Les risques d’un début de guerre civile au Liban

Poster of Hassan Nasrallah in the road of the Baalbek bekaa valley lebanon 3 february 2018

Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a exprimé lors d’une intervention sur LCI sa crainte d’une « guerre civile imminente » au Liban, soulignant que c’est actuellement la position principale de la France. Cependant, l’Élysée n’a pas repris ses propos à son compte. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’armée israélienne mène des frappes incessantes contre le Hezbollah au Liban, provoquant des déplacements massifs et continus de population, en particulier au sein de la communauté chiite. Au quotidien, les frictions intercommunautaires entre les chiites déplacés et les habitants qui les accueillent sont de plus en plus vives. La peur d’une nouvelle guerre civile ou d’événements similaires à ceux du 7 mai 2008 est prégnante.

Baalbek, Lebanon – September 13, 2010: A portrait of the Secretary General of Hezbollah, Hasan Nasrallah (born August 31, 1960), on a wall in the historic town of Baalbek.

La situation au Liban est dramatique et risque de s’aggraver de jour en jour. Le Hezbollah, acculé et affaibli, souhaiterait un cessez-le-feu pour panser ses plaies, mais Israël, déterminé à éradiquer la menace à sa frontière nord, intensifie ses frappes sans se soucier des dommages collatéraux. Le Liban, otage de ce conflit qui le dépasse, s’enfonce inexorablement dans le chaos.

Face à cette escalade militaire, le spectre d’une nouvelle guerre civile plane sur le pays du Cèdre. Le Hezbollah, pourrait être tenté de repositionner cyniquement ses troupes dans des zones qui lui sont hostiles. Ceci pourrait précipiter le Liban dans l’abîme en provoquant des frappes israéliennes aveugles et en attisant les haines intercommunautaires. Dans un climat de paranoïa et de méfiance exacerbée, cette stratégie machiavélique risque d’être l’étincelle qui mettra le feu aux poudres.

Le Liban, écartelé entre les bombes israéliennes et les manœuvres suicidaires du Hezbollah, est au bord du précipice. Sans une solution politique et un cessez-le-feu durable, le pays risque de sombrer dans une spirale de violence incontrôlable qui ravagera son fragile équilibre confessionnel. La communauté internationale, si prompte à s’alarmer, saura-t-elle agir à temps pour éviter le pire ? Rien n’est moins sûr, tant les intérêts géopolitiques semblent primer sur le sort du peuple libanais, une fois de plus sacrifié sur l’autel des ambitions régionales.

De la puissance à la terreur 

Malgré la décapitation de son état-major, le Hezbollah reste une menace sérieuse pour la stabilité et la démocratie du Liban. Bien qu’affaibli sur le plan militaire, le mouvement pro-iranien affiche une détermination sans faille et semble prêt à utiliser son influence pour peser sur la politique intérieure du pays. Son passé troublant, marqué par la répression des voix dissidentes et l’intimidation de la population civile, suscite de vives inquiétudes quant à ses intentions futures. Le Hezbollah ne fait pas mystère de sa volonté de faire taire toute opposition à son emprise sur le pays.

Le recours à la violence et à la terreur n’est pas nouveau pour cette milice. Lors des événements du 7 mai 2008, le Hezbollah avait déployé ses forces armées dans les rues de Beyrouth, prenant le contrôle de la capitale et adressant un avertissement clair à ses opposants : toute tentative de contestation serait réprimée par la force.

Le mouvement pro-iranien s’est montré impitoyable envers ses détracteurs. De nombreux journalistes, intellectuels et opposants politiques ont été victimes d’assassinats ciblés, des actes d’une grande lâcheté visant à réduire au silence toute voix critique. Parmi les victimes figurent Samir Kassir, Gebran Tueni et bien d’autres qui ont payé de leur vie leur engagement en faveur d’un Liban libre et indépendant. Ces assassinats, dont certains sont encore récents, ont instauré un climat de peur, poussant de nombreuses voix critiques à l’autocensure et portant atteinte à la liberté d’expression au Liban.

La lutte pour la survie

Le risque de nouvelles liquidations ciblées est bien réel, le Hezbollah étant déterminé à préserver son pouvoir par tous les moyens. Ces actions, menées comme une forme de vengeance pour les pertes subies, visent clairement à renforcer un contrôle par la peur. Il ne fait aucun doute que les journalistes, les intellectuels et toutes les voix libres du Liban sont désormais en danger face à cette milice qui n’entend pas desserrer sa poigne, prête à tout pour ne pas disparaître.

Il est indéniable que les tensions intercommunautaires ont atteint leur paroxysme, en particulier depuis que les frappes israéliennes ont dépassé leur cadre initial pour frapper tout lieu où se réfugient des responsables du Hezbollah, même au cœur de quartiers densément peuplés de la capitale, et pas nécessairement acquis à la cause du parti. La menace d’une guerre civile est plus présente que jamais – en plus de celle déclarée par Israël contre le Hezbollah – et le Liban est incontestablement au bord du gouffre. L’absence d’un leader fort pour diriger le pays, l’impossibilité d’organiser une élection présidentielle et le manque de consensus national ne font qu’aggraver la situation. Les divergences habituelles et les réunions stériles ne servent à rien. Force est de constater que les dirigeants qui se sont succédé ont toujours failli à servir le Liban, préférant se servir eux-mêmes avant tout. L’histoire a maintes fois démontré qu’il serait illusoire d’espérer un changement de leur part.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)