Notre revue de presse internationale sur le Moyen Orient se penche sur les raisons du fiasco de la réponse militaire israélienne le jour des massacres du 7 octobre ainsi que sur les divisions du monde arabe sur le rôle futur qui doit être dévolu au Hamas
Le 7 octobre, la sous-estimation de l’adversaire par les Israéliens
Le plus grand quotidien israélien, le Yediot Arahonot, a publié un scoop en fin de semaine alors que venaient d’être annoncé les résultats d’une enquête diligentée par Tsahal ( l’armée israélienne) pour tenter d’expliquer le fiasco des attaques du 7 octobre 2023 durant lesquelles 1 200 Israéliens ont péri – 800 civils et 400 membres des forces de sécurité- et 251 personnes prises en otage.
Selon le journal israélien, dont l’article a été cité dans les grandes largeurs par son concurrent Haaretz, le commandant d’une unité d’élite des renseignements militaires, le général Yossi Sariel, a sévèrement critiqué le chef d’état-major des armées Herzl Halevi alors que les grands pontes de l’armée lavaient en famille, mercredi 26 février, leur linge salle sur la base aérienne de Palmachin, dans le centre d’Israël.
L’ensemble de la presse internationale a certes expliqué comment les chefs de Tsahal ont battu leur coulpe et dressé la liste des multiples erreurs d’appréciation et d’analyses commises par les militaires ; mais les indiscrétions du « Yediot Arohonot » ont révélé l’ampleur de sérieux tiraillements internes dans l’armée : devant plusieurs centaines d’officiers de l’IDF (Israeli défense forces, Tsahal) , le général Sariel a en effet déclaré que le 7 octobre « a non seulement mis en lumière la maladie qui a infecté le corps de l’armée » – une allusion aux dysfonctionnements structurels à la racine du fiasco- mais que la dite « maladie » n’a pas vraiment donné lieu « à une investigation » appropriée de la part de Tsahal pour expliquer les erreurs : « Personne ne s’est assis un quart d’heure pour se demander ce qu’il s’est passé », a accusé Sariel. Selon lui, seuls les membres des services de renseignements de l’armée – c’est-à-dire les siens-, ont vraiment fait leur auto critique : « les autres » [ceux de l’armée régulière] , a ironisé l’officier supérieur, n’ont pas daigné le faire et ont simplement admis qu’ils « auraient juste commis quelques erreurs « . En fait, a-t-il ajouté, « l’armée n’a simplement pas pris la peine d’expliquer les raisons de ses erreurs »…
Le général Sariel a ensuite résumé les causes profondes de l’incapacité des militaires à répondre rapidement à l’attaque : la raison principale serait le fait que Tsahal n’a jamais pris au sérieux la possibilité d’une attaque surprise par le Hamas car, a-t-il dit, « nous n’avons pas considéré que l’aile militaire du Hamas [les brigades Al Quassam] était une véritable armée et, par conséquent, nous avons laissé ses combattants se déployer sur notre frontière, à quelques minutes de route de nos communautés [kibboutz] »
A la fin de la session, le chef d’état-major Halevi a essayé de minimiser les critiques du chef de l’unité d’élite des renseignements militaires envers l’armée, estimant qu’il n’était pas « nécessaire de se livrer à des batailles en interne comme nous l’avions fait après [la seconde guerre du Liban] en 2006…. »
Le Monde arabe divisé sur le futur rôle du Hamas dans Gaza
Le Wall Street journal consacre, vendredi 28 février, un grand article sur les divergences de vues des pays arabes à propos de la place à accorder au mouvement islamiste palestinien dans un Gaza de l’« après guerre »
« Si le Hamas reste dans Gaza, Israël ne voudra pas arrêter le conflit et des pays du Golfe comme les Emirats arabes unis (EAU) ne voudront pas financer la reconstruction [de l’enclave palestinienne ], explique d’abord le ’Journal’. Qui, dans un deuxième temps, rappelle que l’Egypte « pense qu’il n’est pas réaliste de parler d’une élimination complète du Hamas et songe à une solution permettant d’affaiblir l’autorité du [mouvement islamiste palestinien].
Les pays arabes reconnaissent toutefois, continue le grand quotidien de Wall Street, que les « militants « [du Hamas] possèdent encore une grande capacité de nuisance : » Ils sont en position de faire échouer n’importe quel plan de reconstruction », écrit le journal, citant à ce propos un certain William Weschler, ancien spécialiste du contre-terrorisme au sein du Département d’Etat américain.
Ainsi, conclut le WSJ, si les pays arabes ont condamné d’un même élan les propositions délirantes de Donald Trump de transformer Gaza en une nouvelle « riviera » de la méditerranéen après avoir préalablement expulsé les deux millions et quelques personnes vivant encore dans les ruines du territoire, ils se disputent sur les modalités d’une gouvernance de Gaza : « L’Arabie Saoudite et le Qatar soutiennent un plan égyptien de désarmement du Hamas qui permettrait cependant à ce dernier de jouer un rôle politique en compagnie d’autres factions palestiniennes ».
Les Emirats, ajoute le quotidien, « désirent quant à eux que le Hamas soit totalement éradiqué de la bande de Gaza et penchent plutôt pour une solution qui verrait l’Autorité pales tienne gouverner le territoire ». Mais l’article rappelle aussi, comme pour souligner un dernier point d’achoppement entre les pays arabes, que ces derniers « ne sont pas non plus d’accord s’il faut ou non envoyer des troupes pour aider à la sécurisation de l’enclave »…
Le quotidien apporte enfin des éléments d’explication quant à la vision que se font les nouveaux dirigeants du Hamas (la plupart des leaders du mouvement ont tous été tués par Israël durant la guerre) de leur propre rôle dans un Gaza post conflit : « la plupart de [leurs responsables] admettent qu’ils auront du mal à survivre dans une position de pouvoir dans Gaza. Mais ayant survécu à 15 mois de conflit brutal, les plus extrémistes d’entre eux sont bien décidés à rester une force armée capable d’exercer son influence en coulisses et, à l’avenir, être à nouveau capable de porter le fer en Israël ».
Des Gazaouis dénoncent les sévices des militaires israéliens
Alors que la première phase du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas a pris fin samedi 1 er mars, certains détenus palestiniens, parmi le millier relâché par Israël depuis le début de la trêve, affirment avoir subi de mauvais traitements dans les prisons de l’Etat hébreu, d’après le Washington Post du 28 février.
Le Washington Post publie ainsi le récit d’Ashraf al-Radhi, un fermier détenu pendant 14 mois. Ce dernier raconte avoir « subi tant d’humiliations » en prison qu’il avait fini par « avoir envie de mourir ». Incarcéré pour simple soupçon de soutien à des « activités terroristes », Ashraf a raconté avoir eu « les yeux bandés, les poignets menottés » avant d’être jeté « dans une cellule sordide où croupissaient déjà une douzaine d’autres prisonniers ». Le « WP » écrit que le « détenu n’a pas eu accès à un avocat, il n’avait aucune idée où il était et ce que sa famille était devenue en son absence ».
« On m’a battu mais les Israéliens n’ont pas réussi à trouver des preuves contre moi », a-t-il encore confié au grand journal de la capitale des Etats-Unis. Durant son séjour en prison, en décembre, a-t-il affirmé, « l’« un de ces co détenus, Mohammed al-Akka, est mort de ne pas avoir reçu de soins médicaux ».
Le journal a par ailleurs donné des chiffres, non confirmés par l’Etat hébreu, du nombre de Gazaouis détenus, selon le groupe de défense des droits de l’Homme israélien HaMoked : « 1800 Palestiniens de Gaza étaient, à ce jour, incarcérés aux termes d’une disposition législative appellée ’Loi sur les combattants illégaux’, loi permettant à Israël de détenir de manière indéfinie sans les inculper des Gazaouis soupçonnés d’être complices des combattants [du Hamas] »
Israël, rappelle le Washington Post, « affirme qu’elle relâche les civils non impliqués dans les combats, après avoir contrôlé leurs identités. Mais les groupes de défenses des droits disent de leurs côtés que de nombreux civils sont incarcérés sans raisons apparentes, tel Ashrad al-Radhi, pendant plus d’un an ».