait croître à mesure que son mari s’affaiblit et se montre en difficulté pour exercer ses fonctions. En dépit des apparitions publiques mises en scène lors des rencontres internationales, Ali Bongo Ondimba n’est plus en effet en mesure d’assumer entièrement ses fonctions de président de la république. Il utilise Sylvia comme joker.
Ayant pris en main la réalité du pouvoir avec d’autres alliés, un cercle d’intimes et des fidèles parmi les plus fidèles, la première dame travaille sur une alternative pour la présidentielle de 2023 : soit pousser Ali Bongo à se représenter (ce qui lui permet de continuer à tirer les ficelles), soit préparer son fils aîné Nourredin pour accéder au fauteuil de son père. Dans les deux cas, les intérêts de la famille seront préservés et Sylvia sera ou première dame du Gabon ou la mère du Président de la république
Le prochain article de notre série sera consacré à l’ivoirienne Dominique Ouattara, une femme de pouvoir et d’argent
« Premières dames africaines » (volet 2), Marième Faye Sall, l’impératrice du Sénégal
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