L’éloge de l’ex président Issoufou par le propagandiste du Burkina, Ibrahim Maïga

Ibrahim Maïga, le zélé propagandiste du régime militaire burkinabè, s’est fait copieusement insulter sur les réseaux sociaux du Niger après avoir posté, le 27 mai, l’élégie de l’ancien président Mahamadou Issoufou, qu’il avait rencontré lors d’une visite à Niamey il y a trois mois.

 

Originaire du nord du Burkina Faso, près de la frontière du Niger, Maïga n’exerce pas de fonctions officielles mais il passe pour être le chef des campagnes haineuses de communication et de désinformation du capitaine Ibrahim Traoré. La situation juridique, les revenus et le statut de l’ancien journaliste sont flous mais on sait qu’il mène ses activités à partir des Etats-Unis. Il y a bénéficié de l’asile politique alors qu’il était recherché au Burkina Faso. Curieusement, malgré les changements de régimes depuis 2022, il n’est jamais revenu au bercail. Selon certains médias burkinabè, il aurait d’ailleurs renoncé à sa nationalité au profit de la nationalité américaine.

Il est assez amusant dans ces conditions de voir un personnage aussi sulfureux que Maïga prêcher la concorde et la réconciliation au Niger voisin dont l’ex président Issoufou serait l’incarnation!

L’ex président Issoufou porté aux nues

« Dans les tourments actuels que traversent les peuples du Sahel, il est facile de se perdre dans les passions et les rancunes personnelles. (…) Mais au cœur de cette tourmente, une figure se détache, une figure qui (…) incarne aujourd’hui la constance et la sagesse d’un combat plus grand que nos petites disputes : Mahamadou Issoufou », écrit l’ex-journaliste et ex-activiste sur sa page officielle Facebook. 

Avec des accents de griot, il évoque les missions internationales plus ou moins fumeuses conduites par l’ex président, notamment sous l’égide des Nations unies, où ce dernier aurait « porté la voix de nos peuples meurtris.» Puis, il salue – un comble pour le promoteur des juntes militaires  ! – l’alternance avec son successeur désigné Mohamed Bazoum qui aurait été, selon lui, un «souffle d’espoir pour des millions de jeunes qui ne croyaient plus aux promesses de la démocratie.»

Bien sûr, Maïga ne dit rien de la fraude électorale massive constatée, surtout dans le fief de l’ex président, lors du scrutin de 2021, ni des tripatouillages ayant permis au régime d’en exclure son principal adversaire, Hama Amadou et il ne mentionne pas davantage les jours d’émeute qui ont ravagé la capitale après l’annonce des résultats, le 23 février 2021.

Issoufou, fossoyeur du Niger 

Franchissant un pas de plus – de trop, sans doute – Maïga s’en prend aux détracteurs de l’ex président rose, les accusant de «faire le jeu de ceux qui veulent nous voir divisés.» «Nous devons voir en Mahamadou Issoufou non pas un obstacle, mais un pilier (…) qui a déjà prouvé sa capacité à rassembler

Les répliques fusent, immédiatement. Mahamadou Issoufou n’est pas un pilier «mais le fossoyeur du Niger.» «Issoufou n’a jamais été un modèle de résilience, encore moins une figure de sagesse. Il est arrivé au pouvoir en 2011 par des fraudes massives, et en 2016, il a reconduit son mandat en emprisonnant Hama Amadou pour faire campagne seul. C’est là, le vrai visage de sa démocratie : verrouillée, manipulée, soumise», rappelle à Maïga Ousmane Jazy. «Durant ses dix années de règne, Issoufou a bâti un système autoritaire, corrompu, où la DGSE française tirait les ficelles. La répression, les enrichissements illicites, le détournement des ressources et l’effacement des voix critiques ont marqué chaque étape de sa gouvernance.» «En faire un modèle aujourd’hui, c’est humilier les victimes de sa politique ; c’est fermer les yeux sur dix années de mensonges et d’échecs», martèle l’auteur du post.

Un autre activiste, Nassirou Bodo, accuse Maïga de «faire le mercenaire», d’utiliser son audience «sur les réseaux sociaux pour vendre (ses) services aux plus offrants sous le couvert d’un combat prétendument patriotique» et l’interpelle en ces termes : «vous ne pouvez pas aimer le Niger plus que les Nigériens.» «Nous comprenons que vous ayez une prestation à faire pour le compte de votre client, mais je pense que vous n’avez pas le droit de manquer de respect au peuple nigérien, à l’intelligence du peuple nigérien.» Et de poursuivre : «ce ne sont pas vos prestations sur les réseaux sociaux pour réhabiliter son image ici au Niger (…) qui vont lui donner l’estime qu’il n’a pas pu et su gagner par sa gouvernance (du pays.)»

Patriote ou apatride ?

Les contradictions de Maïga, qui reflètent ses orientations politiques et stipendiées du moment, sont faciles à relever. Les activistes nigériens s’en saisissent. Promoteur enragé des juntes sahéliennes, au nom du départ des armées occidentales, Maïga semble oublier que c’est justement Mahamadou Issoufou qui a fait venir les contingents français et américain au Niger. Il oublie aussi que le président socialiste était l’un des soutiens les plus fidèles de la France dans la région et qu’il muselait ses opposants par la menace. Il oublie enfin que ses mandats ont été émaillés de scandales de détournement de fonds, notamment dans le domaine de la défense, par l’intermédiaire d’opérateurs économiques amis. 

Se prétendant, selon les circonstances, nigérien, burkinabè ou malien, Maïga semble courir les contrats de communication au Sahel, tout en continuant de vivre aux Etats-Unis où il s’est installé en 2022.

Alors que l’ancien président ne cesse de polluer, par sa présence agaçante sur les réseaux sociaux, le climat politique nigérien, l’intervention de Maïga ajoute de l’eau au moulin de ceux qui soupçonnent Issoufou de jouer un rôle dans l’actuel régime de transition.