Le tourisme en Côte d’Ivoire(4/4): le carnet de route de l’écrivain Venance Konan

La Côte d’Ivoire profite du temps de sa renaissance pour séduire plus de monde. Après la belle campagne victorieuse à la Coupe d’Afrique des Nations, Abidjan  a plus que jamais fière allure avec ses ponts à haubans, son architecture recherchée, ses routes neuves, ses lumières qui confirment sa réputation de ville lumière, ses restaurants, petits ou grands, qui proposent une riche gastronomie, sa musique, ses habitants hospitaliers qui savent offrir un sourire ou un bon mot à l’inconnu de passage…

Un nouvel eldorado

Cette hospitalité traditionnelle, brouillée par les conflits de ces dernières décennies, est ce trésor que le ministère du tourisme ivoirien exploite pour transformer la Côte d’Ivoire en l’une des destinations touristiques les plus prisées d’Afrique grâce aux moyens sur lesquels le gouvernement ivoirien a décidé de mettre à la disposition de ce secteur.

Mondafrique vous propose ici le quatrième article d’une série consacrée au boom touristique ivoirien

Voici donc le carnet de route de notre ami Venance Konan, depuis Grand Bassam, la première capitale de la colonie de Côte d’Ivoire jusqu’à Assinie, autrefois Issiny, où les missionnaires capucins venus de Saint-Malo s’installèrent dès 1637 et jusqu’à Elima qui a vu se créer la première école de la Côte d’Ivoire, en 1887 en passant par l’admirable palais de Monin Bia à Ayamé.

Plusieurs fois primé pour ses enquêtes, reportages et chroniques, Venance Konan, à la suite de son premier roman « Les prisonniers de la haine » paru aux Éditions NEI en 2003, a publié de nombreux essais et romans dont « Edem Kodjo un homme, un destin » pour lequel il a reçu le grand Prix littéraire de l’Afrique noire en 2012.

A la découverte de Grand Bassam

Ce qui reste d’une des premières maisons de style européen construites en Côte d’Ivoire

La région du Sud-Comoé commence dès la sortie de la ville d’Abidjan. Sa première cité en venant d’Abidjan est Grand-Bassam qui se trouve à environ 15 kilomètres de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny. La ville fut la première capitale de la colonie de Côte d’Ivoire, de 1893 à 1900, jusqu’à ce qu’à la suite d’une épidémie de fièvre jaune, la capitale soit transférée à Bingerville où l’air était plus salubre.

Pour se rendre à Grand-Bassam, on a le choix entre l’autoroute rectiligne d’une quinzaine de kilomètres, et l’ancienne route, plus sinueuse, mais plus pittoresque qui longe l’océan Atlantique. Elle est bordée d’ateliers d’artisans qui fabriquent des meubles, souvent en rotin, de quelques hôtels et de restaurants qui servent de succulents poissons et poulets braisés, mais aussi des mets européens.

A l’entrée de la ville, il faut obligatoirement s’arrêter au marché artisanal où des dizaines de vendeurs vous proposeront divers objets de l’art ivoirien, en bois ou en bronze. Il faut ensuite traverser rapidement le quartier Impérial pour se retrouver à la statue de la « marche des femmes ». Ce monument commémore la marche que des femmes ont effectuée du 22 au 24 décembre 1949 pour exiger la libération des militants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qui luttaient pour l’indépendance de leur pays et qui avaient été emprisonnés par les autorités coloniales. Le pont qui conduit au quartier France a été baptisé « pont de la Victoire » en hommage à cette marche. Le quartier France, cœur historique de la ville, situé entre la lagune et la mer, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le monument aux morts français

Le quartier France s’apprécie mieux lorsque l’on le visite à pied. A gauche, juste après le pont, se trouve une rangée de vieux manguiers aux tronc noueux qui témoignent de leur grand âge. Ils apparaissent sur les plus vieilles images de la ville qui datent du début du siècle dernier. En face, sur un espace vide se trouve la tombe de Marcel Treich Laplaine, le premier administrateur colonial de la Côte d’Ivoire dont le nom fut donné au quartier de Treichville à Abidjan.

De l’autre côté de la lagune, se trouve la première maison close, pour ne pas dire le premier bordel du pays. L’histoire raconte que ce fut d’abord des hommes qui vinrent d’Europe sur les côtes africaines. Lorsqu’ils formèrent une colonie, le problème de leurs besoins sexuels se posa. On remarqua que quelques-uns allaient avec des femmes africaines. Ce qui heurtait la morale de certains bien-pensants en France. Il fut alors décidé de construire un bordel et d’y faire venir des femmes blanches. C’est plus tard que les épouses des colons les rejoignirent. Cette maison est aujourd’hui un hôtel.

En allant tout droit après le pont, l’on tombe sur le vieux tribunal toujours fonctionnel, et en bifurquant sur la gauche, l’on passe devant l’ancien palais des gouverneurs qui est l’actuelle préfecture de Grand-Bassam, contigüe à l’ancienne résidence des mêmes gouverneurs, aujourd’hui musée du costume, l’ancienne poste qui est en train d’être transformée en « maison des artistes », le petit village des rastas, et la première école de la ville. Au bout de la rue se trouve le monument érigé en hommage aux victimes de la fièvre jaune qui décima la population européenne de la ville. Il y est inscrit : « A ses enfants tombés en Côte d’Ivoire, la France reconnaissante. » Derrière ce monument se trouve la « Commanderie » où résida Treich Laplaine. Tout le long du bord de la mer, jusqu’au village d’Azureti, se succèdent des hôtels et des restaurants de toutes les classes.

Certaines des vieilles maisons de style colonial ont été bien conservées ou rénovés par les nouveaux propriétaires, mais bon nombre d’entre elles sont complètement en ruine. Chacune des maisons raconte une histoire, celle des premiers Européens à avoir mis les pieds sur ce territoire, celle aussi des premiers Libanais, auxiliaires des Européens qui allaient acheter le café et le cacao à l’intérieur du pays et tenaient les commerces. Quelque part, au détour d’une rue, l’on tombe sur le plus vieux cinéma en plein air du pays, aujourd’hui abandonné. Il y a aussi dans les environs, la maison où le savant français Raymond Borremans vécut et rédigea son volumineux dictionnaire encyclopédique sur la Côte d’Ivoire. Elle a été transformée en fondation. Plus loin l’on trouve le palais du roi des Nzima, l’un des deux plus importants groupes ethniques de la ville. Dans le quartier de Moossou se trouve un autre palais, celui du roi des Abouré, l’autre groupe ethnique.

Jouxtant le quartier des Européens, se trouve celui des « indigènes » comme l’on appelait les premiers habitants de la ville au temps des colonies, et au bout se trouve l’embouchure où le fleuve Comoé qui donna son nom à la région se jette dans la mer. On peut y admirer les pirogues colorées des pêcheurs ghanéens. Chaque année, à la fin du mois d’octobre et jusqu’au début de mois de novembre se tient l’Abissa, la fête de réjouissance du peuple Nzima et qui marque le début de la nouvelle année dans leur tradition. C’est une sorte de carnaval qui dure plusieurs jours.

Assinie, le Saint Tropez ivoirien

 

De Grand-Bassam, pour se rendre à Assinie, l’on a le choix d’emprunter la nouvelle autoroute d’une trentaine de kilomètres qui longe le canal creusé depuis Grand-Bassam qu’empruntent les propriétaires de bateau, ou l’ancienne route qui traverse les villes très encombrées de Yaou, Bonoua et Samo. Mais l’une et l’autre route, ainsi que le canal, débouchent sur Assouindé, gros village situé entre la lagune et la mer, où fut tourné le film français « les Bronzés » en 1978. On y trouve de nombreux hôtels de toutes catégories.

Assouindé est séparé de la petite ville d’Assinie-Mafia par une langue de terre d’une vingtaine de kilomètres située entre la lagune et la mer. Assinie, autrefois appelée Issiny, fut le premier endroit où des Français, précisément des missionnaires capucins venus de Saint-Malo, s’installèrent dès 1637, dans ce qui deviendra la Côte d’Ivoire. Plus tard, le chevalier d’Amon et l’amiral Jean-Baptiste du Casse, directeur de la Compagnie du Sénégal, furent reçus par le roi d’Assinie et ramenèrent en France le prince Aniaba et son cousin Banga qui furent présentés au roi Louis XIV. Ils se convertirent au catholicisme, et Aniaba fut baptisé par Bossuet, l’évêque de Meaux. Ils devinrent des officiers dans le Régiment du roi, avant de retourner à Assinie vers 1700. Aniaba qui ne retrouva pas le trône royal d’Assinie auquel il croyait avoir droit mais qui était occupé par un autre roi en son absence, devint conseiller du roi de Quita dans l’actuel Togo et l’on perdit ses traces.

Assinie est le Saint-Tropez ivoirien, là où les grosses fortunes du pays ont construit de luxueuses villas où ils vont passer leurs week-ends. Le président de la République et de nombreux ministres y ont aussi leurs résidences de week-end. De nombreux hôtels de haut standing ont été construits sur tout le pourtour de la lagune et au bord du canal qui débouche sur la lagune Aby et que sillonnent à longueur de journée des jet-skis pilotés par de jeunes gens. La lagune Aby sert de frontière entre la Côte d’ivoire et le Ghana. Contrairement à Grand-Bassam où la mer est très houleuse, ce qui rend la natation assez risquée, celle d’Assinie est calme et l’on peut y marcher sur de longues distances. La plage de sable blanc est toujours très bien entretenue.

En face d’Assinie, au milieu de la lagune Aby, se trouvent les six îles Ehotilé constituées en parc naturel par l’Etat de Côte d’Ivoire. Elles abritent plusieurs espèces d’oiseaux, mais également des mammifères tels que les chauves-souris, que les riverains considèrent comme le signe de la présence de leurs parents disparus, et les lamantins. L’une de ces îles abrite le cimetière des premiers habitants. Aujourd’hui plus personne ne vit sur ces six îles.

Elima, la première école ivoirienne

Pour poursuivre vos pérégrinations dans le Sud-Comoé à partir d’Assinie, il faut emprunter l’ancienne route et marquer un arrêt dans la petite et coquette ville d’Adiaké. Elle est située au bord de la lagune Aby et possède un vieux quartier de style colonial ainsi que de bonnes infrastructures hôtelières. En face d’Adiaké se trouvent les villages d’Eboué, Adjouan, Aby et Elima que l’on peut rallier en pinasse. Si l’on trouve à Eboué un hôtel de bon standing, ce n’est pas le cas des autres villages.

Il ne reste plus aujourd’hui que quelques pans du mur de la première école construite en Côte d’Ivoire.

Par contre, Elima a la particularité d’avoir vu se créer la première école de la Côte d’Ivoire, en 1887, par un Français venu d’Algérie du nom de Fritz-Emile Jeand’heur. Elle comptera à ses débuts 33 écoliers africains.

A quelques pas de cette école, sur une colline surplombant la lagune Aby, se dresse ce qui reste de ce que l’on appela la « première ambassade de France en Côte d’Ivoire », mais qui fut en réalité la première maison de style européen dans le pays. Ce fut une grand et belle maison aux murs épais, construite par Arthur Verdier qui introduisit le premier la culture du café en Côte d’ivoire. La maison, en ruine est presqu’entièrement recouverte par la végétation.

Les premiers magasins où André Verdier exposa son café

C’est le 7 avril 1880 qu’Arthur Verdier obtint du roi Amon N’doffou II les droits exclusifs de la culture du café à Elima. Il défricha dans un premier temps 100 hectares de forêt vierge, qu’il porta à plus de 300 hectares six ans plus tard. Les magasins dans lesquels il entreposait son café avant de l’expédier en Europe sont toujours visibles à Elima, au pied de sa résidence et à côté de l’école.

Ayamé, l’incroyable palais Monin Bia

Après avoir rejoint la route d’Assinie en sortant d’Adiaké, prendre sur la droite jusqu’à la petite ville de Samo, puis prendre encore à droite, en direction de la frontière ghanéenne. Aboisso, la plus grande ville et chef-lieu de la région du Sud Comoé, se trouve à une cinquantaine de kilomètres, au bord de la rivière Bia. En dehors de ses richesses touristiques, la région du Sud Comoé est riche en agriculture. C’est là que l’on trouve les plus grandes plantations de cacao, de café, de palmiers à huile et d’hévéa. Aussi trouve-t-on à Aboisso de nombreuses maisons « à étage » comme on dit, signe de richesse en Côte d’Ivoire. Mais à vrai dire, il n’y a rien de spécial à voir à Aboisso. A part peut-être la pierre en forme de phallus de l’hôtel Le Rocher.

Il faut plutôt aller jusqu’à Ayamé, trente kilomètres plus loin, sur une route cahoteuse, pour voir les deux premiers barrages hydro-électriques de la Côte d’Ivoire, que surplombe l’incroyable palais Monin Bia de l’excentrique défunt avocat Dominique Kangah, grand amateur et collectionneur d’art. Le palais, construit sur une colline qui domine la ville d’Ayamé et le lac du premier barrage, est constitué de sept chambres et une suite présidentielle, plusieurs salons, une salle de conférence, tous richement décorés de tableaux de maîtres, de sculptures, et un théâtre, car le maître des lieux était fou de cet art. Il écrivait des pièces de théâtre qu’il jouait pour ses invités ou pour lui seul. Le palais dispose aussi d’une incroyable salle à manger avec une table qui peut recevoir jusqu’à 80 convives. Il est surmonté d’un dôme qui culmine à 21 mètres de hauteur et permet d’admirer les magnifiques jardins à la française du palais. L’on raconte que le jardinier français qui conçut ces jardins fut si bien payé qu’il s’installa à Ayamé au bord du lac où il construisit un hôtel.

De retour à Aboisso, continuer sur la route du Ghana, puis quelques deux ou trois kilomètres après la sortie de la ville, prendre sur la droite la route de Krindjabo qui se trouve à cinq kilomètres. C’est la capitale du royaume Sanwi, un sous-groupe de l’ethnie Agni qui s’installa sur le territoire ivoirien vers la fin du XVIIème siècle.

Le roi du Sanwi, royaume au sud-est de la Côte d’Ivoire, où eu lieu la cérémonie d’intronisation de Michael Jackson en tant que prince, lors de sa visite en 1992. – Amandine Réaux

En 1992, le chanteur américain Michael Jackson visita le village où il avait été persuadé qu’il avait ses origines. Il y fut intronisé prince du Sanwi, sous le nom d’Amalaman Anoh. Le gros arbre appelé Krindja (Krindjabo signifiant « sous le krindja ») planté au beau milieu du village et le palais du roi constituent les principales curiosités de la localité. Le royaume Sanwi, qui englobe les localités d’Assinie, Aboisso et de Maféré réclama, en vain, son indépendance vis-à-vis de la Côte d’Ivoire au début des années soixante, en vertu d’un traité que l’un de ses rois signa avec la France en tant que royaume autonome, avant la colonisation formelle de la Côte d’Ivoire en 1889.

Toujours sur la route du Ghana, quelques vingt kilomètres plus loin, une voie sur la droite conduit au village d’Elima où se trouvent les vestiges de la première école créée en Côte d’Ivoire et de la première maison de style européen. L’on atteint Elima en traversant de grandes plantations de palmiers à huile.

De retour sur la route du Ghana, quelques cinq cent mètre plus loin, prendre sur la gauche pour aller découvrir la grouillante cille de Maféré et son hôtel Fama-bio situé au bord d’un lac artificiel, avec son mini zoo qui fait la joie des enfants et même des parents.

Enfin, pour clore votre promenade, avant d’atteindre la frontière ghanéenne, prendre sur la gauche et traverser les plantations de palmier à huile pour aller découvrir la petite et charmante ville de Tiapoum, elle aussi au bord de la lagune Aby.

Le tourisme en Côte d’Ivoire (3/4), la sauce gouagouassou au menu des restaurants huppés