Après l’année 2023 qui voyait l’élection présidentielle malgache boycottée par 10 des 13 candidats en lice, deux élections étaient programmées cette année auxquelles l’opposition participe: une élection législative qui a eu lieu en mai 2024 et des élections municipales de 11 décembre. Sur fond de fraude et de distributions de vivres ou d’argent
Madagascar, cet étrange périphérique censé décongestionner la capitale polluée
Revenons en 2023 où un des membres du collectif des onze candidats a décidé d’aller à l’encontre d’un appel au boycott lancé par ses dix autres compagnons de lutte. Cela a été qualifiée par beaucoup comme une trahison. En effet, cette participation a probablement conféré une légitimité à cette élection dont la reprogrammation a été l’objet même des trois mois de contestation dans la rue baptisée Hetsika Fotsy ou Mouvement blanc, blanc comme pacifique.
L’élection fraudée du Président Andry Rajoelina n’était pas une surprise. Les diplomates occidentaux ont pris acte de cette victoire tandis que les dirigeants africains se sont bousculés pour féliciter le nouvel élu. Toute la stratégie des dix candidats et de leurs partisans s’était ainsi brisée en quelques semaines. Ceci est d’autant plus vrai que les contestations ont été également à bout des souffle. La déception des manifestants était grande, elle ne permettait plus de mobiliser malgré une tentative de contestation des résultats par le candidat parmi les onze qui s’est désolidarisé de ses camarades. Les différends entre les onze candidats contestataires se sont étalés au grand jour. Le collectif s’est alors scindé en deux. Tous les espoirs d’un changement suscités par ces candidats se sont évanouis.
Cet échec a donné naissance à une nouvelle stratégie des principaux partis de l’opposition qui ont donc opté à la participation aux élections. L’élection législative se tenait au mois de mai 2024. Les résultats étaient mitigés. L’opposition a eu à peine une vingtaine de députés sur environ 150 avec une fraude électorale en toile de fond. Des comités de défense des résultats ont été annoncé mais ont rapidement disparu laissant les partisans de l’opposition dans le désarroi. Un désarroi amplifié par un vote unanime de ses députés de l’opposition pour le candidat de la majorité présidentielle au perchoir de l’Assemblée.
La majorité présidentielle a gagné son pari. Elle se sentait de nouveau confiante malgré une contestation économique et sociale grandissante de l’opinion. Une partie des forces de l’ordre y est probablement pour quelques choses au vu du rôle prépondérant qu’elle a joué pour briser les contestations des 11 candidats.
C’est dans ce contexte que l’élection communale de 2024 commençait à se préparer. Cette fois-ci l’opposition a essayé de s’unir dans certaines grandes villes. C’est le cas de la ville portuaire de l’est de Madagascar, Toamasina, la deuxième ville économique du pays. La capitale, Antananarivo, n’est pas parvenue à cette unité. La nomination du fils de l’ancien Président de la République de Madagascar, Marc Ravalomanana comme son candidat de substitution a semé la discorde. Beaucoup voyait en cette nomination une dérive .personnelle de l’ancien Président de la République. L’opposition se trouvait ainsi divisée dans la capitale. Un ancien compagnon de Marc Ravalomanana, Tahina Razafinjoelina, un opérateur économique de la place, a en effet décidé de se frayer son propre chemin afin de marquer les esprits qu’une autre voie de l’opposition est possible.
Le candidat Tahina Razafinjoelina a mené une campagne plutôt singulière. Il a opté pour une campagne sans T-shirt et sans concerts dont le pays a l’habitude de vivre pendant ces périodes électorales. Il a dit qu’il préfère rémunérer les habitants du quartier afin qu’ils prennent en main la propreté de leur propre environnement ou qu’il préfère équiper les ruelles de panneau solaire pour une meilleure sécurité de la population .
Cette décision de Tahina pour se présenter à l’élection municipale d’Antananarivo n’est pas sans risque car elle profiterait, à première vue, au candidat de la majorité présidentielle. Un risque qu’il fallait prendre retorquait le candidat Tahina Razafinjoelina qui a argumenté sa prise de position par les échecs successifs de tous les mouvements de l’opposition depuis 2009.
D’un autre côté le pouvoir déploie, comme toujours, les mêmes recettes pour adouber les électeurs les plus démunis de la capitale. Des distributions de vivres et d’argent aient eu lieu dans la capitale la semaine qui précède le jour du scrutin. Certaines rues de la capitale ont connu également des réfections qui ont soulagé probablement la galère quotidienne des automobilistes de la capitale.
Cela ne cachait pas pour autant les irrégularités le jour du scrutin. La population a attrapé des individus en possession de bulletins de vote pré-cochés au profit du candidat du pouvoir ainsi que des cartes électorales. on a vu des ordonnances distribuées massivement par les autorités judiciaires avec des personnes de père et mère inconnu, on a vu des doublons sur la liste électorale. On a suspecté des voitures transportant des personnes qui papillonnent de bureau de vote à bureau de vote. Dans les régions, des opposants sont menacés, voire arrêtés.
Les non-respects de la loi en générale par ce pouvoir sont quotidiens. La population a l’habitude de les vivre mais en même temps se sent impuissante pour les contester. Lors de cette élection, la diffusion, prévue par les textes, de la liste électorale n’a pas eu lieu. C’est un flagrant délit et constitue évidemment une porte grande ouverte à une fraude électorale massive. Mais le pouvoir de Monsieur Rajoelina fait comme si de rien était. On se demandait parfois comment la communauté internationale arrive à fermer les yeux, Est-ce pour une histoire de souveraineté ? Alors qu’on se rappelle de la protestation vigoureuse de cette même communauté sur la mauvaise gestion par ce gouvernement du fonds Covid 19. Une allocation d’environ un milliard de dollars américains alloué à Madagascar pour faire face à cette pandémie.
Avec la main nue, les opposants ont montré néanmoins plus de détermination pour contrôler le déroulement du scrutin. Mais également beaucoup ne font pas d’illusion surtout sur la capacité de cette opposition à mobiliser pour faire respecter la vérité des urnes.
Les bureaux de vote ferment vers 18h heure dans les grandes agglomérations. Mis à part les irrégularités qui ont été démasquées par la population, le scrutin se déroule plutôt dans le calme. On annonçait une hausse des taux de participation dans la capitale vers 15h. Pour un républicain , c’est une très bonne nouvelle. Mais les fraudes électorales se préparent en général en douceur dans ce pays et sans un contrôle strict des flux d’acheminement des résultats du scrutin par la population, ces fraudes deviendront demain la vérité des urnes.