Le rapt d’Ibrahim al-Darssi un membre du Parlement de Benghazi, chargé des questions religieuses (qui sont au centre de la vie politique), chargé aussi de la condition des femmes et des enfants écorne l’image globalement positive que la Libte du maréchal Haftar veut donner de son action dans cete Libye qu’il contrôle. Cet ancien imam était un homme parfait tant qu’il a entretenu des rapports chaleureux avec le maréchal Haftar, homme de l’Occident dans une Libye en pièces détachées . Haftar qui, naguère, « indigné » par l’anarchie régnant à Benghazi, a décidé, avec le soutien de Washington, de « reprendre en main Benghazi ». Ce qui est fait.
Jacques Marie Bourget
La poignée de journalistes qui s’intéresse encore au sort de Benghazi, « berceau de la Révolution contre Kadhafi » sont épatés. La lecture de quelques reportages est convaincante : la ville d’un million d’habitants, si violemment divisée et livrée à l’anarchie des milices religieuses, est en train de se remettre sur pieds. L’économie qui structure la société est en plein boom et les hommes d’affaires débarquent. Tableau surprenant dans une Libye écrasée par les « forces occidentales », Sarkozy et la France en tête.
C’est dans ce contexte de « résurrection », qu’un phénomène tragique se perpétue et vient ternir la jolie carte postale du Benghazi nouveau, il s’agit des disparitions qui se multiplient, celles d’individus plus ou moins engagés dans la société qui s’envolent comme fumée. L’enlèvement discret, et peut être derrière l’assassinat, est devenu une pratique de répression politique courante. Et tragique.
Que s’est-il passé entre le Maréchal et le député religieux ? On l’ignore. Mais Ibrahim al-Darssi a disparu après une prise de parole qui ne pouvait que mécontenter Haftar et sa clique L’imam a subitement mis en garde le peuple de Benghazi contre le rôle trop important et trop visible joué par les proches du Maréchal dans la reconstruction de Benghazi. Il s’agit donc d’une querelle d’argent. Se sentant visés -et à juste titre-, dans leurs intérêts particuliers, les militaires ont mal vécu la saillie d’Ibrahim al-Darssi. Si mal vécu que, dans les jours qui ont suivi la courageuse déclaration du député, il a disparu subitement de sa maison de Benghazi.
Aujourd’hui on ignore tout du sort du député. Est-il mort est il vivant ? Bien embarrassées les « autorités » se démènent pour faire croire que cet enlèvement n’est que le fait de malfaiteurs, de voleurs de maisons. Version que personne ne peut et ne veut avaler à Benghazi. Comment, par magie, le député est passé du stade de supporteur enthousiaste de Haftar a celui d’ennemi à abattre ? Il semble qu’il ne fait pas bon déplaire aux chefs de « l’armée » du Maréchal. Surtout pour qui les accuse de trop bien prospérer de concert avec l’essor de la ville… La version officielle s’accroche à cette histoire de bandits, mais les fidèles de al-Darssi envisagent, eux, de lancer une campagne internationale dans des pays Occidentaux et à l’ONU, afin de retrouver leur député.
Ce tapage fait autour d’un leader politico-religieux met à mal le nouveau slogan de Haftar, celui sur la sécurité retrouvée à Benghazi. Une réputation inquiétante, mauvaise pour la bonne poursuite des affaires et celle de la reconstruction de la ville. Qui va maintenant se risquer dans un territoire où l’enlèvement vous guette ?
D’autant que cette pratique violente et radicale est devenue courante. Après avoir débutée en 2014, c’est alors l’enlèvement, puis forcément le crime, contre le journaliste et militant des droits de l’homme Salwa Bouqaïs. Victime, lui-aussi, de son opposition à l’agenda militaire. Puis ce sera le tour de Faraj Bouhashem, lui aussi député, et opposé au raid de 2019 lancé par Haftar contre Tripoli .
Encore en 2019 c’est Sihem Serqiwa , aussi un député, qui est à son tout « effacé » du monde des visibles. Lui critiquait l’action d’Haftar dans l’Ouest libyen, un raid ayant une forte odeur de pétrole. Pour les quelques courageux qui on encore l’audace de s’exprimer : « ces crimes commis contre les citoyens, contre la liberté d’expression, contre la vie politique indique que, sous un dehors apaisé, le chaos règne toujours sous la tutelle d’Haftar ». on peut se poser la question : que vaut un régime où les députés qui s’opposent aux militaires disparaissent ? »
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