Démobilisation massive et incertitudes sociales. À l’issue possible désormais du conflit entre la Russie et l’Ukraine, plusieurs centaines de milliers de soldats devront être réintégrés dans la vie civile. Des deux côtés, la transition s’annonce complexe.
La rédaction de Mondafrique
Les infrastructures détruites, les difficultés économiques et les capacités limitées des administrations rendent le processus de démobilisation incertain. Ce retour massif risque de générer des tensions sociales et économiques importantes, dans des sociétés déjà fragilisées par la guerre.
Selon de nombreux experts, une partie de ces combattants pourrait chercher à mettre leur expérience militaire au service d’autres causes, en dehors de l’Europe. L’Afrique, où perdurent plusieurs foyers de conflit, représente un débouché potentiel pour ces vétérans.
L’Africa Corps, l’influence par les armes
Pour Moscou, la question du retour des combattants est stratégique. Les vétérans de la guerre en Afghanistan avaient déjà illustré les risques d’une génération désœuvrée. Cette fois, le Kremlin cherche à encadrer cette population à travers des incitations économiques et administratives, mais aussi via une orientation extérieure.
Le dispositif du Africa Corps, successeur du groupe Wagner, s’inscrit désormais dans une logique étatique. Présent au Mali, en Centrafrique, au Soudan et en Libye, ce corps paramilitaire soutient certains régimes alliés, encadre des forces locales et sécurise des intérêts économiques liés à Moscou. L’intégration d’anciens combattants du front ukrainien dans cette structure renforcerait la présence militaire russe sur le continent africain tout en évitant une concentration de vétérans en Russie.
Depuis plusieurs années, de nombreux pays africains connaissent une instabilité politique et sécuritaire croissante. Les coups d’État, les insurrections jihadistes et l’affaiblissement des armées nationales favorisent l’émergence d’acteurs privés de la sécurité. Les retraits des forces internationales laissent un vide que des sociétés militaires étrangères, notamment russes, s’empressent de combler.
Les opérations menées par Wagner, puis par l’Africa Corps, ont contribué à consolider certains régimes et à sécuriser des sites stratégiques, souvent au prix de violations graves des droits humains. L’arrivée de nouvelles recrues venues du front ukrainien pourrait accentuer cette tendance et transformer certains pays en zones d’expérimentation pour des formes de guerre privatisée.
L’Ukraine face au retour de ses soldats
Du côté ukrainien, la démobilisation représente également un défi majeur. Le gouvernement travaille à l’intégration des vétérans dans la reconstruction du pays, mais la création possible de sociétés militaires privées suscite des débats. Certains responsables y voient une solution pour valoriser les compétences acquises au combat, notamment dans les domaines du renseignement, des drones et de la guerre électronique. D’autres redoutent la multiplication d’acteurs armés difficilement contrôlables.
Des experts évoquent déjà des offres africaines susceptibles d’attirer des spécialistes ukrainiens dans des missions de formation ou de conseil militaire.
L’Afrique pourrait ainsi devenir un espace d’affrontement indirect entre puissances européennes et eurasiennes, où la Russie et l’Ukraine exporteraient leurs anciens militaires dans des missions d’influence, officielles ou non. Cette évolution accentuerait la militarisation d’un continent déjà marqué par la présence de plusieurs acteurs étrangers — États-Unis, Chine, Turquie ou France — cherchant à défendre leurs intérêts stratégiques et économiques.
Pour les pays africains concernés, cette recomposition pose la question de leur souveraineté et du contrôle de la force armée. La guerre entre la Russie et l’Ukraine, même après un éventuel cessez-le-feu, continuerait ainsi d’exercer ses effets au-delà de l’Europe, notamment sur les terrains instables du Sahel et de la Corne de l’Afrique.
























