Le ministère des Mines du Niger vient de publier un communiqué qui annonce la prochaine éviction de la multinationale du combustible nucléaire Orano, à l’issue d’un bras de fer juridique de plusieurs années entre les autorités de Niamey et l’ex Areva.
Le document est daté du 11 juin et intitulé « note d’information sur Imouraren », du nom de l’un des plus grands gisements d’uranium du monde, qui aurait dû devenir la plus grande mine à ciel ouvert d’Afrique. Il rappelle sobrement les étapes du long contentieux franco-nigérien suscité par la mise en sommeil du chantier minier situé dans l’extrême nord du Niger, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, dans un contexte de chute des cours mondiaux du minerai.
Tout avait pourtant commencé en fanfare. Le 20 janvier 2009, sous la Présidence de Mamadou Tandja, le gouvernement nigérien avait délivré à la joint-venture franco-nigérienne Imouraren SA (capital réparti à 2/3 Areva et 1/3 SOPAMIN, la société nationale des mines) un « permis pour grande exploitation d’uranium » (PEX). Ce PEX offrait le cadre juridique de la mise en valeur des gisements découverts sur place. Le projet Imouraren, prévu pour entrer en production en 2012, devait produire 5000 tonnes d’uranium par an pendant quarante ans.
Gagner du temps jusqu’à la remontée des cours
Avec la chute brutale des cours survenue en 2011, Areva (ex-Orano) a demandé en 2014 un report de l’exploitation de trois ans, jusqu’en mars 2017, pour une mise en production le 31 mars 2020. Quelques mois avant Fukushima, en septembre 2010, l’enlèvement de 6 otages français à Arlit, dans la même région, avait déjà douché l’enthousiasme des décideurs français, soulevant d’épineuses questions sécuritaires.
La récente note d’information du ministère raconte que ce premier report s’est traduit par la signature, en 2014, d’un accord de partenariat stratégique et d’un protocole d’application de cet accord. L’article 3 du protocole d’application prévoit que « si (…) les parties ne parvenaient pas, au plus tard le 31 mars 2017, à convenir d’un nouveau calendrier de reprise des travaux sur Imouraren, elles reprendront leur liberté conformément aux textes en vigueur. »
Pourtant, les travaux n’ont jamais repris, malgré la pression gouvernementale accrue après l’élection du Président Mohamed Bazoum en 2021. Le 11 février 2022, le ministère des Mines a adressé une première mise en demeure à Imouraren SA « pour reprendre les travaux d’exploitation dans un délai de trois mois (…) faute de quoi le retrait du permis d’exploitation interviendra en application des dispositions de la loi minière. » Cette lettre, précise aujourd’hui le ministère des Mines, « est restée sans suite. »
Les volte-faces d’Orano
Mais les deux parties ont poursuivi leurs échanges et elles ont abouti, le 4 mai 2023, à la signature d’un accord global de partenariat (AGP), par lequel Orano renonçait à son permis pour grande exploitation (PEX) et demandait un permis de recherche sur le même périmètre « pour tester une nouvelle méthode d’exploitation ISR. » La méthode ISR (In Situ Recovery) consiste à faire circuler dans le sol une solution acide qui dissout l’uranium présent dans les sédiments, le jus uranifère étant ensuite pompé jusqu’à une usine de traitement où l’uranium est concentré. L’ISR est mise en oeuvre par Orano au Kazakhstan.
Le 19 mai 2023, quelques jours après cette signature, Imouraren SA a fait volte-face et demandé une dérogation « pour la reprise des travaux de sondage de développement (…) en attendant l’obtention du nouveau permis de recherche. » Cette requête a reçu une réponse négative du Niger le 30 mai, Orano étant renvoyé aux dispositions de l’accord signé signé trois semaines plus tôt.
Le coup d’Etat, le 26 juillet suivant, a renversé le Président Mohamed Bazoum et interrompu, dans la foulée du blocus contre le Niger, les activités d’Orano. Avec la levée des sanctions internationales en février 2024, la situation des frontières a commencé à se normaliser et le 19 mars 2024, le ministère des Mines a procédé à une deuxième mise en demeure « pour le retrait du permis pour grande exploitation d’uranium », auquel Orano avait expressément renoncé un an plus tôt. « Dans cette lettre, le ministère demandait à Imouraren SA de reprendre les travaux d’exploitation dans un délai de trois mois, faute de quoi le retrait du PEX sera prononcé et son périmètre fera retour au domaine public », conformément à la loi minière en vigueur.
Lors d’un déplacement sur le site le 4 mai dernier, le ministre des Mines a constaté que les travaux n’avaient pas commencé. Dans l’intervalle, le 26 avril 2024, Imouraren SA avait transmis un plan de mise en exploitation rejeté par le ministère le 7 juin dernier « car ne répondant pas aux attentes de l’administration des Mines. »
Vers une remise en jeu du permis le 19 juin
A la fin de sa note, le ministère précise avoir « réitéré à Imouraren que la deuxième mise en demeure expirait le 19 juin 2024, date au-delà de laquelle le retrait du permis d’exploitation serait prononcé et son périmètre ferait l’objet de retour au domaine public. »
C’est dans ce contexte qu’Orano a annoncé, le 9 juin dernier, ses activités de relance de la mine, après treize ans d’arrêt, affirmant s’engager « aux côtés de l’État du Niger pour démarrer l’exploitation des gisements le plus rapidement possible ». Un réveil bien tardif. Les autorités nigériennes semblent décidées à céder l’immense périmètre gelé par la France à des partenaires plus motivés.