Alors que le pays comptait avant le coup d’Etat du 26 juillet 2023 plus de 160 formations politiques, les dernières Assises nationales du Niger ont proposé leur dissolution pure et simple et leur limitation à cinq au maximum. Une proposition désormais entre les mains de la Commission nationale des Assises avant d’atterrir sur le bureau du général Abdourahamane Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
Par la rédaction de Mondafrique
La proposition est presque passée inaperçue : les participants aux Assises nationales du Niger ont décidé de rien moins que la limitation du nombre des partis politiques, après la dissolution de toutes les formations politiques existantes avant le coup d’Etat du 26 juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum.
Classe politique disqualifiée
Depuis 1991, date du retour du pays au pluralisme politique, le Niger connaît un multipartisme intégral, caractérisé par l’existence de pas moins de 160 partis politiques. Sans que cela corresponde toutefois au nombre d’offres politiques. A la faveur de la non limitation du nombre de partis, il s’est développé une sorte de business de la politique. Chacun crée son parti : il en devient le président, le trésorier et le militant. Les faiblesses de la tutelle de contrôle exercée par le ministère de l’Intérieur sur les partis ont conduit à une situation où ces formations ne tiennent jamais des instances. Ni congrès annuel, ni bureau politique, même pas de meetings ou de réunions du plus petit organe dirigeant pour certains partis politiques qui ne réapparaissent que quand les consultations électorales arrivent, pour être toujours dans le camp de la majorité.
Avec la dissolution, la limitation du nombre des partis constitue un cinglant désaveu à l’endroit de la classe politique nigérienne. Dans un discours remarqué à l’ouverture des Assises, le gouverneur de la Région de Niamey le général Assoumane Abdou Harouma a fustigé une classe politique qui « a plutôt brillé par l’instauration des contre-valeurs durant les 35 ans de démocratisation au Niger ».
Etre dans le partage du gâteau
Il n’y a pas qu’après les coups d’Etat que se produisent ces ralliements spectaculaires. On les observe après des élections démocratiques aussi. Certains partis politiques sont en effet incapables de rester dans l’opposition. Leurs dirigeants mouraient en effet de faim sans les prébendes de l’Etat. Leur seul métier, c’est la politique, mais surtout être dans le parti ou la majorité au pouvoir. Sur l’autel de cette « politique du ventre », ils sont prêts à toute sorte de reniement, à toute sorte de renoncement, à toute sorte de compromission. Derrière l’engagement politique, il n’y a, en fait, que la volonté de se servir et non celle se servir. Résultat, les partis politiques sont ainsi devenus des « boutiques pour faire » du business. Naturellement, chacun cherche à créer le sien. La République démocratique du Congo en affiche plus de 400 ; le Sénégal recense au moins 330 partis politiques alors que le Tchad en compte pas moins de 150. S’il y avait autant d’offres politiques que de partis, personne n’aurait trouvé à redire. Dans la pratique, on crée son parti pour rallier la large majorité au pouvoir et être « dans le partage », obtenir son maroquin en tant que chef de parti et quelques postes pour certains militants.
Grave recul
Au-delà du sort bien triste de leurs auteurs, le nomadisme politique, « les zig-zag » , pour parler comme à Abidjan, ont nui à l’image de la politique et des hommes politiques dans de nombreux pays africains. La politique n’est plus perçue comme un engagement, mais une stratégie de carrière pour s’offrir un confort qu’on n’aurait jamais pu obtenir par ses études ou son métier.
Et pourtant, il fut un temps où on s’engageait en politique partout en Afrique par conviction et par idéalisme. On était « militant à vie » du parti sawaba de Djibo Bakary au Niger, on s’engageait à vie au Cameroun à l’Union des populations du Cameroun (UPC) ; on ne cédait jamais à aucune tentation pour quitter le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et rallier une autre formation.
Hélas, tout cela est derrière nous. Il y a désormais plus de personnes qui s’engagent en politique « pour manger », se servir que pour défendre un idéal, des idées et des convictions. L’Afrique n’est certes pas seule région du monde confrontée à cette dérive, mais parce qu’elle poursuit, avec des hauts et des bas, sa trajectoire démocratique, il est important de revenir aux fondamentaux laissés par les pères-fondateurs des indépendances : faire de la politique pour servir et non pour se servirait