Ces cinq vélos offerts par une France si généreuse à la police gabonaise

 Il y a quelques jours, les réseaux sociaux ont montré des photos de la remise à la police gabonaise de cinq vélos par l’ambassade française à Libreville, au titre de la coopération entre les deux pays. Une blague? Pas vraiment! Jusqu’à ce jour, aucun démenti n’est venu de la part des autorités gabonaises ou françaises.

Venance Konan à Abidjan

L’histoire est d’autant plus intéressante que le jour où cette information était donnée, la justice gabonaise venait de condamner à de lourdes peines les proches collaborateurs de Nourredine Bongo, le fils du président déchu du Gabon, qui avait pris le contrôle de l’Etat gabonais avec sa mère Sylvia, lorsque son père avait un accident de santé et avait été éloigné du pouvoir pendant un long temps. On avait trouvé aux domiciles de ces hommes que l’on avait surnommés la « Young Team », ainsi que sur leurs comptes bancaires, des sommes faramineuses qui se chiffraient en milliards de francs CFA. Et l’on avait découvert les dizaines de biens immobiliers de très grandes valeurs que la familles Bongo possède en Europe, notamment en France et en Grande Bretagne.

Le pétrole gabonais pompé

Le Gabon, ne l’oublions pas, est un petit pays peuplé de moins de trois millions d’habitants, gorgé de pétrole, couvert de forêts denses, et disposant de manganèse, d’uranium et d’autres minerais. C’est un pays qui aurait dû être au moins au même niveau de développement que les émirats arabes. Mais il est de notoriété publique que pendant de très longues années, le pétrole gabonais avait été pompé par des entreprises françaises sans que les Gabonais n’aient le droit de vérifier la quantité réelle qui était extraite. On avait pris le soin de placer à la tête du pays des hommes dont le développement de leur pays était le cadet des soucis. Il y eut notamment le père Bongo, plus soucieux d’alimenter les caisses des partis politiques français pour se maintenir au pouvoir à tout prix que du bien-être de ses concitoyens, puis son fils Ali, encore moins soucieux du développement de son pays que son père.

Alors, lorsque je regarde la France offrir des vélos au Gabon, cela me fait penser à ma banque qui m’offre un petit calendrier à la fin de l’année. Tout l’argent qui a été volé à l’Etat gabonais par la famille Bongo peut permettre d’offrir des milliers de voitures à la police gabonaise. Ali Bongo lui seul possédait des dizaines de voitures de grand luxe. Robert Bourgi, grand connaisseur de ce pays qui l’avait largement nourri, a plusieurs fois raconté dans des interviews et des livres toutes les turpitudes de la famille Bongo.

 Pourquoi donc la France offre-telle des vélos aux Gabonais ? Par reflexe auto-conditionné. La France est l’ancienne puissance coloniale du Gabon. Et en tant que telle, elle pense qu’elle a toujours le devoir d’aider le Gabon. Même avec n’importe quoi. C’est son fardeau qu’elle doit porter. Le fardeau de l’homme blanc.

Des latrines pour le Bénin

Il y a quelques années, ce sont des latrines qu’elle avait offertes au Bénin, en Afrique de l’ouest. Aujourd’hui elles sont en ruine et abandonnées. Il n’y avait personne pour les entretenir ou peut-être même les utiliser. Mais on n’arrêtera pas d’aider pour autant. Aider qui ? L’Afrique bon sang ! Qui d’autre a toujours besoin d’aide ? Alors, on a cinq vélos dont on ne sait trop quoi en faire ? « Envoyez ça au…au Gabon. » « C’est où le Gabon ? » « Regarde la carte. C’est en Afrique centrale. Il y a longtemps qu’on n’a pas aidé ce pays. »

Pourquoi les Gabonais acceptent-ils les vélos de la France ? Par reflexe auto-conditionné aussi. Ils sont un pays africain et en tant que tel, ils se doivent de recevoir de l’aide des pays riches. Précisément de la France. Même s’ils n’en ont pas besoin. Nous sommes dans la problématique de l’aide, qui ressemble à la fin à la relation du toxicomane et du dealer. On nous avait convaincus au sortir de la colonisation que sans l’aide des pays développés, nous ne sommes absolument rien. Alors, dans notre esprit, nous devons à tout moment être aidés. Et nous en sommes là, à attendre chaque jour de l’aide. Comme le toxicomane qui a toujours besoin de sa drogue. Et le dealer est là pour la lui fournir, à tout moment. Il faut qu’il lui en fournisse toujours, même par toutes petites doses, pourvu que son client n’arrive pas à s’en passer. Que deviendrait le dealer si son toxicomane se désintoxiquait ? Que deviendrait l’ancienne puissante coloniale si le Gabon refusait de prendre ses vélos ? Si le Gabon disait par exemple : « nous allons prendre le contrôle total de l’exploitation de notre pétrole pour offrir nous-mêmes à notre police des vélos, des motos, des voitures ? » Apparemment tout est mis en œuvre pour qu’une telle éventualité n’arrive jamais.

Cela dit, je me demande toujours comment les autres pays producteurs de pétrole, ceux du Golfe par exemple, ont réussi à utiliser les revenus de leur pétrole pour bâtir ce que l’on voit là, et pas nous. Ils n’avaient pas une grande population ? C’est le cas du Gabon ou du Congo. Quelqu’un a-t-il obligé Bongo, Sassou et leurs descendances à être aussi kleptomanes et aussi peu soucieux du développement de leurs pays ? Les Arabes investissent beaucoup en Europe et aux Etats Unis, ils gaspillent beaucoup aussi, mais ils ont transformé leurs pays. Quel est donc notre problème ?

Dans un de mes livre publié en 2018, j’avais écrit en titre que « si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Mais tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. » Et bien, si le Gabon n’est pas capable d’offrir des véhicules appropriés à sa police, qu’il ne débrouille tout seul ! Pourquoi la France devrait-elle en faire son problème à elle ?