L’opposition ivoirienne qui a convoqué la presse le 9 octobre rêve de transformer la bataille pour la réforme électorale en une occasion unique d’isoler le pouvoir en place.
Correspondance, Bati Abouè
Après un report causé par la commémoration du premier anniversaire de la mort de l’ex-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, les principaux partis de l’opposition ivoirienne soutenus par une kyrielle d’organisations de la société civile locales organisent, le vendredi 9 août prochain, au siège dudit parti, une conférence de presse à l’issue de laquelle ils solliciteront l’agenda du gouvernement sur une question cruciale : la réforme électorale.
A 15 mois de l’élection présidentielle, il n’est pas besoin de comprendre tous les enjeux partisans ou nationaux que noue l’élection présidentielle à venir pour évoquer l’éternelle question du découpage électoral, « trop favorable au pouvoir en place », a coutume de maugréer l’opposition, ainsi que la sacro-sainte commission électorale indépendante (CEI) décriée à chaque scrutin.
L’opposition veut en effet un dialogue ouvert et inclusif sur cette question cruciale avec pour objectif de réformer le système électoral en vigueur dans sa totalité. Et, pour l’heure, tous les partis politiques, du plus grand au plus petit, semblent bien s’accorder sur un tel modus vivendi. D’ailleurs, signe des temps, le Parti des peuples Africains (PPA-CI) qui avait snobé les réunions préliminaires de la plateforme de l’opposition parce qu’il n’en est pas l’initiateur, a fini par rejoindre le reste du groupe des opposants (1)
L’opinion nationale et internationale
A côté de ces partis qui ont un poids réel sur l’échiquier national ou dont les leaders font partie de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire, subsistent de petites formations, notamment l’Union pour la République et la démocratie (URD) de l’ancienne ministre de la communication et des affaires sociales, Danièle Boni-Claverie et l’Alliance ivoirienne pour la République et la démocratie (AIRD) dirigé par l’ancien ministre de Laurent Gbagbo, Eric Kahé Kplohourou.
Tous sont en effet là en compagnie de plusieurs organisations de la société civile parmi lesquelles figurent la Fondation ivoirienne pour l’observation et la surveillance des droits de l’homme et de la vie politique (FIDHOP), et l’Alternative citoyenne ivoirienne (AICI) de Pulchérie Gbalet. Cette conférence de presse servira à prendre l’opinion publique nationale et internationale à témoin sur la nécessité d’ouvrir un dialogue dès maintenant avec le gouvernement afin de conjurer les risques de prochaines violences électorales.
Conflit d’intérêts
Mais les intérêts des uns ne sont pas forcément ceux des autres et, dans certains cas, ils entrent même en conflit. Par exemple, le Mouvement des générations capables (MGC) de l’ex-première dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, veut qu’aucun représentant de parti politique ne soit autorisé à siéger à la commission électorale indépendante (CEI) en dehors de personnalités connues pour leur probité et ne militant dans aucun parti politique. Mais fort malheureusement, cette question est assez problématique, vu que l’opposition a rarement eu ce type d’exigences.
Certes, avant les élections de 2020, la réforme promue par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire prévoyait des personnalités au-dessus de tout soupçon pour diriger la CEI. La commission était par ailleurs dotée de pouvoirs autonomes. En revanche, la réforme du PDCI n’exclut pas totalement la présence de l’opposition dans la commission électorale, les partis politiques devant figurer en qualité d’observateurs. De sorte qu’il va être difficile de parvenir à un consensus sur le sujet, surtout qu’avoir un représentant à la CEI peut garantir de précieux subsides à des cadres au chômage pour la plupart, ainsi qu’au parti lui-même par le biais de généreuses contributions de ceux qui ont été promus.
Il est d’ailleurs notable d’observer qu’en dépit du discours ambiant sur le manque de transparence de la CEI, aucun parti politique de l’opposition n’a jamais songé d’en démissionner pour mettre le gouvernement au pied du mur. D’ailleurs, il y a quelques semaines, tous les partis représentés à la commission électorale indépendante sous peine de forclusion ont déposé prestement la liste de leurs membres siégeant dans les commissions locales.
(1) À savoir le PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) de Tidiane Thiam, le Front populaire ivoirien (FPI), l’ancien parti fondé par Laurent Gbagbo et dirigé par son ex-premier ministre Affi N’guessan, Génération des peuples solidaires (GPS), le parti de l’ex-chef de la rébellion Guillaume Soro et ancien fidèle du président Ouattara, ainsi que le Mouvement des générations capables (MGC), le parti fondé par Simone Gbagbo à l’issue de son divorce.
L’opposition de plus en plus faible
Hormis cette contradiction, l’opposition n’a pas non plus été, depuis des années, en mesure de changer les rapports de forces sur le terrain. Parce qu’en dehors des états-majors et des cadres qui tirent les marrons du feu des gains, la politique est de plus en plus perçue comme un art de la tromperie au point où ceux qui ne militent pas au sommet sont d’avance condamnés à traîner la savate et à être les dindons de la farce. Au surplus, le régime d’Abidjan dispose d’un système répressif associant les forces régulières aux milices privées, ces dernières s’occupant de s’attaquer, comme lors de l’opération de déguerpissement d’Adjamé, les manifestations de l’opposition.
En retour, ces milices bénéficient d’une totale impunité. Par exemple, lors de la crise préélectorale de 2020, aucun des jeunes tueurs qu’on appelle communément à Abidjan « microbes » n’avait été arrêté. Pas même l’un de ceux qu’on trimballait de commune en commune dans des vannes appelées « gbaka » de couleur verte. Au demeurant, chaque parti politique de l’opposition joue aussi sa carte personnelle. C’est le cas du Parti des peuples africains (PPA-CI) qui tentera sans doute d’instrumentaliser cette plateforme pour obtenir l’inscription de son leader, l’ex-président Laurent Gbagbo, sur la liste électorale.
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