Alors que la Confédération africaine de football (CAF) tenait son Assemblée générale ce mercredi, la réélection du Sud-Africain Patrice Motsepe à la présidence est l’occasion d’un grand ménage: le Maroc tout puissant, l’Algérie qui retrouve un strapontin.
Patrick Juillard
La 14e Assemblée générale à la Confédération africaine de football s’est tenue mercredi au Caire, siège de l’instance panafricaine. Sans surprise, puisqu’il était le seul candidat, le Sud-Africain Patrice Motsepe a été réélu sans opposition à la présidence de la Confédération, prolongeant ainsi son mandat à la tête de l’organisation jusqu’en 2029. Âgé de 63 ans, l’homme d’affaires, propriétaire des Mamelodi Sundowns, club le plus titré du pays, n’a rencontré aucune opposition après la clôture des candidatures en novembre 2024. « L’objectif demeure de rendre le football africain plus compétitif à l’échelle mondiale, de garantir la stabilité financière et d’investir dans les infrastructures », a déclaré le dirigeant après sa réélection.
Circulez, il n’y a rien à voir ?
Bien au contraire, cette AG a donné lieu à d’autres votes beaucoup plus disputés et riches en enseignements relevant de la géopolitique du football. Les sièges de l’Afrique au Conseil de la FIFA étaient remis en jeu. Reconduit, Patrice Motsepe restera vice-président de droit de l’instance faîtière. Le Marocain Fouzi Lekjaa, influent président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et président de la commission des Finances de la CAF, et l’Égyptien Hani Abou Rida, dont il se dit que la limite d’âge a été supprimée pour lui (71 ans), gardent leur siège (avec 49 et 35 votes). C’était attendu.
Pour le reste, c’est le grand ménage. Font leur entrée dans les cénacles de Zurich : le colonel-major Djibrilla Hima Hamidou dit « Pelé » (35 votes), président la Fédération nigérienne, ses homologues mauritanien Ahmed Yahya et djiboutien Souleiman Waberi (29 votes) et enfin la Comorienne Kanizat Ibrahim. Quota oblige, l’insulaire sera la représentante féminine du continent auprès de la FIFA.
Des battus qui en disent long
Exit en revanche le Malien Mamoutou Touré. Et pour cause, celui qui est surnommé « Bavieux » est emprisonné depuis août 2023 pour un présumé détournement de fonds publics et des accusations de faux et usage de faux remontant à son passage à l’Assemblée nationale entre 2013 et 2019. Exit aussi le Béninois Mathurin de Chacus : après un mandat sans éclat, l’homme d’affaires, président de la Fédération de son pays, a retiré sa candidature au dernier moment. Quelque peu tombée en disgrâce auprès des instances, plusieurs fois épinglée pour corruption, la Sierra-Léonaise Isha Johansen est largement battue (7 votes contre 30 à Kanizat Ibrahim). Plus surprenant, le Nigérian Amaju Pinnick échoue d’une voix à conserver son siège au Conseil.
L’identité des autres battus en dit long sur les critères privilégiés. Me Augustin Senghor, maire de Gorée et président respecté de la Fédération sénégalaise de football (FSF), ne recueille que 13 voix. Sans doute paye-t-il paradoxalement son excellent bilan, qui le rendait susceptible de faire de l’ombre au pouvoir en place. Une cruelle leçon pour celui qui avait déjà avalé une sacrée couleuvre en 2021, en retirant sa candidature à la présidence de la CAF contre un poste de vice-président de Patrice Motsepe. Davantage apprécié en haut lieu, l’Ivoirien Yacine Idriss Diallo échoue néanmoins à intégrer ce convoité Top 5, tout comme le Zambien Andrew Kamanga, qui bénéficiait pourtant du soutien théorique du puissant COSAFA (Conseil des associations de football en Afrique australe).
Le Maroc tout puissant
On note au final l’absence totale de l’Afrique anglophone dans la nouvelle représentation continentale à la FIFA, le recul de l’Afrique de l’Ouest (2 représentants contre 4 pendant le précédent mandat) et la puissance des candidats en cour à Zurich. C’est le cas du Mauritanien Ahmed Yahya, dont l’influence auprès du duo Infantino-Motsepe dépasse de loin le poids sportif de son pays, nonobstant les progrès indéniables des Mourabitounes sous son règne à la FFRIM, la Fédération mauritanienne. C’est aussi le cas du Djiboutien Souleiman Waberi, qui a beau jeu de dire que « la taille d’un pays ne définit pas sa grandeur », et de la Comorienne Kanizat Ibrahim, première femme à avoir décroché une vice-présidence de la CAF.
Même si des témoignages accablants ont fleuri quant aux pratiques du secrétaire général de la CAF Veron Mosengo-Omba et relais d’Infantino sur le continent, La « FIFAfrique » continue de tisser sa toile. En 2021, cette nouvelle co-gouvernance n’avait eu qu’à se baisser pour ramasser une organisation laissée exsangue par la gestion financière calamiteuse du Malgache Ahmad. La main de Zurich avait alors déplacé les candidats comme des marionnettes, bien aidée par la déliquescence morale de la CAF sous le mandat du successeur d’Issa Hayatou. La doctrine Infantino apparaît plus inflexible que jamais : affaiblir l’échelon continental, celui des Confédérations, pour s’appuyer sur l’échelon national, à travers quelques Fédérations puissantes et amies. Patrice Motsepe, qui a redressé les finances de la CAF (le contraire eût signifié la faillite), incarne une Confédération docile, tandis que les Fédérations puissantes, Maroc en tête, de courroie de transmission de l’agenda de la FIFA.
Eto’o au Comex, l’Algérie retrouve un strapontin
Et les autres pays dans cette grande distribution de postes ? Certains ont obtenu un strapontin au comité exécutif de la CAF. C’est le cas de l’Algérie, avec Walid Sadi, mais aussi du Cameroun : seul candidat pour la zone Uniffac (région d’Afrique centrale), Samuel Eto’o fait partie des élus du jour. L’ex-attaquant et actuel président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), l’a été par acclamation. Il s’agit là d’une incontestable victoire politique pour l’ancien double vainqueur de la CAN, aux rapports tendus avec les autorités sportives de son propre pays. Après avoir vu la CAF retoquer sa candidature pour avoir « gravement violé les principes d’éthique, d’intégrité et d’esprit sportif » avec notamment de la publicité pour un site de paris en ligne (en contravention flagrante avec les statuts FIFA), l’ex-buteur avait été rétabli dans ses droits sur le fil par le Tribunal arbitral du sport.