L’insurrection islamiste au Mali dévolie son projet de s’emparer de Bamako

À la faveur d’un récent message audio en langue Pulaar dont la date n’a pu être précisée, Amadou Kouffa, dirigeant de la Katiba Macina, première composante du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda) évoque la situation du moment à Bamako et son avenir proche. 
 
Un article de « Veille sahélienne »
 
 
Amadou Koufa, nom de guerre d’Amadou Diallo, né vers 1961 à Saraféré, est un djihadiste malien. Issu du peuple peul, il est pendant la guerre du Mali le chef de la katiba Macina, un groupe affilié à Ansar Dine, puis au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Ce leader islamiste de premier plan  se félicite de l’impact conjugué de la crise du carburant et de l’embargo sur les importations. En commentaire, il constate : «les bonnes personnes ont quitté Bamako … seules demeurent les ordures aux côtés de la junte».

Le chef du jihad confirme l’abandon du nihilisme des origines et revendique la résolution de maintenir l’enserrement progressif de Bamako, jusqu’au terme de l’effondrement interne. A l’occasion, il évoque l’analogie historique du blocus de Hamdallaye – à l’époque centre du royaume Peul du Macina – prélude de sa conquête fratricide sous la poussée de Elhaj Oumar Tall, en 1862. Kouffa rappelle que l’encerclement avait exposé, les habitants, à une famine extrême, les poussant à « manger des ânes et piler des calebasses pour se nourrir ».

Et de conclure par la promesse de reproduire, le scénario, dans la capitale :« Nous ferons la même chose, inchallah, jusqu’à ce que la junte se dévore entre elle. Wagué mangera Goïta et Goïta mangera Wagué. Dieu est avec nous. »

Notre évaluation de la situation


En guise de brève exégèse, la déclaration appelle trois observations :

a. Le Gsim vise, explicitement, la chute de Bamako, avant d’y remplacer le pouvoir central
b. Les islamistes table sur un écroulement du régime suite aux privations infligées à la population par le blocus de plus en plus resserré de la capitale malienne
c. Sa stratégie d’enlisement privilégie les dissensions au sein du dispositif militaire de « transition »

Un accord entrele Gsim et les routiers

Le 17 octobre, Al Fat’h, chaîne d’information du Gsim et principal canal d’expression de son chef à l’ouest du pays, Abou Houzeifa al Bambari, diffuse une allocution de ce dernier où il lève l’interdiction de circuler émise, en septembre, aux dépens de la société Diarra Transports, alors accusée de collusion avec les forces armées maliennes (Fama). Le revirement comporterait une entente en numéraire, au profit des jihadistes, sans exclure davantage de neutralité de la part de la compagnie, d’ailleurs privée d’essence et de diesel. La même soirée, l’entreprise opérant en priorité entre Kayes et Bamako se réjouit de la reprise de ses activités, dès le 23 octobre courant. Il s’agit, là, d’un acte retentissant de perte de confiance en l’Etat. A un autre niveau du discours, al Bambari rend, les chauffeurs et convoyeurs de passagers, responsables du port du voile féminin. La nouveauté de l’injonction révèle les prémices d’une volonté de gouvernance pénale selon les prescriptions de la Charia, en vertu du rigorisme salafi.

Al Fat’h publie les images d’une série d’embuscades du même jour, contre des cortèges de camions-citernes d’hydrocarbures, en provenance de la Côte d’Ivoire, par Kolondiéba, région de Sikasso. L’une des séquences du montage vidéo démontre l’échec du mode escorte, au-dessus du convoi. La plupart des sources évaluent le nombre des véhicules détruits à 50, un bilan assez lourd en une seule journée. Le tronçon de la Route nationale (Rn30) concentre la majorité des attaques, au sud, depuis le début du blocus.

L’attentisme des Imams légitimistes

 
La principale organisation islamique officielle d’un pays à 90% musulman, le Haut-conseil islamique du Mali (Hcim), pressentant la catastrophe à venir, invite, la population, à « la patience, à l’unité et à se tourner vers Dieu ». L’instance exprime, le 17 octobre, son inquiétude face à l’aggravation de la crise.

Le Hcim engage, les religieux de l’office, à harmoniser leurs prêches du vendredi autour des thèmes de la stabilité, de la sécurité et de la cohésion nationale. Il demande la récitation des invocations du Qounout, à voix haute, pendant les prières obligatoires, en particulier à l’aube, afin d’obtenir, de Dieu, la paix et la sauvegarde du pays.
Signe des temps d’incertitude, aucune des deux entités signataires ne se risque plus à se ranger derrière les slogans du pouvoir. 
 
Le texte se prévaut d’une caution supplémentaire de la Ligue des imams et des érudits du Mali (Limama), sous le cachet de son Vice-président, Cheikh Ibrahim Kinta. En revanche, le document trahit l’abstention remarquée du meneur du Hcim, Chérif Ousmane Madani Haïdara, dont le mandat prenait fin, à la fin du mois d’octobre 2024. Le non-renouvellement du bureau résulte de divergences doctrinales et d’ambitions de personnes. Madani Haïdara, leader soufi, coordonnateur du réseau d’entraide Ançar Dine, bénéficie d’une grande popularité à Bamako et parmi la diaspora. Hostile aux lectures littéralistes de l’Islam, il reste en tête des cibles potentielles du Gsim, au même titre le Chérif de Nioro, Mohamed oud Hamahoullah, dit Bouyé.


Références


Oraison Abou Houzeifa al Bambari : https://t.me/veillesah/409

Vidéos Kolondiéba :
 
Communiqué Hcim-Limama : https://t.me/veillesah/416