Les pionniers africains des JO (6/6), Oussama Mellouli, la « torpille tunisienne »

À l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024, Mondafrique vous présente les pionniers africains des JO. Nouvel épisode avec le nageur tunisien Oussama Mellouli, médaillé d’or en 2008 et en 2012.

Un article de Patrick Juillard

Au moment de désigner un pionnier tunisien aux Jeux Olympiques, notre choix aurait pu se porter sur Mohammed Gammoudi. Vainqueur du 5000 mètres des Jeux de Mexico en 1968, cet extraordinaire athlète restera à jamais le premier Tunisien à ramener une médaille d’or. Pourtant, l’empreinte laissée par Oussama Mellouli, son successeur au palmarès olympique tunisien, reste aujourd’hui plus profonde. Rien n’était écrit, pourtant, pour le nageur. Né le 16 février 1984 à La Marsa, Oussama Mellouli en est à sa troisième olympiade lorsqu’il se présente aux Jeux de Pékin, en 2008. La presse de son pays le liste parmi les médaillables possibles, mais de là à le voir gagner, il y a un pas que personne ou presque n’ose sérieusement franchir.

Le scepticisme redouble d’ailleurs en début de compétition, quand le jeune homme de 24 ans termine cinquième de la finale du 400 mètres nage libre (3mn43sec45) et huitième en séries du 200 mètres nage libre (1mn47sec97). Plus grand monde ne l’attend, et pourtant…

Pékin 2008, premier chef d’œuvre

Le 17 août 2008, Oussama Mellouli réalise son premier chef d’œuvre en remportant le 1500 mètres nage libre au nez et à la barbe du grand favori australien, Grant Hackett, et du Canadien Ryan Cochrane. Le vainqueur surprise établit par la même occasion un nouveau record d’Afrique et rejoint Mohammed Gammoudi dans le cercle très fermé des champions olympiques tunisiens. La récompense de la ténacité de celui qui débuta à 16 ans lors des JO de Sydney par une modeste 43e place sur 400 mètres, à plus de trente secondes de l’Américain Tom Dolan, vainqueur de l’épreuve. Huit ans plus tard, celui qui sera surnommé la « torpille tunisienne » a bien appris. Au sens strict du terme, puisqu’après avoir obtenu son baccalauréat en France, Oussama Mellouli est parti aux Etats-Unis obtenir un master en informatique à l’Université de Californie du Sud de Los Angeles.

Son diplôme en poche, Oussama Mellouli n’a plus qu’à penser à la natation et après son succès à Pékin, il va doubler la mise à Londres en devenant champion olympique du 10 kilomètres en eaux libres, faisant de lui le premier nageur de l’histoire champion olympique en piscine puis en dehors des bassins. « J’ai débuté pour les Jeux de Londres. J’essaye d’apprendre au maximum les astuces de ce sport. J’aime bien le côté bataille qu’on peut avoir durant les courses en eau libre. Cela me réussit bien », explique au Monde le natif de La Marsa.

Londres 2012, défi en eaux libres

Et pour souligner l’exploit, notre homme y ajoute une médaille de bronze sur le 1500 mètres. L’année suivante, en décrochant l’or sur le 5 kilomètres en eau libre aux Mondiaux, le Tunisien devient le premier nageur à inscrire à son palmarès un titre en bassin et en extérieur en championnat. Rebelote pour celui qui avait déjà réussi ce doublé lors des JO de Londres : « L’année dernière, mon objectif était de devenir le premier nageur olympique à gagner ces deux épreuves, cette année, je deviens le premier nageur champion du monde. C’est motivant et merveilleux à la fois. »

Toujours présent à Rio en 2016, Oussama Mellouli s’y montre moins performant. Il devra se contenter d’une anonyme douzième place de la finale du 10 kilomètres en eau libre, mais aura la joie et la fierté, comme il l’avait déjà fait en 2012, de porter le drapeau tunisien lors de la cérémonie d’ouverture. Durant sa carrière, il aura également participé à sept championnats du monde (quatre en grand bassin, trois en petit bassin) pour un bilan de quinze médailles dont quatre titres. Sans compter ses innombrables victoires en Coupe du monde, aux championnats d’Afrique, aux Jeux africains ou encore aux Jeux Méditerranéens…

Tokyo 2020, la passe de six

La suite sera plus heurtée. Désireux de concourir aux Jeux Olympiques de Tokyo, décalés d’un an en raison de la pandémie de Covid-19, le double champion olympique se lance dans un bras de fer avec la Fédération tunisienne. Cette situation va l’amener à comparaître devant le juge à quelques jours des Jeux. Qualifié à l’âge de 37 ans pour ses sixièmes Jeux Olympiques, le nageur voit l’instance le poursuivre au sujet de l’utilisation des sommes attribuées dans le cadre d’un contrat d’objectif en cours depuis 1999. Selon le nageur, ce procès aurait permis à la Fédération de ne pas lui verser 600 000 dinars (environ 183 000 euros) prévus pour sa préparation physique pour les saisons 2016-2017 et 2017-2018. Si un audit est alors lancé par le ministère des Sports pour savoir où était passé cet argent, Mellouli annonce son retrait.

« La goutte qui a fait déborder le vase, c’est d’apprendre que je partais au JO seul, mon kiné n’a pas été accrédité », indique alors à l’AFP celui qui s’est préparé sur ses fonds personnels. « Je suis un athlète de haut niveau, qui se bat jusqu’au bout, avec persévérance et patience, mais là je jette l’éponge, lâche-t-il. Il faut quand même que les paramètres de réussites soient un minimum présents. » Une médiation du comité olympique tunisien finira par régler le différend entre l’athlète et la Fédération. Le 5 août 2021, le nageur de 37 ans se présente bien au départ du 10 kilomètres en eau libre, qu’il termine à la vingtième place. Pas rassasié, Oussama Mellouli envisage un temps de concourir à Paris 2024. Ce ne sera finalement pas le cas. Mais qu’importe : la boucle était déjà bou