Les confidences du « Sphinx » malien

Le Sphinx, un journal malien indépendant et courageux , est fondé en 2001] par Adama Dramé, dont nous publierons désormais régulièrement le carnet de bord que son directeur rédige chaque mois depuis la France où il a du se réfugier après l’enlèvement et la mort d’un de ses journalistes, Birama Touré

Deux diplomates maliens expulsés

Ousmane Houmani Camara et Batné COULIBALY sont deux diplomates maliens en poste à Paris qui viennent d’être déclarés, le 17 septembre 2025, non désirables en France dans un contexte de tensions diplomatiques entre les deux pays.

Lieutenant-colonel de gendarmerie, Ousmane Houmani CAMARA est conseiller consulaire au Consulat général du Mali à Paris depuis 2017. Paris le considère comme un membre des services de renseignement maliens opérant sous couverture diplomatique. Rappelons qu’Ousmane Camara, dit « Houmani », est cité dans l’affaire du journaliste du Sphinx, Birama Touré, enlevé puis assassiné alors qu’IBK était encore  au pouvoir. Les autorités actuelles continuent à étouffer ce dossier en refusant aux différents juges d’écouter les présumés protagonistes qui sont intervenus dans l’arrestation, la séquestration, la torture et la mort de notre confrère dans la cellule N° 4 de la Sécurité d’État.

Batné Ould Bouh Coulibaly (Contrôleur général de police) est depuis fin 2021 attaché de défense à l’ambassade du Mali à Paris. Il est aussi soupçonné par les autorités françaises d’appartenir aux services de renseignement maliens sous couverture diplomatique, ce qui justifie la mesure d’expulsion prise par la France.

Cette décision de la France intervient après l’arrestation à Bamako d’un diplomate français accusé d’activités de déstabilisation du Mali, ce que Paris dénonce comme un abus et violation de l’immunité diplomatique. Le diplomate français arrêté à Bamako le 14 août 2025 est Yann Vezilier, deuxième secrétaire de l’ambassade de France au Mali. Il est également officier de renseignement de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) officiellement accrédité auprès des autorités maliennes. L’expulsion des deux diplomates maliens est présentée comme une mesure de réciprocité dans ce bras de fer diplomatique croissant.

Vers un axe Washington/Bamako?

Après la France et la Russie, Bamako se tourne en ce moment vers les États-Unis de Donald Trump avec lesquels le Mali a scellé un pacte dans le domaine du renseignement militaire. Toute chose qui risque de contrarier le Kremlin et susciter ses courroux.

C’est le Washington-Post, journal américain qui a levé le lièvre dans sa livraison du lundi 15 Septembre 2025. Selon le confrère américain, « les États-Unis ont récemment intensifié leur coopération en matière de renseignement avec les autorités militaires maliennes […]. L’administration Trump avait partagé des informations sur les groupes armés et ces renseignements ont été utilisés dans des opérations militaires contre des groupes extrémistes dans le nord du pays ».

Une information qui risque fort de contrarier Moscou dont les troupes sont présentes au Sahel et au Mali en particulier.

Il ne peut en être autrement si l’on se réfère aux déclarations plutôt impérialistes de Poutine selon lesquelles « là où un soldat russe pose le pied, cela nous appartient [à la Russie] ». Le soldat russe a bien posé le pied au Sahel.

Une première tentative (Mars 2021) 

Alors que le Kremlin ne pensait pas encore au Sahel, Maliens et Américains lançaient les bases d’une coopération militaire. Le 9 mars 2021 en effet, le Vice-président de la Transition malienne, Assimi Goïta, recevait le Commandant des opérations spéciales américaines pour l’Afrique.

Le Général Dagvin Anderson, Commandant des Forces spéciales américaines pour l’Afrique, basées à Stuttgart en Allemagne, et son hôte du jour jetaient ainsi les bases d’une coopération militaire entre leurs deux pays. Moscou n’arriva qu’une année plus tard sur incitation d’une partie de la société sous influence du groupe Wagner, du moins, dit-on dans certains milieux.

Le retour vers Washington aujourd’hui surtout après les nombreux échecs et des résultats très mitigés des groupes russes Wagner et Africa corps, ne peuvent que réconforter les autorités de la transition dans leur nouvelle orientation.  Mais sera-t-elle sans conséquences ?

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)