Plus de 700 participants ont entamé samedi 15 février à Niamey pour cinq jours les travaux des Assises nationales dont l’enjeu sera de définir la durée de la transition et d’adopter une Charte censé régir cette période transitoire.
Niandou Kindo, à Niamey
Le grand débat censé faire le point d’étape sur la transition entamée depuis le renversement le 26 juillet 2023 du président Mohamed Bazoum et définir l’avenir politique du Niger s’est ouvert samedi au Centre international des Conférences Mahatma Gandhi de Niamey.
Jusqu’au 19 février, les 716 participants, représentant les différentes couches socioprofessionnelles du pays, auront à tabler sur l’élaboration d’un avant-projet de la Charte de la Transition qui sera proposé au Président du Conseil supérieur pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Les échanges seront également centrés sur des questions brûlantes comme les voies et moyens de renforcer la souveraineté nationale, de consolider le processus de la refondation de la République, et de réaffirmer l’indépendance du pays.
L’AES représentée aux Assises
Placée sous la présidence du Chef de l’Etat, président du CNSP, le Général de brigade Abdourahamane Tiani, la cérémonie solennelle d’ouverture de ces assises a été marquée par la présence des anciens présidents de la république, des anciens présidents d’Assemblée nationale, des anciens Premiers ministres, des membres du CNSP, du Gouvernement de transition ainsi que des invités venus du Burkina Faso et du Mali.
A l’ouverture des travaux, le Général Tiani a justifié la tenue tardive de ces assises qu’il avait annoncées dès le lendemain de la prise du pouvoir par le CNSP par la situation à laquelle le Niger s’est retrouvé après avoir décidé d’affirmer sa souveraineté sur son territoire et ses ressources. Selon lui, cette nouvelle posture a provoqué notamment “l’animosité de certaines puissances occidentales, de leurs complices africains et, pire encore, des complices nigériens”.
Estimant que ces menaces qui sont toujours présentes en s’étendant de façon perfide au tissu économique et aux fondements mêmes de la cohésion sociale du pays, le Président du CNSP a lancé un vibrant appel à l’union sacrée et à la solidarité. “Chaque Nigérien, chaque citoyen de la Confédération doit se conduire en digne soldat défenseur de la Patrie et de notre espace commun. C’est cela notre devoir envers nos familles, envers nos proches et envers nos pays”, a lancé le Général Tiani.
Il a par ailleurs saisi cette opportunité pour appeler tous les citoyens de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui ont pris des armes contre les pays du Sahel à les déposer, car, a-t-il déclaré, “le moment est venu de construire et non de détruire”.
Quant aux participants aux assises, le Président du CNSP les a invités à élever le niveau de la confiance placée en eux et à se comporter en dignes fils du Niger, notamment en s’abstenant de tout esprit de corporatisme et de clanisme pour se mettre au service de l’intérêt général.
“Dans chaque parole prononcée et dans chaque acte posé, vous devrez avoir à l’esprit les sacrifices consentis par notre people et ses attentes légitimes d’un nouveau départ, afin que cette fois-ci, nous posions véritablement les bases inébranlables d’un avenir meilleur de stabilité politique et de progrès économique et social pour tous”, a recommandé le Chef de l’État.
Une nouvelle ère pour le pays
Soulignant toute l’importance qu’il convient d’accorder à ces assises, il a dit qu’elles ne doivent pas être “des simples formalités”, mais plutôt “un moment d’échanges constructifs”. Pour sa part, le Président du CNSP s’est engagé à prendre en compte toutes les propositions qui seront formulées par les participants aux assises, “et de leur donner une traduction concrète, progressivement, aussitôt après avoir reçu le rapport”.
Quant au président de la Commission nationale chargée de la conduite des travaux des Assises nationales, Dr. Mamoudou Harouna Djingarey, il a rappelé que le 26 juillet 2023 a marqué l’avènement d’une nouvelle ère, une nouvelle page de l’histoire du Niger. Une période qui arrive en réponse aux défis de gouvernance et d’insécurité.
Cette période, a-t-il ajouté, est marquée par “une prise de conscience collective et un engagement patriotique sans précédent pour affirmer notre dignité, notre souveraineté pour la sécurisation de notre pays. Ni les sanctions illégales de la CEDEAO, ni les menaces de la communauté internationale n’ont ébranlé la détermination du peuple nigérien à rester débout”, a-t-il encore rappelé.
Parlant de ces assises, le Président de la Commission nationale a expliqué qu’elles visent à poser les bases d’un Niger nouveau tiré de ses réalités historiques, socio-économiques, politiques et culturelles. Aussi, a-t-il poursuivi, loin d’être une simple formalité, elles expriment la volonté commune des Nigériens de bâtir un état fort, juste et prospère en s’appuyant sur la transparence, la justice et la participation citoyenne.
“Nous sommes ici réunis pour bâtir un Niger fort, digne et souverain, et tourné vers l’avenir. Nous entamons aujourd’hui un processus fondamental, la refondation de notre modèle de gouvernance et de développement”, a souligné Dr Mamoudou Harouna Djingarey. Aussi, a-t-il attiré l’attention des participants sur le fait que « le succès de ces assises dépend de notre engagement collectif avec sincérité, rigueur et patriotisme ».
Auparavant, le ministre d’Etat, ministre en charge de l’Intérieur, le Général de Brigade Mohamed Toumba, a rappelé les différentes étapes du processus ayant abouti à la tenue de ces assises nationales, notamment le travail de fond ayant été fait à travers les assises régionales dont “les conclusions traduisent la volonté du peuple nigérien de défendre vaille que vaille notre souveraineté ».
Réquisitoire sévère contre la mauvaise gouvernance
Mais, le fait marquant du démarrage des travaux des assises aura été le discours livré par le Gouverneur de la Région de Niamey, le Général Assoumane Abdou Harouna. Celui-ci s’est livré à un véritable réquisitoire contre de la classe politique nigérienne, accusée d’avoir mal compris la démocratie et porté peu d’égards à l’intérêt général.
En face des anciens chefs d’Etat et autres leaders politiques, et sous les ovations du public, le général Abdou Harouna n’a pas mâché les mots pour fustiger toutes les tares ayant caractérisé la gouvernance des acteurs politiques durant les 35 dernières années.
Les politiciens, a-t-il fustigé, “ont brillé par l’instauration des contre-valeurs sociales se traduisant par le mensonge éhonté, le pillage systématique de nos ressources, la corruption devenue un mode de gouvernance, le clientélisme, le nomadisme politique, le clanisme, le népotisme, l’escroquerie, l’arrogance, la recherche effrénée du clinquant, la mise sous bail de nos richesses, la sous-traitance de notre sécurité”.
Déplorant que certains hommes politiques, une fois au pouvoir, aient oublié leur responsabilité et leur devoir, le Général Assoumana Abdou Harouna a estimé que “l’exercice du pouvoir doit être encadré par une règle”.
Selon lui, les travers de la vie politiques nigérienne, qui ont poussé l’armée à prendre le pouvoir cinq fois, témoignent de la nécessité pour le pays de repartir sur de bonnes bases; d’où la pertinence de ces assises nationales qui sont bien parties pour tenir en haleine jusqu’au 19 février tout le peuple du Niger, et sans doute ceux du Burkina Faso et du Mali, les deux autres membres de l’AES.