Une exposition, 33 olympiades et plus d’un siècle d’histoire sociale et politique. Du 26 avril au 8 septembre, venez découvrir la saga olympique à travers les crises, les luttes, les exploits et les combats majeurs qui ont façonné notre monde contemporain. Alors que l’année 2024 marque l’accueil en France des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, une première depuis 100 ans pour les Jeux d’été, cette exposition inédite en France rassemble 130 ans d’images mémorables, d’archives exceptionnelles et de portraits d’athlètes aux étonnants destins.
Un article de Caroline Chaine
L’exposition a lieu à l’Aquarium tropical
293, avenue Daumesnil – 75012 Paris
www.palais-portedoree.fr jusqu’au 8 septembre 2024
Pierre de Coubertin en créant le Comité́ International Olympique en 1894 voulait promouvoir un universalisme sportif au service de la paix. Avec l’exposition Olympisme, une histoire du monde au Palais de la Porte Dorée à Paris, Constance Rivière, sa Directrice générale, rappelle que « depuis les premiers jeux à Athènes en 1896, ils agissent comme une caisse de résonance de tous les combats, rêves et conflits politiques qui fondent les relations entre les Nations ».
Avec 600 films d’archive, objets, photographies, on traverse 130 ans de l’histoire géopolitique du monde et le destin de ces hommes, femmes et minorités qui en participant aux jeux ont lutté pour l’égalité́, affirmé leurs identités et revendiqué leurs droits.
Jusqu’à la première guerre mondiale, le projet universaliste se mets en place et ce sera à Stockholm en 1912 que pour la première fois les cinq continents seront réunis. Constantin Henriquez est le premier médaillé́ afro- antillais à Paris en 1900 après les premiers jeux à Athènes en 1896. A Saint Louis en 1904, l’organisation de Journées Anthropologiques visent à démontrer la supériorité́ de la « race blanche » sur les prétendus « peuples sauvages ». Zoulous et Pygmées y concourent sans entrainement et sans connaitre les règles. A Londres en 1908, Reggie Walker, blanc, originaire d’Afrique du Sud, colonie britannique est au 100 mètres le premier champion olympique du continent africain.
Dans l’entre-deux guerres, « le temps des jeux donne une visibilité exceptionnelle aux populations victimes de discrimination, pour l’historien Pascal Blanchard. Elles chercheront donc très tôt à gagner le droit de participer aux jeux ». C’est aussi la montée des nationalismes. De nombreux athlètes sont issus des « minorités » ou des empires coloniaux. A Anvers en 1920, la footballeuse Alice Milliat, pionnière du féminisme, se bat pour que les femmes puissent participer aux JO dans toutes les disciplines. A Paris en 1924, 18 délégations sur 43 sont extra-européennes. Émigré́ de l’Europe de l’Est aux États-Unis ,
Johnny Weissmuller emprunte les papiers de son frère et remporte quatre médailles en natation. Il aura alors la nationalité américaine et incarnera Tarzan au cinéma. A Amsterdam en 1928. Ahmed Boughéra El Ouafi, né en Algérie, engagé dans l’armée française puis ouvrier chez Renault remporte la médaille d’or au marathon, la première pour un pays du Maghreb. C’est à Los Angeles en 1932 que les jeux sont organisés pour la première fois avec des capitaux privés. Les athlètes italiens se font les ambassadeurs du régime fasciste. A ceux de Berlin 1936, Jesse Owens, sprinteur africain-américain, petit-fils d’esclave, remporte sous les yeux d’Hitler, quatre titres olympiques. Un discrédit pour ses théories racistes ! Les jeux deviennent politiques.
La Guerre froide et la décolonisation sont au cœur des 25 années suivantes. Les jeux de Londres en 1948 sont le symbole de la résistance au nazisme. Alfred Nakache, juif algérien, champion de France de natation, déchu de la nationalité́ française par le régime de Vichy et rescapé d’Auschwitz est sélectionné́ en natation. En 1952 à Helsinki, pays neutre, débute une confrontation sportive est/ouest. L’URSS communiste pour sa première participation talonne les États-Unis avec 71 médailles. Les trois victoires du tchèque Emil Zátopek au 5 000 et 10 000 mètres et au marathon retentissent comme l’efficacité du modèle soviétique. Après la répression de la révolte de Budapest par l’URSS, la demi-finale de water-polo opposent aux jeux de Melbourne en 1956, les deux pays. S’en suit un « bain de sang ». 45 athlètes refusent de rentrer dans leur pays et obtiennent l’asile politique en Australie. Le français Alain Mimoun, originaire d’Oran y est vainqueur du marathon. Si l’Italie célèbre le retour de la démocratie en Italie à Rome en 1960, le héros est l’éthiopien Abebe Bikila qui remplace son compatriote blessé et gagne pied nu le marathon sous l’Arc de Constantin où, en 1935, Benito Mussolini avait déclaré́ la guerre à l’Éthiopie. Première médaille d’or d’Afrique. Ces jeux seront suivis des premiers Jeux Paralympiques., une dizaine de nouveaux pays africain y sont présents. A Tokyo en 1964, 14 pays africains sont présents. Le Ghana, l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria et la Tunisie y sont médaillés. Les poings levé́s de Tommie Smith et John Carlos à Mexico en 1968, font référence au Black Panther Party en soutien des droits civiques aux Etats-Unis. C’est aussi à Chicago la première compétition des Special Olympics pour les personnes qui vivent avec un handicap mental.
Les années 1970/80 sont le reflet des tensions internationales d’un monde multipolaire avec des boycots à répétitions. Les jeux de Munich en 1972 devaient favoriser le rapprochement des deux Allemagnes. L’attaque du commando palestinien « Septembre noir » contre la délégation israélienne fait 11 morts. L’Américain sept fois médaillé en natation, Mark Spitz de confession juive est exfiltré. 22 pays africains boycottent ceux de Montréal en 1976 pour s’opposer à la présence de la Nouvelle-Zélande, qui a accueilli l’équipe de rugby de l’Afrique du Sud de l’Apartheid. La gymnaste roumaine, Nadia Comăneci, âgée de 14 ans y remporte 5 médailles dont 3 en or. Un record de médailles et de jeunesse que le panneau d’affichage débordé n’a pu afficher ! Les États-Unis boycottent ceux de Moscou en 1980 pour protester contre l’invasion récente de l’Afghanistan par l’URSS et quatre ans plus tard, l’URSS et leurs alliés refusent de se rendre à ceux de Los Angeles. Deux premières pour ces jeux, ils sont uniquement financés par des fonds privés et les professionnels peuvent y participer. Les Jeux de Séoul en 1988 « annoncent l’ère de la mondialisation marchande des Jeux Olympiques » et le dopage n’est plus toléré. Le sprinteur canadien Ben Johnson médaillé du 100 mètres y est à ce titre disqualifié.
Après la chute du mur de Berlin en 1989, l’éclatement du bloc soviétique et l’abolition de l’Apartheid en Afrique du Sud, le CIO souhaite lancer un « nouveau siècle olympique ». A Barcelone en 1992 douze anciennes Républiques socialistes soviétiques participent et Cuba, régime communiste, remporte 31 médailles. Les deux finalistes du 10 000 mètres féminin, la Sud-Africaine blanche Elana Meyer et l’Éthiopienne noire Derartu Tulu, improvisent un tour d’honneur commun sous l’oeuil de Nelson Mandela libéré́ après 27 ans de détention. Tournant majeur à Atlanta, en 1996, les jeux sont en partie subventionnés par les marques. Sydney en Australie célèbre en 2000 la réconciliation avec les peuples aborigènes symbolisée par Cathy Freeman qui après sa victoire au 400 mètres brandit les 2 drapeaux. Les Jeux Paralympiques y trouvent une reconnaissance mondiale.
Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, les jeux sont soumis à une forte pression sécuritaire. Les JO d’Athènes en 2004 plombent l’économie déjà fragile du pays. Épargnés par la crise financière qui frappe l’Occident, ceux de Pékin en 2008 mettent en scène l’histoire chinoise et le pays, en tête pour les médailles, est contesté pour non-respect des droits de l’homme, au Tibet en particulier, et de l’environnement. Le Jamaïcain Usain Bolt y réalise un nouveau record du monde du 100 mètres en 9’’69,.
Depuis 2010, « les Jeux Olympiques participent de la globalisation marquée par l’accélération des échanges et des communications. Instantané́ du monde, façonné à son image, ils sont faits de la richesse, de la complexité et des contradictions de nos sociétés ». Les Jeux de Londres en 2012, de Rio de Janeiro en 2016 et Tokyo 2020 se sont déroulées sans public du fait du covid. Ceux de Paris où seront réunis les compétitions Olympiques et Paralympiques questionnent leur cout, l’environnement avec l’empreinte carbone, le rôle des marques…. « Instantané du monde, façonné à son image, les jeux sont faits de la richesse, de la complexité et des contradictions de nos sociétés. Mais faire voyager des millions de personnes pour vivre « en vrai », ensemble, les émotions intenses que procure le sport, vouloir être émerveillé par des performances qui repoussent toujours davantage les frontières physiques et mentales… semble difficilement compatible avec l’épuisement des ressources de notre planète ».