L’enlèvement d’un général émirati au Mali tourne à une farce dramatique

L’enlèvement par les djihadistes de Joumoua ben Maktoum al Maktoum, général à la retraite des Emirats arabes unis, embarrasse terriblement la junte malienne au pouvoir. La monarchie pétrolière  compte parmi les alliés du Mali, dans sa guerre contre l’insurrection islamiste. Pire, l’incident confirme le contexte de délitement des institutions en raison du de blocus autour des grandes villes. Nulle agression du genre n’a visé, jusqu’ici, un lieu aussi proche du centre de pouvoir. 

Correspondance à Bamako

Le mardi 23 septembre, 2025, à Sanankoroba, localité rurale de la région de Koulikoro, cercle de Kati, à 40 km au sud de Bamako sur la route reliant la capitale à Bougouni, Joumoua ben Maktoum al Maktoum, général à la retraite des Emirats arabes unis et membre de la famille régnante à Dubaï, séjourne dans son imposante ferme.

L’Émir Mohammed ben Rachid Al Maktoum, né le  à Dubaï, a été vice-président et Premier ministre Des Émirats Arabes Unis. Issu de la famille Al Maktoum qui règne sur la mnarchie depuis le début du XIXe siècle, il a entrepris d’importantes réformes, concernant notamment la stratégie du gouvernement fédéral en Il est à la tête de Gdolphin, l’une des deux plus puissantes écuries de chevaux de course au monde.

Depuis des années, il cultive des arbres fruitiers, des grumes et quantité d’espèces animales, surtout des mammifères domestiques et des oiseaux. L’amateur de chasse, philanthrope à ses heures perdues, dispose, aussi, d’une immense résidence privée à Kati, sous la protectiojn de l’armée malienne. Ce jour-là, au milieu des employés, il discute le bout de gras, en compagnie de l’un de ses compatriotes, invité récent et d’un collaborateur, lui, de nationalité iranienne.

Soudain, manifestement munis d’indications précises, des hommes en armes, au nombre indéterminé, font irruption sur la vaste propriété et vont cueillir le trio, préalablement identifié. Les ravisseurs se présentent en qualité de Moujahidine du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda). En présence du personnel et sans user de brutalité, ils forcent les otages à les suivre au fond de la savane. Ce sera la dernière image que les témoins rapportent, de la scène.

Branle-bas de combat à Bamako, l’évènement 

Des intermédiaires troubles

Le lendemain, à la surprise générale, la katiba du Gsim, responsable du rapt, signifie, aux autorités, son désir de négocier la libération des trois étrangers via des intermédiaires qu’elle cautionne. Il s’agit de Mohamed Mehri dit « Rougi » et Sid’Ahmed, alias Zmeylou » », tous deux arabes de la tribu Lemhar, natifs de Tilemsi, non loin de la frontière de la Mauritanie. Ils sont fort connus de l’establishment malien et mènent des missions protéiformes, d’espionnage et d’influence auprès des populations du Nord. 

Le Général Modibo Koné, Directeur de l’Agence nationale pour la sécurité d’Etat (Anse), qui est leur chef, bénéficie de la confiance du Président Assimi Goïta. L’un et l’autre ont été élevés, le 16 septembre 2024, au même grade, « à titre exceptionnel », comme le soulignera, alors, le communiqué du Conseil des ministres.

Qui sont les inséparables Rougi et Zmeylou, collaborateurs de l’appareil de renseignement malien et marocain, exportateurs d’or à Dubaï et, néanmoins facilitateurs reconnus par le Gsim ?

En 2022, Rougi figurait sur la liste des sanctions des Nations unies, sous l’immatriculation MLi.007, d’où, également, une fiche rouge d’Interpol, contre lui décernée, aux motifs de trafic de drogue et de collaboration avec le Mouvement pour l’unification et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Les griefs ont été suspendus, le 30 août 2023, conformément à l’usage, après l’expiration de la résolution 2374, adoptée en 2017. Rougi peut circuler librement.

Arrêté puis condamné à une lourde peine de prison en Algérie, Zmeylou répondait de son implication dans le kidnapping de trois humanitaires européens, dont deux Italiens et un Espagnol, le 23 octobre 2011 à Hassi Rabuni, près de Tindouf. Le Front Polisario accusera Alqaïda au Maghreb islamique (Aqmi). La Liberté de Zmeylou sera rachetée par le Mujao, en contrepartie de la libération, durant l’été 2012, de 6 diplomates du Consulat d’Algérie à Gao, capturés quelques mois plus tôt.

Parentés improbables

 Les intermédiaires proposés par le Gsim connaissent bien les otages auxquels ils rendent visite, y compris à Dubaï. Au titre de l’hospitalité, ils suivent tous leurs mouvements au Mali. Or, selon la source très autorisée de Mondafrique, cinq jours avant l’enlèvement, Rougi et Zmeylou s’entretenaient, à Tilemsi, avec Houssein Ould Hamada et Abou Hamza al Shinghitti, animateurs notoires de la mouvance jihadiste dans la région de Gao. Le double duo appartient à des camps en conflit mortel mais l’amitié, l’esprit de corps et le sang le lient, à jamais.

Houssein Ould Hamada dirigeant du Gsim et Rougi supplétif du maître-espion du Mali s’avèrent cousins, issus de germains. Le père du premier et la mère du second sont frère et sœur. Dès lors, la rumeur de leur entente criminelle aux dépens des Emiratis ne cesse de bruire dans les salons obscurs de Bamako. Ici, la psychose des attaques, la paranoïa ambiante et le déficit d’électricité alimentent le goût immodéré de la conjecture. Le mot trahison et l’expression « transaction mercantile » animent la plupart des conversations.

Un épilogue aléatoire

Piqué au vif de n’avoir été informé de l’opération initiale, Iyad Ag Ghaly, leader du Gsim, vient de disqualifier l’intervention des sulfureux Rougi et Zmeylou. Mieux, il ne souhaite plus impliquer de Maliens au règlement de l’épineux litige et envisage même de délocaliser la négociation, à l’étranger. Ses lieutenants Houssein Ould Hamada et Abou Hamza al Shinghitti se retrouvent dessaisis du dossier. A supposer l’existence d’une escroquerie à quatre mains, l’ensemble du montage tombe à l’eau.

Du côté de la famille Al Maktoum et du palais de la présidence de la République à Koulouba, l’anxiété le dispute au mutisme.

Références

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/09/26/mali-deux-emiratis-et-un-iranien-enleves-pres-de-bamako_6643039_3212.html

 

Le Comité 2374 du Conseil de sécurité modifie trois entrées de sa liste relative aux sanctions | Couverture des réunions & communiqués de presse

 

https://www.france24.com/fr/20140831-captivite-mali-deux-diplomates-algerie-liberation-mujao-terrorisme