Madagascar, une dizaine de manifestants tués par la police

Au lendemain de la grande manifestation de jeudi non autorisée contre les coupures d’eau et d’électricité, les dégâts sont visibles dans la capitale vidée. Le mouvement social a été réprimé à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc jeudi 25 septembre. Cinq manifestants sont morts dans l’un des hôpitaux publics de la capitale, atteints par des balles d’AK-47, selon une source hospitalière interrogée par TV5MONDE. En tout, une dizaine de personnes sont mortes à travers le pays. 

Peu après l’entrée en vigueur d’un deuxième couvre-feu nocturne à Antananarivo dévastée par des pillages, le président malgache qui était absent de son pays jeudi, a annoncé limoger vendredi son ministre de l’Énergie pour tenter de calmer le mouvement de protestation contre les coupures d’eau et d’électricité, qui a appelé à une nouvelle manifestation samedi.

Les protestataires répondaient à un appel sur les réseaux sociaux d’un mouvement baptisé « Gen Z ». Ce dernier reprend à son compte le drapeau pirate tiré de la série japonaise One Piece, signe de ralliement de mouvements de contestation anti-régime, vu en Indonésie ou au Népal.

L’Association AOVPM (Observatoire de la Vie Publique de Madagascar) ne peut demeurer silencieuse face à la situation politique, économique et sociale qui prévaut actuellement à Madagascar. « Nous avons toujours défendu, comme nombreux de nos concitoyens, l’importance du respect de l’état de droit et des autorités qui doivent normalement en être les garantes. »

La Constitution de la Quatrième République de Madagascar garantit dans son Article 6 que « tous les individus sont égaux devant la loi et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi » De plus, l’Article 5 consacre le principe fondamental selon lequel « la souveraineté appartient au Peuple,source de tout pouvoir »

Les événements du 25 septembre 2025 dans plusieurs grandes villes du pays, notamment la capitale Antananarivo, résultent directement du non-respect de ces droits constitutionnels fondamentaux par les autorités.

Soutien aux jeunes manifestants

Nous tenons à féliciter les jeunes malgaches qui ont eu le courage de braver les menaces de répression systématiquement brandies par les tenants du pouvoir pour museler la population. Leur mobilisation légitime contre les pénuries chroniques d’eau et d’électricité qui frappent le pays depuis des mois mérite notre respect.

Nous saluons particulièrement :

Les conseillers municipaux de la Commune Urbaine d’Antananarivo qui ont courageusement initié ce mouvement

Les jeunes qui se sont mobilisés sur le terrain, notamment ceux du mouvement Gen Z Madagascar

Il convient de rappeler qu’au moins un manifestant encore aujourd’hui est placé sous contrôle judiciaire pour des faits dont la justice elle-même a ni par reconnaître tardivement la légitimité.

La grave défaillance gouvernementale

Nous exprimons notre vive condamnation face à la défaillance du gouvernement :

1. Répression disproportionnée : Pendant toute la journée du 25 septembre, les forces de l’ordre ont réprimé les manifestants pacifiques, parfois avec une violence excessive.

2. Vacance du pouvoir : Aucune réaction des ministres ni du Premier ministre n’est intervenue, le Président de la République étant absent du territoire national (New York).

3. Inaction face aux pillages : Paradoxalement, après l’annonce d’un couvre-feu par le Préfet d’Antananarivo, des pillages organisés se sont déroulés sous les yeux des mêmes forces de l’ordre, qui se sont montrées cette fois bienveillantes envers les pilleurs selon de nombreux témoignages.

Cette situation révèle une incapacité totale du gouvernement à assurer ses missions fondamentales de protection des citoyens et de ses biens, et de maintien de l’ordre public.

Face à cette crise institutionnelle majeure, l’AOVPM condamne fermement l’attitude répressive des autorités envers une manifestation pacifique légitime, dénonce l’abandon de la capitale aux mains de pillards et vandales, exige que toute la lumière soit faite sur ces événements, demande la démission du gouvernement actuel, manifestement incapable d’assumer sesresponsabilités

L’heure est désormais à la reconstruction de notre démocratie. Nous faisons conance à l’intelligence collective de la nation malgache pour retrouver rapidement le chemin d’un développement authentique, dans le respect des droits fondamentaux et de la dignité de chaque citoyen.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)