Le pouvoir à Djibouti vient de faire passer une loi qualifiant de « terroristes » les quelques centaines de combattants du Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD) qui, derrière leur leader Mohamed Kadamy (voir son image ci dessus), se battent pour la reconnaissance des droits légitimes de l’ethnie des Afar et la démocratie à Djibouti. Et cela dans l’indifférence de la communauté internationale !
Depuis qu’il s’est offert un 5ème mandat en avril 2021, Ismael Omar Guelleh est décidé à transmettre le pouvoir à sa fille Haibado ou à son neveu Guelleh Idriss. Cette volonté d’imposer comme successeur à la tête de cette Principauté un de ses parents a provoqué des dégâts collatéraux au sein du sérail. Le chef de la police, le Colonel Abdillahi Abdi, a été placé en prison, ainsi que l’ancien ministre du Budget, Abdelkerim Hassan Cher.
Dès lors, le président de Djibouti et ses proches travaillent activement à détruire tous les obstacles qui se dressent sur la route de cette transmission familiale du pouvoir. Le Président Guelleh, dont le pays, moyennant loyers, abrite de nombreuses bases militaires étrangères (France, Chine…), est en quête de soutiens internationaux. Ce qui explique le rapprochement qu’il a opéré, certes contre de confortables commissions, avec la Chine à qui il a livré les clés du Port de Djibouti au détriment des Émiratis. Ce qui lui a valu la vindicte d’un certain nombre de sénateurs américains sensibles aux intérêts des monarchies du Golfe qui l’ont accusé de …corruption..
L’homme fort de Djibouti est en quête également d’alliances régionales. On l’a vu récemment, durant la COP 27 en Égypte, s’entretenir longuement avec le maréchal Sissi et les responsables soudanais, du sort du Tigré, cette région en lutte ouverte avec le pouvoir central éthiopien qui bénéficie du soutien égyptien. Ultime atout aux yeux de Djibouti, ces rebelles persécutent la minorité Afar (1). Les ennemis de mes ennemis sont mes amis! !
Une répression généralisée anti Afar
Fragilisé, le pouvoir à Djibouti s’inquiète surtout de la résistance armée de quelques centaines de combattants Afar du Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD), réfugiés dans les montagnes du Nord du Pays. Ce mouvement représente l’ethnie des Afar, qui est majoritaire à Djibouti et présente également en Éthiopie et en Érythrée. Les Afar font l’objet dans toute la Corne de l’Afrique de mauvais traitements et de discriminations. « Notre sort ressemble à celui des Kurdes », estime Mohamed Kadamy, le chef du FRUD .
Les habitants de Djibouti ont ainsi assisté, durant l’été 2021, à une ratonnade de la police contre les Afar qui habitent les quartiers les plus déshérités de Djibouti. La Ligue Djiboutienne des Droits Humains a chiffré cette répression: 15 morts, 80 blessés, 300 maisons incendiées . Depuis dix huit mois, une douzaine de personnes sont maintenues en prison arbitrairement après avoir été torturées, uniquement parce qu’elles ont des liens de parenté avec les membres du FRUD. Omar Daoud Omar (frère d’un dirigeant du FRUD), est mort des suites des tortures en mai 2022.
L’honneur perdu du juge Tournaire
Les autorités de Djibouti obtiennent souvent l’extradition de leurs opposants. Le lieutenant Fouad Youssouf de l’armée de l’air et Barkat Aboulwahab, un activiste blogueur ont été extradés d’Ethiopie. La France, en revanche, a refusé de livrer à Djibouti le président du FRUD, Mohamed Kadamy, un réfugié politique que le juge Tournaire n’a pourtant pas hésité à mette en examen. Ce magistrat qui a poursuivi une bonne partie de la classe politique française alors qu’il était une star du Tribunal de Paris, avait cédé au troc proposé par le Président Guelleh. Il chargeait l’opposant politique réfugié à Paris sous des prétextes fallacieux, qui ne seront pas retenus, et il obtenait en échange, de mener à Djibouti des interrogatoires, dans l’instruction qu’il poursuivait alors contre Nicolas Sarkozy. Une sorte de troc peu glorieux !
C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu des accrochages meurtriers entre les troupes gouvernementales et les combattants du FRUD, le 6 octobre dernier, dans le district de Tadjourah. En réaction, l’Armée a provoqué des ratissages contre les populations civiles où ont eu lieu les premières affrontements avec le FRUD.
C’est suite à ce événements que le chef de l’Etat a pris la décision, le 13 octobre dernier, de faire avaliser par le parlement une loi qui déclare le FRUD comme un mouvement terroriste. Sans doute un coup d’épée dans l’eau trouble de cette Principauté corrompue et brutale !
(1) Après plus de trois mois d’occupation de la région Afar (nord) début 2022, les rebelles tigréens du Font de libération du peuple du Tigré (TPLF) ont laissé derrière eux ruines et désolation.
Dossier Djouhri, les petits arrangements du juge Serge Tournaire