Le think tank Rasanah, un organisme de recherche saoudien, a publié une étude sur les milices que l’Iran entretient un peu partout au Moyen Orient et qui pourraient participer à la riposte annoncée contre Israel par Téhéran
L’Iran a déstabilisé ou conquis des pays comme la Syrie, l’Irak, le Yémen, le Liban par l’intermédiaire de milices chiites (ou apparentées) qu’il a armées et financées. Qu’il s’agisse du Hezbollah au Liban, d’Asa’ib Ahl al-Haq et d’Ahl al-Kahf en Irak et en Syrie, des Unités de défense du peuple en Syrie et les Houthis au Yémen.
Ces milices sont devenues – comme le Hezbollah au Liban – des États dans les États, mais aussi des mafias. Pour pallier l’irrégularité du soutien financier iranien elles se sont tournées vers le racket, le marché noir, le blanchiment d’argent, le trafic de drogues et d’armes. C’est grâce aux immenses recettes de ces trafics qu’elles ont couvert les salaires de leurs combattants, leurs achats d’armes et de véhicules, les soins de santé offerts aux combattants et les aides dispensées aux familles des combattants décédés.
Le racket des populations passe par des innovations technologiques : en janvier 2023, Kataeb Hezbollah, une milice pro-iranienne en Irak, a utilisé Instagram pour lever une taxe « volontaire » dans le but de financer la construction de drones pour les Houthis du Yémen.
L’infiltration économique
En Syrie et en Irak, ces milices possèdent également des entreprises touristiques, commerciales et immobilières. Certaines possèdent également des compagnies maritimes qui jouent un rôle dans la contrebande d’armes en provenance d’Iran mais aussi bien dans la circulation de marchandises « civiles ». En Irak, les milices pro-iraniennes ont investi l’appareil judiciaire, l’administration et le secteur bancaire qu’ils font tourner à leur profit. Toutes les institutions « démocratiques » mises en place par les Etats Unis avant leur départ, font l’objet d’une politique d’entrisme polito-ethnique. On ne voit pas qu’un accord au somment entre Ryadh et Téhéran puisse changer le « style » de la politique locale.
De plus, ces milices contrôlent d’énormes étendues de terres agricoles, des champs pétroliers et surtout les frontières. Ils prélèvent de taxes à l’entrée des marchandises – ou bien créent des octrois artificiels sur des axes de circulation principaux. Ainsi, les forces du régime syrien et les milices pro-iraniennes stoppent la circulation des camions entre les villes de Deir ez-Zor et al-Bukamal et prélèvent d’énormes taxes qui rendent la vie des populations civiles très difficiles dans la mesure ou ces « impôts » sont ensuite répercutées sur les prix à la consommation aux points de destination des marchandises. Aucun civil, aucun commerçant ne peut faire transiter ses marchandises sauf à s’acquitter de redevances importantes. De nombreux commerçants ont fui le racket vers les zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS) (Kurdes, arabes chrétien…) dans les villes de Raqqa, Hasakah, Tabqa et autres.
Les craintes de la milice Houthi
Au moment même où l’Arabie saoudite et l’Iran coordonnaient la réouverture de leurs ambassades respectives, Mohammed Ali al-Houthi, leader de la révolte Houthi, a déclaré que « la question yéménite était indépendante (de tout règlement régional) et (que) l’accord entre Riyad et Téhéran ne concernait que les deux pays ».
Cette déclaration montre que la milice Houthie a pris brusquement conscience qu’elle était devenue une monnaie d’échange entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.
L’Iran a-t-il les moyens de calmer les ardeur de la milice Houthi pour la persuader d’accepter une résolution de la crise yéménite ? La réponse à cette question sera éminemment financière. Au Yémen, dans les zones qu’ils contrôlent, les Houthis empochent les recettes fiscales de l’État sans s’acquitter d’aucune des obligations de l’Etat (paiement des fonctionnaires par exemple, ou entretien des services publics).
Selon certains témoignages, l’impôt que les Houthis perçoivent sur le territoire qu’ils contrôlent est le double de celui que le gouvernement percevait avant la guerre. Sur la base d’estimations prudentes recueillies par le média Almasdar Online et sur la base du rapport 2021 du groupe d’experts des Nations Unies sur le Yémen, les Houthis auraient perçu environ 1,8 milliard de dollars en taxes et en douanes en 2019. Ces sommes extravagantes n’ont servi qu’à entretenir et enrichir le mouvement Houthi.
L’argent n’a pas d’odeur
Les événements passés démontrent que certaines milices auront tendance à privilégier leurs gains privés quand ces gains entrent en contradiction avec les diktats de l’Iran. En 2020, Asa’ib Ahl al-Haq en Irak a continué à bombarder les positions américaines malgré les demandes iraniennes de mettre une sourdine à ces attaques. Le chef d’Asa’ib Ahl al-Haq, Qais al-Khazali, a considéré la résistance contre les forces américaines comme conforme aux intérêts irakiens, peu lui importaient les exigences iraniennes. Au Liban, on imagine mal le Hezbollah consentir à alléger son poids dans la vie politique ou militaire du pays au profit de forces favorables aux Saoud.