Israël hésite à déclencher une offensive terrestre d’envergure au Sud-Liban 

Israël a mené des frappes, dimanche, dans la bande de Gaza et au Liban, qui ont fait des dizaines de morts, dont de nombreux enfants. Parallèlement, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a reconnu pour la première fois avoir donné son feu vert à l’attaque aux bipeurs contre le Hezbollah libanais en septembre, selon son porte-parole.

Les divisions au sommet de l’État israélien expliquent pourtant que Tel Aviv hésite à lancer une invasion terrestre massive au Sud-Liban et préfère multiplier les opérations coup de poing. Une occupation d’une partie du Liban provoquerait de lourdes pertes pour Tsahal. C’est généralement au moment du retrait des troupes israéliennes après une intervention ponctuelle que les coups les plus rudes sont frappés par les combattants d’un Hezbollah décapité, mais loin d’être enterré. 

Une chronique de Magali Rawan

Ces images de l’inasion du Liban ont été rendues publiques par l’armée israélienne

Un fossé se creuse entre Benjamin Netanyahou et l’état major militaire israélien sur la meilleure stratégie à retenir face au Hezbollah libanais.. Alors que le Premier ministre israéliens considère toujours que la neutralisation totale du mouvement chiite comme le but à atteindre, les patrons de l’armée, eux, estiment que les frappes actuelles, qui ont décapité le Hezbollah et atteint ses capacités militaires, sont suffisantes pour assurer la sécurité du pays.

Ce désaccord sur les objectifs à atteindre explique les hésitations d’Israël à basculer dans une invasion à grande échelle.

Des forces israéliennes fatiguées

Après des opérations de longue durée et des engagements de grande envergure, la fatigue a fait des ravages au sein des Forces de défense israéliennes. Les opérations prolongées ont sapé le moral des troupes, soulevant des inquiétudes quant à la viabilité d’invasions terrestres prolongées. Le stress et les exigences imposés au personnel des FDI pèsent sur la prise de décision, alors que le gouvernement se demande si les coûts humains de l’invasion du Liban sont justifiés.

Malgré les efforts de « décapitation » des soldats israéliens, le Hezbollah a fait preuve d’une capacité d’adaptation, comblant les vides de direction par une jeune génération de dirigeants souvent plus extrémistes que les anciens. Résultat, les pertes militaires israéliennes dépassent les 100 morts et 900 blessés, dont beaucoup grièvement. Une cinquantaine de chars, de véhicules de transport de troupes et de bulldozers ont été détruits.

De façon dramatique, les « sacs mortuaires » qui reviennent en Israël rappellent  que le Hezbollah est capable d’infliger de sérieux dégâts même sous une forte pression militaire. Le fait qu’une nouvelle offensive puisse déboucher sur une victoire décisive est de plus en plus contesté. Israël a peut-être sous-estimé la capacité de résistance du Hezbollah en pensant que la décapitation des dirigeants suffirait à démanteler l’organisation.

Les leçons de 2006

Le choix de manœuvres limitées en territoire libanais, suivies par un retrait rapide, s’expliquent par les leçons tirées du conflit de 2006. Lors de la seconde invasion du Liban, la guérilla urbaine a permis au Hezbollah de marquer des points. Cette fois, les Forces israéliennes ont privilégié une approche de la terre brûlée. Il s’agit pour l’aviation israélienne de détruire les villages sans engager des batailles de rue qui pourraient trop souvent provoquer de lourdes pertes.

Du coup, les raids tactiques sont devenus la principale méthode pour recueillir des renseignements sur le paysage et cartographier les réseaux de tunnels du Hezbollah. Dans des zones comme Maroun al-Ras, où les Israéliens ont subi des pertes – dont 15 soldats et 3 chars Merkava – cette approche est évidente, l’armée de l’air israélienne (IAF) ayant apparemment frappé cette zone plus de 620 fois.
Impact sur l’économie israélienne


L’économie israélienne, souvent célébrée comme une « start-up nation », est sous pression. Les investissements étrangers ont diminué et la fuite des capitaux s’est intensifiée à mesure que l’incertitude économique grandissait. Les investisseurs se méfient des risques à long terme posés par une situation sécuritaire instable.

Ces tensions économiques qui inquiètent une partie de l’entourage de Donald Trump renforcent la pression sur le gouvernement israélien. Le renvoi du ministre de la Défense hostile à la poursuite de l’escalade militaire est loin d’avoir fait taire toutes les voix discordantes au sein de l’intitution militaire.

 

« Le chaos créatif »


Le recours par Israel à la destruction massive des bâtiments et des cultures, les tirs ajustés dans les zones où coexistent musulmans et chrétiens, le déplacement des communautés chiites supposées proches du Hezbollah ont tenté de créer des frictions inter communautaires qui provoqueraient un début de guerre civile. En fin de compte la volonté de créer une sorte de « de chaos créatif », une stratégie mise en place par les néo conservateurs américains lors de l »invasion de l’Irak n’a pas vraiment obtenu les résultats escomptés. Pour l’instant, les forces armées libanaises sont parvenues à rétablir l’ordre et à prévenir un bon nombre d’affrontements.


L’un des objectifs initiaux de cette invasion du Liban était d’assurer la sécurité des habitants des régions septentrionales d’Israël et de faciliter leur retour chez eux. Toutefois, cet objectif qui n’a toujours pas été atteint pourrait ne pas lêtre l’être sans une solution négociée. Même si le Hezbollah se retire au-delà du fleuve Litani, la menace qui pèse sur la population du nord d’Israël persiste, ce qui soulève des questions quant à la possibilité de parvenir à une sécurité totale par les seuls moyens militaires.

L’avenir incertain de Netanyahou

Le Premier ministre est confronté à d’importants problèmes juridiques et son avenir politique pourrait être remis en question une fois que le conflit actuel se sera apaisé. Malgré le récent regain d’approbation dû aux succès tactiques des frappes de précision, aux efforts de décapitation et à la supériorité démontrée d’Israël en matière d’électronique et de renseignement, la position de M. Netanyahou reste précaire. Alors que la surveillance s’intensifie, sa prise de décision est probablement influencée à la fois par les implications immédiates des actions militaires et par ses propres considérations juridiques et politiques.
Ambiguïté de la fin de partie du Premier ministre et confiance de l’opinion publique

Après le conflit de Gaza et avec des otages toujours en captivité, l’absence d’une finalité clairement définie au Liban a engendré une frustration et un sentiment d’incertitude au sein de la population israélienne.L’absence de transparence quant aux objectifs de M. Netanyahou, en particulier lorsque les enjeux sont aussi importants, érode la confiance du public. En l’absence d’un plan cohérent qui trouve un écho auprès des citoyens, le soutien à une invasion totale du Liban reste au mieux tiède.
La course contre la montre : Les échéances électorales américaines
M. Netanyahou est confronté à un calendrier serré avec les élections américaines du 5 novembre et l’entrée en fonction d’une nouvelle administration.L’incertitude qui entoure le soutien politique américain rend sa stratégie encore plus urgente. M. Netanyahou devra présenter des réalisations claires et des objectifs définis à la fois au public israélien et à ses alliés internationaux. On se demande de plus en plus combien de temps Israël peut soutenir une guerre sur plusieurs fronts sans résultats décisifs.

À partir du 21 janvier prochain, les États-Unis seront sous la coupe d’un Donald Trump imprévisible, pragmatique et soucieux d’apaisement au Liban et obsédé avant tout par la menace iranienne. Ce qui force Benjamin Netanyahou, sinon à revoir la faisabilité de ses objectifs face au Hezbollah, du moins  à raccourcir le délai dans lequel ils devraient être atteints.

Cette urgence exerce une pression supplémentaire sur une Netanyahou dont le capital politique et les ressources sont mis à rude épreuve.