Les drones iraniens font de l’Ukraine un laboratoire pour les Israéliens

Les drones et missiles que l’Iran fournit à la Russie  ont transformé l’Ukraine en un théâtre de guerre sans pareil pour l’Etat d’Israël.

C’est peu dire que le gouvernement israélien et l’Etat Major de Tsahal suivent de près les opérations militaires russes en Ukraine. Le rapprochement militaire entre l’Iran, principal ennemi d’Israël, et la Russie est considéré par Jérusalem comme un tournant stratégique. « Nous pensons naturellement que les relations entre la Russie et l’Iran sont un problème sérieux non seulement pour Israël, mais aussi pour l’Ukraine, l’Europe et le monde entier », a déclaré jeudi 20 octobre, le premier ministre israélien, Yair Lapid à la chaîne russe RTVi.

La brusque mobilisation israélienne autour du conflit ukrainien tient au fait que l’Iran est aujourd’hui devenu un important fournisseur d’armes de la Russie. Et que l’Ukraine presse aujourd’hui Israël de lui venir en aide en exportant en Ukraine ses systèmes de missiles anti-missiles.

Un rappel des faits.

Le 12 juillet 2022, l’administration américaine a révélé que l’Iran s’apprêtait à livrer à la Russie des centaines de drones de combat. Le 17 octobre 2022, soit moins de trois mois plus tard, la Russie lançait des dizaines de drones kamikazes Shahed-136 de fabrication iranienne sur Kiev et d’autres villes ukrainiennes, détruisant des infrastructures énergétiques et tuant plusieurs civils. .

L’administration américaine a aussi révélé que l’Iran avait envoyé des formateurs à la Russie, pour entrainer les pilotes russes au maniement des drones.  « L’Iran est maintenant directement engagé sur le terrain », a ajouté le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, lors d’un point de presse. « … les Iraniens ont envoyé des formateurs et un support technique en Crimée, mais ce sont les Russes qui pilotent ».

Les drones iraniens n’ont rien de sophistiqués et ne ressemblent en rien aux drones sophistiqués que les Etats Unis, Israël et même la Turquie peuvent mettre en place. Les drones iraniens servent qu’une fois car ils sont le plus souvent utilisés comme des bombes de précision ou plutôt des kamikazes robotisés. Ces drones iraniens ne sont pas guidés par liaisons satellitaires comme les drones des grands pays occidentaux.  Ils sont exploités en visibilité directe et reçoivent des consignes par ondes radios, mais certains peuvent aussi être guidés avec des appareils GPS rudimentaires.

Des missiles iraniens

La Russie a également fait l’emplette de missiles iraniens Fateh-110 et Zolfaghar. Ces engins de courte portée peuvent atteindre des cibles situées à 300 kilomètres pour le premier et 700 km pour le second.  Selon les experts militaires, ces projectiles sont à la fois puissants et relativement précis à courte distance. Certains modèles s’accompagnent d’un guidage électro-optique permettant à l’opérateur de diriger le missile jusqu’au moment de toucher la cible.

Les armes que l’Iran livre aujourd’hui à Moscou sont les mêmes que celles que l’Iran fournit à ses alliés (le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yemen, l’armée syrienne en Syrie, le Hamas et le Djihad Islamique à Gaza…) en vue d’une guerre simultanée et frontale – un jour prochain – avec Israël.

Ces drones et missiles iraniens sont des armes de destruction massive. La Russie ne peut les utiliser que d’une seule manière : en envoyer autant qu’il est possible pour détruire autant de cibles civiles et militaires qu’il est possible. En d’autres termes, la Russie semble en passe de faire sienne la stratégie que les Iraniens ont élaboré contre Israël : équiper en drones et missiles les zones que les Iraniens contrôlent (Liban, Yémen, Syrie, Gaza, Irak…) et faire pleuvoir ces engins en pluie très drue sur Israël à partir de plusieurs points du Moyen Orient. Il s’agit tout à la fois de dérouter les systèmes anti-missiles d’Israël et de noyer le pays sous les bombes afin que pas une pierre de demeure l’une au-dessus de l’autre.

Vers la guerre totale

C’est ce principe de guerre totale imaginé par les Iraniens contre Israël que les Russes pourraient bien être tentés d’expérimenter en grandeur réelle sur l’Ukraine.  Le but de cette stratégie n’est pas d’endommager les infrastructures du pays, mais de les détruire totalement.

Pour la première fois de son histoire, Israël n’est plus lui-même, un laboratoire militaire. Pour la première fois, les stratèges israéliens peuvent étudier les risques militaires qu’ils encourent sur un autre pays que le leur. Ce qui leur sera très utile pour en tirer les leçons. Inutile de dire que les stratèges iraniens étudieront également de près l’usage que les Russes feront de leurs outils.

A priori, la défense anti-missile d’Israël est l’une des plus performantes du monde. Sur les mille missiles tirés contre Israël en aout 2022 par le Jihad islamique palestinien, tous ont été abattus en vol, sauf ceux qui sont retombés à Gaza même ou ceux qui se sont perdus dans des zones inhabitées. Les drones en revanche, peuvent être difficiles à détecter car ils sont souvent petits, volent bas et lentement, et peuvent ne pas diffuser de signaux. Ils se confondent avec le fouillis ambiant (zones montagneuses ou forêts) a déclaré un responsable d’Israel Aerospace Industries, une entreprise publique qui a développé des systèmes anti-drones, au journal The Economist. Malgré leur aspect rudimentaire, les drones iraniens peuvent brouiller les signaux radio et GPS, perturber la vie civile, sans parler des destructions possibles s’ils sont dotés d’explosifs. « La défense contre les drones est une activité coûteuse car les pays ont un grand nombre d’installations à protéger », explique un responsable militaire.

Les systèmes anti-drônes et anti-missiles à base de lasers qui pourraient simplifier la protection au sol en Israël sont encore en phase de développement.

La question qui intéresse les responsables israéliens est de savoir si les drones et les missiles iraniens sont en mesure d’inverser le cours de la guerre en Ukraine. Les autorités militaires américaines affirment que non. L’actualité ne manquera pas de nous informer très vite. C’est une question de semaines.