Cinq Arabes israéliens ont été abattus, jeudi 8 juin, dans une station de lavage automobile dans le nord d’Israël, a annoncé la police dans un communiqué, précisant que des recherches étaient en cours pour appréhender les auteurs. L’incident « criminel » s’est déroulé à Yafia, ville arabe située à l’ouest de Nazareth. La forte criminalité dans les quartiers arabes, souvent délaissés sur le plan des équipements publics comme dans les banlieues pauvres en France, inquiète les Arabes israéliens. L’image ci dessus montre une manifestation que ces derniers ont pu organiser pour dénoncer l’insécurité au sein de leur propre communauté
Le journal Haaretz a dû déchanter. Quand il a voulu enquêter sur les familles arabes d’Israël, qui ont bâti une fortune dans l’industrie ou les services, presque toutes ont refusé de rencontrer un journaliste. La raison invoquée était la même: « elles craignaient de devenir la cible de harcèlement ou de racket à la protection, et préféraient faire profil bas ».
La crainte des organisations criminelles est une préoccupation constante des populations arabes d’Israël. En effet, une violence spécifique frappe les villes et villages arabes d’Israël. Le vendredi 4 novembre 2022, Ahmed Deka, 23 ans, a été grièvement blessé par balles alors qu’il circulait à moto dans les rues de Jaffa, un quartier de Tel Aviv. Il a été transporté à l’hôpital Wolfson de Holon, où il a succombé à ses blessures.
Comme d’habitude…
Comme d’habitude, la police a lié le meurtre à une querelle criminelle locale et comme d’habitude, les voisins et la famille d’Afmed Deka ont affirmé à la police que le jeune homme décédé avait « de bonnes relations avec son voisinage » et qu’ils avaient été « surpris » par ce meurtre.
Selon l’organisation Abraham Initiatives, qui suit les violences dans la communauté arabe, au moins 95 Arabes ont été tués dans des homicides en Israël depuis le début de l’année, dont 91 avaient la nationalité israélienne. Presque tous ont été abattus par balles. Ces chiffres ne prennent pas en compte les assassinats ratés, le racket, les enlèvements et différentes formes d’intimidations. Les décès par balles ont tué 121 personnes en 2021.
Selon l’Institut des études nationales sur la sécurité, les citoyens arabes représentent environ un cinquième de la population israélienne, mais sont impliqués dans 93% des fusillades, 64% des meurtres, 61% des incendies criminels, 56% des infractions liées aux armes et 47% des vols. En 2020, 56% des personnes emprisonnées pour des infractions pénales dans les établissements de l’administration pénitentiaire israélienne n’étaient pas juives.
Les arabes musulmans n’ont pas le monopole de la criminalité. Les juifs pauvres originaires d’Ethiopie ont développé des formes de violence spécifiques. Les juifs des villes sont impliqués dans une criminalité en col blanc (escroqueries, fraudes, vols… ), mais la violence armée arabe qui cible les citoyens arabes est aujourd’hui un problème spécifique et ce problème spécifique est devenu un problème d’ampleur nationale.
La prolifération des gangs
Un peu plus d’une demi-douzaine de gangs arabes vivent grassement du trafic de drogue, du trafic d’armes et du blanchiment d’argent dans les villes mixtes (ainsi appelle-t-on les villes à populations mélangées juives et arabes) de Ramleh, Lod, Haïfa et Jaffa et dans ce qu’on appelle le « triangle », soit la quinzaine de bourgs arabes autour d’Oum el-Fahm, de Tira et de Taibeh dans le nord d’Israël.
Ces mafias se sont développées en grande partie en raison du refus de la population arabe d’Israël de collaborer avec la police. Dans ces quartiers et villages ou tout le monde se connait, la solidarité tribale a joué : impossible de dénoncer (à un juif) le fils du voisin qui a commis un vol, un racket ou un meurtre. La peur des représailles a aussi contribué à la constitution d’un mur de silence qui a découragé les policiers. Plus de 70% des assassinats commis dans la communauté arabe d’Israël n’ont jamais donné lieu à des poursuites selon les chiffres de la police elle-même.
Le refus de coopérer de la population et le désengagement de la police qui s’en est ensuivi, ont été à l’origine de la prolifération des actes criminels. Pour blanchir les revenus issus du trafic de drogue et du trafic d’armes, les gangs ont pris le contrôle des commerces et des entreprises de leurs villages et quartiers dans les grandes villes. En contrôlant des entreprises, les gangs ont pris le contrôle du marché de l’emploi. Dénoncer une mafia revenait à mettre le père ou le fils au chômage et à plonger la famille dans la pauvreté.
Pour blanchir leur argent, les gangs se sont aussi fait banquiers. Tout arabe qui désirait développer un projet professionnel n’avait guère de chance d’obtenir un crédit bancaire. L’absence de garanties et l’absence d’agences bancaires dans les villages arabes ont amené la population à se tourner vers les gangs. Ces derniers ont prêté de l’argent, souvent à des taux usuraires, blanchissant ainsi leurs revenus illicites mais contrôlant plus encore la population
Que faire ?
En 2016, Benjamen Netanyahu avait nommé Djamal Hakrouch à la tête du département de la police en charge de la sécurité dans le secteur arabe par. Il s’était fixé pour objectif d’ouvrir une dizaine de commissariats dans des villages arabes en cinq ans. Mais son champ d’action est resté limité et il s’est heurté, lui aussi, aux menaces de la pègre.
Le gouvernement mené par Yair Lapid et qui vient d’être battu par Benjamin Netanyahu, a fait de la lutte contre le crime dans la communauté arabe un objectif prioritaire. Un milliard de shekels (282 millions d’euros) ont été budgétés en 2021 pour créer des commissariats dans les villes arabes et une unité spéciale dédiée à affaires de la communauté arabe.
Le gouvernement que Benjamen Netanyahu va constituer dans les jours qui viennent devra lui aussi élaborer une réponse à ce dossier brûlant. Nous ne tarderons pas à savoir laquelle.