Mondafrique propose en effet une série d’entretiens avec les principaux acteurs politiques. Ce quatrième volet est consacré à Maître Habiba Touré, qui s’exprime dans cette interview en tant que porte-parole du Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI), un parti fondé par l’ex-président Laurent Gbagbo en octobre 2021. Lequel a été empêché de se présenter à la Présidentielle qui devrait avoir lieu le 25 octobre
« La marche de l’opposition du 11 octobre aura lieu. Nous ne laisserons pas le régime confisquer la démocratie», déclare à Mondafrique Habiba Touré après l’interdiction de la manifestation du 4 octobre par les autorités ivoiriennes. Et d’ajouter que lee 4ᵉ mandat du président Ouattara n’aura pas lieu en raison de « la détermination du peuple ». Depuis qu’il a été écarté de la compétition présidentielle, le mouvement de Laurent Gbagbo a tendu la main à ses adversaires d’hier: l’ancien allié du Président Ouattara, Guillaume Soro, réfugié à l’étranger, et Tidjane Thiam, le chef du PDCI, un des principaux partis de l’opposition.
Les déclarations tranchées de Maître Habiba Touré n’ouvrent guère la voie à un compromis et annoncent sans doute une forte zone de turbulence, voire un embrasement populaire, dans les heures et les jours qui viennent. À moins qu’une médiation soit tentée entre le pouvoir, dont le bilan en termes de stabilité, de développement économique et de leadership régional mérite d’être reconnu, et les principales personnalités de l’opposition qui ont été écartées du scrutin présidentiel sans ménagement et sans aucune tentative de négociation.
Nicolas Beau, directeur de la rédaction de Mondafrique
« L’alternance n’est pas une menace. C’est un droit ».
Mondafrique (correspondance): L’opposition avait appelé à une marche pour le 4 octobre ; cependant, deux jours avant, les autorités ont interdit toutes les manifestations et les rassemblements sur la voie publique, et ce jusqu’à nouvel ordre. Le PPA-CI a décidé de la reporter au 11 octobre. Pourquoi la reporter à une date ultérieure puisque, de toute façon, celle du 11 sera aussi interdite ?
Habiba Touré : Marcher est un droit garanti par la Constitution ivoirienne et par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce droit, aucun pouvoir, aussi fort soit-il, ne peut l’effacer. Le PPA-CI ne rentrera pas dans une logique d’arbitraire, et ne se soumettra pas non plus à un quelconque arbitraire. Nous respectons le droit, et nous demandons que le droit soit respecté. La marche du 11 octobre aura lieu.uCe combat est juste. Il est pacifique. Il est pour la démocratie.
Compte tenu du climat tendu, des arrestations de cadres de votre parti et des interdictions de rassemblements, comment le PPA-CI compte-t-il faire avancer ses revendications ?
H.B : Le PPA-CI poursuivra ses revendications par tous les moyens démocratiques que nous offre la Constitution. Nous allons marcher, nous allons manifester. Tout ne fait que commencer. Ce n’est pas l’opposition qui radicalise le climat, c’est le régime qui réprime à tout va : interdictions abusives, arrestations arbitraires, menaces.
À plusieurs reprises, Laurent Gbagbo a clairement dit « qu’il n’y aura pas de 4ᵉ mandat ». À vingt jours des élections, qu’est-ce qui permet de dire que la prédiction de Laurent Gbagbo pourrait se réaliser ?
H.B : Ce qui nous permet de dire que le 4ᵉ mandat n’aura pas lieu, c’est la détermination du peuple, parce que ce peuple ne l’acceptera pas. Et il l’a déjà prouvé le 9 août dernier. Il le prouvera encore le 11 octobre. Face à cela, que fait le régime ? Il tente d’instaurer un climat de peur, il multiplie les arrestations, il piétine la Constitution. Pour eux, « maintien de l’ordre » signifie soumission à leur forfaiture. Mais ce temps est révolu. Nous ne laisserons pas une minorité confisquer l’avenir de tout un pays. L’alternance n’est pas une menace. C’est un droit. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien à perdre. Si ce n’est la Côte d’Ivoire et précisément c’est pour elle que nous ne lâcherons rien.
Est-ce que vous pensez que l’opposition est suffisamment unie, solide, pour obtenir un report de l’élection ?
H.B : Ce qui nous rassemble tous aujourd’hui, c’est la même détermination à faire barrage au 4ᵉ mandat. Ce combat n’est plus seulement idéologique. Il est républicain, citoyen, vital. Nous refusons qu’un régime se maintienne non pas par le vote du peuple, mais par la soumission des institutions et le contrôle de la force. Ce n’est pas cela gouverner. Ce n’est pas cela la démocratie. C’est précisément ce refus-là qui nous unit, au-delà des étiquettes et des parcours.
Toute l’attention médiatique est focalisée sur Abidjan, cependant que savez-vous des mobilisations à l’intérieur du pays ? Qu’attendez-vous de la marche du 11 octobre ?
H.B : Nous savons, parce que nous sillonnons le pays, que la soif de liberté est partout. Les populations veulent pouvoir s’exprimer. Elles veulent pouvoir choisir. Elles veulent que la Constitution soit respectée. Elles veulent l’alternance démocratique, pas l’alternance de la peur. Le 11 octobre, ce sera cela : l’expression d’un peuple qui refuse que sa voix soit confisquée.
Que la sagesse l’emporte. Et que la démocratie soit enfin respectée.
Présidentielle, le pouvoir ivoirien tord la démocratie au nom de la stabilité