Les Mollahs marginalisent les iraniennes non voilées sans les emprisonner

Marjane Satrapi, 2022.

Après des mois de manifestations et près de 500 manifestants ayant trouvé la mort, les mollahs iraniens changent de tactique vis-à-vis des femmes non voilées qui sont ciblées par des systèmes de reconnaissance faciale (1)

Le procureur général iranien a ordonné à la police de ne plus arrêter les femmes qui enfreignent le code vestimentaire féminin du pays, mais de leur imposer plutôt des sanctions pécuniaires, l’interdiction de voyager à l’étranger, des travaux d’intérêt général et toute forme possible de bannissement social. Les femmes enfreignant le code vestimentaire pourraient voir aussi leur véhicule confisqué.

Les nouvelles sanctions économiques et sociétales ne concerneront pas seulement les femmes en cheveux. Les sociétés de service (taxis, restaurants, banques…), seront passibles d’amendes également et d’un panel varié de sanctions si elles tolèrent de servir, transporter, répondre à une demande de femmes sans hijab. Ceux qui travaillent pour le gouvernement pourraient être licenciés et perdre leur emploi. 

Les manifestations qui ont bouleversé l’Iran, à partir du 16 septembre 2022, semblent aujourd’hui sur le déclin. Elles avaient éclaté après le meurtre par la police des mœurs de Mahsa Amini, une jeune Kurde, en raison de son foulard mal serré autour de ses cheveux.  

Les mollahs qui règnent en Iran profitent de la baisse d’intensité de la contestation pour assoir leur pouvoir. Après avoir fait croire qu’il allait démanteler la police des mœurs – il s’agissait d’une fake news lancée par le bureau du Procureur – le pouvoir politique a donné l’ordre à la police d’adopter une approche moins conflictuelle. La punition des femmes dévoilées ne sera plus physique, mais distante (prélèvement sur les comptes, annulation de passeport…etc).

Les autorités ont déclaré qu’elles s’appuieraient également de plus en plus sur les nouvelles technologies de surveillance pour faire respecter le code vestimentaire. 

Le mois dernier, une jeune femme est allée travailler à Sarzamineh Shadi, ou Terre du bonheur, un parc d’attractions couvert à l’est de la capitale iranienne, Téhéran. Elle a été immédiatement identifiée après qu’une photo d’elle sans hijab ait circulé sur les réseaux sociaux. Les autorités ont alors pris la décision de fermer le parc d’attractions. En Iran, les individus peuvent aujourd’hui être identifiés en comparant leurs visages à une base de données d’identité nationale. Les amendes seront envoyées par la poste et les obligations de fermeture pour une entreprise qui accepte une femme sans hidjab aussi.

Mahsa Alimardani, qui étudie la liberté d’expression en Iran à l’Université d’Oxford, a récemment entendu parler de femmes qui recevaient des citations à comparaitre par courrier pour des violations de la loi sur le hijab, alors qu’elles n’avaient eu aucune interaction avec un agent des forces de l’ordre. Le gouvernement iranien semble avoir passé des années à construire un appareil de surveillance numérique. La base de données d’identité nationale du pays, créée en 2015, comprend des données biométriques telles que des scans faciaux et est utilisée pour les cartes d’identité nationales et pour identifier les personnes considérées comme des dissidents par les autorités.

Les agents de la circulation iraniens ont commencé à utiliser la reconnaissance faciale en 2020 pour infliger des amendes et  envoyer des avertissements par SMS aux femmes qui se dévoilaient à l’intérieur de leur automobile. 

Mousa Ghazanfarabadi, chef de la commission parlementaire juridique et judiciaire du pays, s’est prononcé l’année dernière en faveur de « l’exclusion des services sociaux et pour des amendes financières » pour les violations du hijab. « L’utilisation de caméras d’enregistrement facial peut aider à réduire la présence de la police, grâce à quoi il n’y aura plus d’affrontements entre la police et les citoyens », a-t-il  déclaré au média iranien Enghelabe Eslami.

 Une partie de la reconnaissance faciale utilisée en Iran aujourd’hui provient de la société chinoise de caméras et d’intelligence artificielle Tiandy. Ses transactions en Iran ont été présentées dans un  rapport de décembre 2021 d’IPVM , une société qui suit l’industrie de la surveillance et de la sécurité. Tiandy est l’un des plus grands fabricants

(1) La reconnaissance du visage est une technologie à même d’identifier ou de vérifier un sujet au moyen d’une image faciale, une vidéo ou tout élément audiovisuel de son visage