L’ex président de la Cour Suprême de Guinée menacé de mort par les Obiang

 Juan Carlos Ondo Angue, un magistrat formé en France devenu l’ennemi public numéro un du régime, a pris le soin de déposer à Paris une plainte avec constitution de partie civile pour tentative d’enlèvement et séquestration, menace de mort et chantage, par l’intermédiaire de son avocat, Maitre Dominique Inchauspé

Avocat scrupuleux, excellent juriste et romancier à ses heures, Dominique Inchauspé connait bien le sort réservé aux opposants chez les autocrates africains, pour avoir été l’avocat de prisonniers politiques au Cameroun, au Gabon, où il a défendu l’ancien bras droit d’Ali Bongo, Brice Laccruche, et aujourd’hui en Guinée équatoriale où il assiste l’ancien président de la Cour suprême de Guinée équatoriale, Juan Carlos Ondo Angue. Lequel a lancé la plateforme Nexos, qui a pour but de rassembler à l’étranger les oppositions au Président Obiang. « Cet homme fait peur, explique une source diplomatique citée par « Jeune Afrique ». Il est plus connu en Guinée équatoriale que les exilés habituels et il a l’oreille des chancelleries occidentales. »

Juan Carlos Ondo Angue

Juan Carlos Ondo Angue est d’autant plus une menace pour les Obiang qu’il faisait partie du sérail au pouvoir. Sa mère était une cousine de Constancia Obiang, l’influente épouse du Président. Elle a été une ambassadrice influente aux États-Unis et en Espagne. Pour le clan des Obiang, le magistrat est plus qu’un opposant, un traitre. C’est vrai que personne n’a jamais vraiment compris les raisons de son brusque renvoi de la Cour Suprême en 2018, au moment où le président Odiang prétendait entreprendre une vraie fausse campagne contre la corruption. « Juan Carlos Ondo Zngue, souligne un proche, n’a pas voulu cautionner ce qui était une farce politique ».

« Les envoyés du régime Obiang en France, affirme l’avocat de Juan Carlos Ondo Angue, Dominique Inchauspé, croient que de simples invitations à monsieur Onde Angue de retourner en Guinée Equatoriale ne sont pas des crimes. Mais le droit pénal français considère que le commencement d’exécution d’un crime est déjà un crime. Or, les invitations à M. Ondo Angue servent à l’attirer dans un piège mortel en Guinée Equatoriale : c’est ce que montre le sort réservé à tous les opposants qui ont accepté de rentrer ». Et d’ajouter: « Ils se croient aussi hors d’atteinte quand ils attentent à la vie privée de M. Ondo Angue, le menacent de mort et tentent de le faire chanter. Or la France est un Etat de droit avec un Code pénal élaboré. »

Un avion devenu une prison

La plainte déposée par l’avocat de l’ancien Président de la Cour Suprème, jugée recevable, fait écho au traitement des opposants dans cette lointaine et petite Guinée Équatoriale où un million d’habitants vivent sous le joug du clan Obiang. Qu’il s’agisse du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui dirige le pays d’une main de fer depuis quarante quatre ans, de  Teodoro Nguema Obiang Mangue, dit « Téodorin », l’héritier pressenti car soutenu par sa mère, mais poursuivi à Paris dans le cadre du dossier des biens mal acquis (1), de Ruslan Obiant Sue, un autre rejeton du chef de l’état arrêté en 2023 sur des accusations de détournement (2), de José Lima Gonzalo, le beau frère du Président, retrouvé mort à son domicile de Malabo en octobre 2023, et enfin de l’ex puissant ministre du pétrole jusqu’en 2023 et autre fils du Président, Gabriel Obiang, qu’on disait soutenu par les Américains.
Le sérail est traversé par des querelles de famille qui se concluent souvent devant les tribunaux, mais entre soi. Pas question de se diviser lorsqu’il s’agit de conserver le superbe pactole pétrolier et de placer en détention le moindre opposant, fut-il un ancien du clan familial qui aurait fait dissidence.  
Une enquête a été menée conjointement par les services de police et de renseignement de l’Etat belge, italien et espagnol sur les dérapages du régime face à toute velléité d’opposition. Un article publié par les journalistes de « El Pais », le 30 mars 2024 (voir ci dessous), et inspiré aux meilleures sources révèle que les avions de la Présidence de la République de Guinée Equatoriale ont servi de cellule d’emprisonnement volante. Ces prisons d’un genre particulier permettaient, toujours d’après le quotidien espagnol, de procéder à la séquestration, à la torture puis aux assassinats des opposants politiques au régime de la dictature.

El avión presidencial de Obiang, cárcel volante para trasladar a opositores secue                                                                                                              Le journal El Pais

Selon le rapport confidentiel de la Commission générale d’information de la police, du Département d’État américain et des United Nations, plus de 34 opposants politiques ont été séquestrés torturés et tués depuis l’année 1997. C’est ainsi que l’ancien ambassadeur en République populaire de Chine faisait partie de ces victimes. Beaucoup en Guinée pensent que ce diplomate n’aurait été qu’un vulgaire trafiquant, assassiné, voici vint ans, en Colombie par des gangs rivaux. Mais son petit fils, Joaquinito Maria Alogo de Obono, âgé de vingt cinq ans, qui réside en France où il a effectué des études de droit, mène une campagne pour que justice soit rendue à son grand père.

La surprise, la voici: en janvier 2023, la justice espagnole qui a toujours protégé le régime de Malabo pour couvrir les liens entre Teodoro Obiang et Juan Carlos Ier, a pourtant ouvert une instruction pénale pour séquestration et terrorisme d’Etat à l’encontre des fils du clan Obiang. Le parlement européen a adopté trois résolutions visant à sanctionner le régime de Malabo pour violation répétée des droits humains. 

Une traque quotidienne

Les autorités guinéennes sont décidées à tout mettre en oeuvre pour abattre l’ancien Président de la cour suprême. En août 2023 à l’hôtel Hyatt Regency, au coeur de Paris, le magistrat se trouvait alors en bonne compagnie. Ce qu’il ne savait point, c’est que des caméras étaient lanquée dans cet établissement de luxe. Dans la foulée et par les bons soins de Teodorin les images plutôt crues sont diffusées sur les réseaux sociaux. On y voit l’ancien président de la Cour suprême bien bavard qui explique à son hôte d’un soir qu’il a été sollicité afin de « structurer un projet politique pour prendre le pouvoir ». Début mars 2023, un mandat d’arrêt international pour « tentative de déstabilisation du pays » est lancé contre lui.

Mais il y pire. À savoir ces voitures balisées qui le suivent à la trace en France et en Espagne, les menaces de mort qui lui parviennent, les allers et retours à Paris des patrons de la police politique guinéenne qui cherchent par tous les moyens de l’enlever pour en finir avec lui.

Par son parcours sans bavure, sa hauteur de vue, ses réseaux internes au sein de l’appareil sécuritaire guinéen et ses relations internationales, notamment à Paris et Washington, qui lui ont permis de s’enfuir du pays dans des conditions rocambolesques alors qu’il était surveillé jour et nuit, Juan Carlos Ondo Angue suscite une panique certaine au sein du régime de Malabo.

Pour l’instant et grâce à sa manne pétrolière, le clan Obiang rebondissait toujours sur le plan international, au point que le patron de la junte gabonaise a fait récemment le voyage de Malabo pour recevoir l’onxtion du régime. Jusqu’à quand? 

(1)La cour d’appel de Paris a débouté, début juin, le vice-président Teodorin Obiang, qui contestait un redressement de 1,8 million d’euros sur son impôt sur la fortune. Le fisc français l’accuse d’avoir sous-estimé la valeur de son hôtel du 42, avenue Foch, saisi depuis dans l’affaire des « biens mal acquis

(2) L’arrestation de Ruslan Obiang Nsue a défrayé la chronique. Si ce fils du président est accusé d’avoir vendu un avion de la compagnie aérienne nationale à des fins d’enrichissement personnel, il paie surtout le fait d’être un potentiel prétendant à la succession de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.

 

 

 

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)