Les maris et même certains des enfants de ce quatorze veuves ont été tués par des groupes armés qui terrorisent et vident les villages de la zone des trois frontières des populations qui leur sont hostiles.
Mauro Armanino, Niamey, 12 novembre 2024
Les 14 veuves en question sont originaires de villages proches de la frontière avec le Burkina Faso. Inconsciemment, elles ont quitté les rares distributions de nourriture dans les zones de déplacés créées à Makalondi et Torodi, pour rejoindre les champs de leurs villages abandonnés par la population. Pour ne pas vivre de la charité étrangère, ces femmes ont choisi d’aller récupérer les sacs de mil et de sorgho conservé dans les villages.
À leur retour, ces paysannes ont été interceptées par des « bandits », comme on appelle les groupes armés, et dépouillées des précieux sacs de nourriture que leur famille avait cultivés, récoltés et placés dans les greniers. Les jeunes armés se sont contentés de confisquer la nourriture sans faire le moindre mal aux 14 veuves sur le chemin du retour. Le peu d’argent qu’elles gardaient ne leur a pas été retiré. Sauvées, les veuves ont retrouvé les conditions de vie précaires des milliers de personnes déplacées par les attaques et les menaces des groupes armés mentionnés ci-dessus. Au Niger, elles sont plus de 500000, auxquelles se mélangent les réfugiés.
Les 14 veuves qui ont défié les groupes armés ont gagné la bataille sans armes. Le mil et le sorgho sont les aliments de base des populations frontalières et contribuent à renforcer l’identité culturelle des populations. Menacées et spoliées du fruit de leur travail, les veuves ont fait ce que leurs maris auraient fait. Elles ont défié à mains nues les règles imposées par une idéologie religieuse dépossédée par la violence contre les faibles.
Ce qui s’est passé dans un village reculé de la savane sahélienne n’entrera pas dans les statistiques habituelles des morts et des blessés des incursions des groupes armés. Cet épisode passera inaperçu, comme la plupart des violences cachées et silencieuses qui blessent le fragile tissu social des populations. Rendus invisibles par la pauvreté et l’oubli des autorités politiques et militaires, ils survivent grâce à une force et une dignité extraordinaire dont seuls les paysans ont le secret. Les 14 veuves qui portaient sur leurs épaules la nourriture pour leurs enfants portaient en réalité aussi notre avenir.