A Niamey, la capitale du Niger, l’histoire fait sourire ou plonger dans une forme de désespérance sur les moeurs de la vie politique. Ibrahim Yacouba (Iyac), lus d’une fois candidat à la magistrature suprême, ancien Directeur de cabinet du Président Mahamadou Issoufou, puis ministre d’Etat en charge de l’Energie durant le mandat inachevé de Mohamed Bazoum, le leader du Mouvement patriotique nigérien Kishin Kassa (Mnp), se retrouve littéralement incriminé de sacrifices humains, par la justice de la junte au pouvoir
Rocambolesque, désopilant, incroyable mais vrai, ridicule ante-mortem, encore une africânerie, telles se présentent les réactions les moins féroces, de la part de diplomates, de journalistes et même d’observateurs désabusés, soient-ils étrangers ou nationaux. Que s’est-il passé, exactement ?
L’exécutant de la commande de sacrifices humains, le marabout Malam Nourou, n’en est pas à un meurtre près. A présent qualifié de psychopathe, il droguait certains de ses clients, tous de sexe masculin, avant de les sodomiser, ensuite les étrangler à mains nues et enterrer, en rase campagne. Cinq en ont trépassé. Le sixième, rescapé des outrages de viol et du fantasme de l’homicide manuel, put réchapper à la mort, la strangulation n’ayant produit l’effet fatal. En effet, il fut le seul à subir une tentative d’égorgement, point d’orgue de l’avanie. Les services de sûreté publique commencèrent à instruire sa plainte dès le 29 juillet 2025.
Des accusations rocambolesques
Le 11 septembre, l’ancien ministre, Ibrahim Yacouba, défère à une convocation de la police judiciaire (Pj), croyant sans doute qu’il s’agit d’un épisode du suivi judiciaire depuis sa libération, le 2 avril 2025, en compagnie d’autres prches du Président Mohamed Bazoum, Iyac, incrédule, découvre le fondement obscur de l’injonction : Il lui est tenu grief d’appointer, auprès de Malam Nourou, une série de sacrifices humains, en vue de se rendre propice l’accession au sommet du pouvoir d’Etat. L’intermédiaire, porteur de l’offre, serait Issa Ali Maïga, présumé proche de Ibrahim Yacouba. Iyac nie avec véhémence et un brin de stupéfaction. Il demande au commissaire enquêteur si les personnes qui le désignent peuvent l’identifier. La confidence surréaliste du policier renseigne assez quant à la suite : »Non ils ne vous connaissent pas ! Le marabout dit ne vous avoir jamais rencontré et le prétendu intermédiaire dit non seulement ne pas vous connaître mais en plus il conteste les faits qui lui sont reprochés ! » Kafka sous les tropiques, ainsi s’annonce la partie.
Parvenu encore jeune au cœur de l’Exécutif, Ibrahim Yacouba, un croisement de technocrate et de politicien moderne, s’avère aux antipodes des pratiques d’occultisme et d’investissement sur les amulettes, que la vox populi prête à des membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp), organe exécutif de la junte.
D’emblée, il exige sa confrontation aux susdits et propose de prêter serment coranique dont le parjure conduit en enfer. Les 11,12 et 13 septembre et même devant le procureur, il se retrouve, respectivement, en face de chacun de ses accusateurs puis face à leur duo réuni. Ils avouent ignorer le visage de Iyac et nient une quelconque relation à lui. Aussitôt, il interroge ses interlocuteurs : Sous les ordres de qui son nom a été soufflé aux deux…Les agents et le magistrat, embarrassés, s’abstiennent de réagir. A ce moment, l’opposant se croit tiré de tracas.
Les procès-verbaux (Pv) des séries d’auditions contradictoires – incrimination et dénégation – sont transmis au Parquet et la décision tombe. Interloqué autant que ses avocats, Iyac constate son maintien en garde-à-vue, au motif de « nécessités d’enquête pour assassinats« , rien de moins. Déjà, le 12 septembre, saisi de la dernière mouture du document où les dénonciateurs se rétractent, le Parquet près le tribunal de grande instance de Niamey, renvoya le dossier à la Pj, exigeant, d’elle, la remise en cause de Iyac, comme l’ont révélé ses avocats sur Radio France internationale (Rfi).
Alors, Iyac, avant sa mise sous mandat de dépôt, demande, aux policiers, de noter dans l’ultime Pv, ses questions qui coulent de source : Pourquoi et à quelles fins, se retrouve-t-il convoqué et privé de liberté, dans un litige où les protagonistes le lavent de tout soupçon.
À Niamey, la réponse à la curiosité que le cas suscite se trouve, dit-on, dans le cercle des civils et militaires dont la familiarité aux pratiques de l’occultisme nourrit la rumeur la moins bienveillante.
Au Sahel, malgré la rigueur professionnelle de policiers et de juges du siège, le gouvernement militaire réussit désormais l’exploit de les contraindre à maintenir en détention, à 100 km de la capitale, un opposant politique à ce point gênant qu’il faille lui imputer un crime d’un autre âge. A présent, Ibrahim Yacouba survit, loin des siens, dans la prison civile de Ouallam, région de TIlabéri, au centre de la zone d’activité jihadiste. Son sort dépend de l’humeur du Général Abdourahamane Tiani lequel, chuchote-t-on avec effroi, tranche, en dernier ressort, selon la divination de ses oracles bardés de gris-gris.