Les officiers supérieurs qui composent le Conseil de sécurité national (CSN) ont convoqué début août une réunion à laquelle a participé le président Kaïs Saïed À cette occasion, révèle le site français « Africa Intelligence », généralement bien informé, « des dissensions ont émergé sur la gestion de la campagne présidentielle, notamment sur les arrestations et les tracasseries judiciaires subies par plusieurs candidats déclarés ».
Tout allait pour le mieux entre l’armée tunisienne et le Président Kaïs Saïed depuis son accession au pouvoir. Fin 2019, deux mois seulement après son investiture, Kaïs Saïed s’était rendu à Menzel Jemil, dans le nord du pays, pour rencontrer les forces militaires spéciales. Ce jour-là, note la presse tuisienne, le président avait simplement planté un olivier dont il avait lui-même creusé le trou. Par la suite, en juillet 2020, il s’était rendu dans la même caserne pour demander aux soldats s’ils étaient prêts “à combattre ceux qui songent à porter atteinte à l’État ou à la légalité”. Son dessein de transformer l’institution militaires en allié privilégié ne date pas d’aujourd’hui. A la façon des Algériens ou des Syriens, deux régimes dont il est idéologiquement proche.
L’hôte du Palais de Carthage a tout fait pour incorporer les officiers généraux à sa propre structure du pouvoir. C’était une façon d’adosser son régime ultra autoritaire à l’appareil militaire traditionnellement légitimiste. En Tunisie, les forces de police tunisiennes, qui furent le socle du pouvoir sous Ben Ali, sont traversées par de multiples strates et clans antagonistes qui ont transformé le ministère de l’Intérieur en un souk ingouvernable.
Le choix de l’armée était aussi pour Kaïs Saïed un moyen de neutraliser les militaires, dont il craint, malgré une tradition de neutralité, une intervention dans un champ politique et économique totalement dégradé.
La fin de l’idylle
À l’approche de la Présidentielle pourtant, cette lune de miel est en train de prendre fin. C’est que l’autoritarisme aveugle du Président tunisien l’a amené à s’en prendre à des personnalités politiques dont le parcours légaliste et les valeurs républicaines en avaient fait, sinon des amis, du moins des interlocuteurs crédibles de l’institution militaire. Le 10 aout dernier, l’ISE, l’instance en charge de la régularité des élections, dirigée par un proche de Kaïs Saied directement nommé par la Présidence depuis une réforme de 2022, n’avait retenu que trois des dix sept dossiers déposés en vue de l’élection présidentielle qi devrait avoir lieu cet automne.
Les candidatures rejetées émanaient en effet de Lotfi Mraïdi, un ancien ministre ainsi que de Mondher Znaïdi, un ex ministre lyu aussi très estimé au sein du sérail tunisien, ou encore de la leader du Parti Destourien Libre (PDL) en prison, Abir Moussi, qui se veut l’héritière de Bourguiba et dont la popularité est très forte chez les nostalgiques de Ben Ali.
La préparation de la Présidentielle n’est pas le seul point d’achoppement de Kaïs Saïed et de l’armée. Le Président Kaïs Saïed qui tente de contrôler les mutations au sein de l’institution militaire tunisienne pour militariser son régime, avait marqué une étape en janvier 2023 en nommant le général aviateur Abdennomen Belati, ministre de l’agriculture et de la pêche. Ce choix était une prise de guerre importante. Le gradé était en effet inspecteur général des forces armées, chargé à ce titre du fichier des fortes têtes de l’armée. Or ce dernier qui a pris à bras le corps les problématiques hydrauliques est en conflit désormais avec la Présidence.
Nos confrères d’« Africa Intelligence » notent également que le directeur général de la santé militaire et conseiller auprès du chef de l’État avec rang de ministre, Mustapha Ferjani a pris ses distances depuis quelques mois autour de quelques dossiers emblématiques: la pénurie de médicaments dans le pays, les projets d’un promoteur immobilier émirati (« Tunis Sports City ») dans lesquels, précisent nos confrères d’Africa Intelligence, le général-conseiller était personnellement impliqué ».
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