La signature à Niamey entre le Niger et la Fédération de Russie, d’un document d’entente pour le renforcement de la coopération dans le domaine de la défense montre à quel point Vladimir Poutine est le bénéficiaire des échecs de la politique africaine de François Hollande et d’Emmanuel Macron qui, depuis deux ans, ont donné les clés de la politique africaine de la France à Jean Yves Le Drian, successivement ministre de la Défense puis des Affaires Étrangères, qui a toujours entretenu une vision purement militaire de la présence française en Afrique. Ce que la France paie au prix lourd en ce Noël 2023 où l’ambassade française à Niamey est définitivement fermée
Le document a été paraphé par le ministre d’Etat nigérien à la défense, le Général de corps d’armée, Salifou Mody et le vice-ministre de la Défense de la Fédération de Russie, le Colonel Général Evkurouv Lunus-BekLa délégation russe en visite au Niger a été également reçue en audience par le Président du CNSP et Chef de l’Etat, le général de Brigade Abdourahamane Tiani
L’Occident lâché par l’Afrique
Le vote des Nations Unies (ONU) du 2 mars 2022 – au cours duquel 17 pays africains ont voté contre ou se sont abstenus de condamner les actions de la Russie en Ukraine – montre que le Royaume-Uni, l’Europe et les États-Unis ne peuvent tenir le soutien de l’Afrique pour acquis.
Deux explications distinctes sont utilisées pour expliquer l’intérêt croissant de la Russie pour l’Afrique. Lapremière soutient que la Russie procède comme feu l’Union soviétique avec le continent africain. Elle a besoin des ressources minières africaines pour faire tourner son industrie (manganèse, bauxite, chrome) et apporte en échange une aide à la sécurité. Une stratégie mutuellement bénéfique mais à court terme et sans réelle profondeur.
La seconde explication suggère que Poutine considère l’Afrique comme une deuxième frontière, après l’Europe de l’Est, pour encercler l’Europe de l’Ouest. Les partisans de cet argument affirment qu’en favorisant l’instabilité, en perturbant les élections, en exportant des armes et en alimentant potentiellement la politique migratoire, la « grande stratégie » de Poutine vise à utiliser l’Afriquepour déstabiliser l’Europe.
La rapidité avec laquelle la Russie a étendu son influence sur le continent africain s’explique par l’hésitation croissante de l’Occident à apporter une assistance militaire aux différents pays africains. La Russie exploite non seulement les vulnérabilités du continent, mais aussi une baisse de confiance dans les réformes démocratiques libérales de certains pays africains.
Pour la Russie de Poutine, l’Afrique est également considérée comme un bloc électoral puissant dans les instances internationales qui peut renforcer le Kremlin sur la scène internationale. Pour les dirigeants africains, l’approfondissement des relations avec la Russie leur donne un moyen de compenser le déclin de l’intérêt des États-Unis pour le continent, et de rejeter leurs exigences croissantes en matière de droits de l’homme.
Le soutien militaire et sécuritaire apporté par les Russes aux pays africains s’accompagne en effet de peu d’exigences politiques, ce qui contraste fortement avec des décennies d’aide européenne ou américaine. En2014, par exemple, après que les États-Unis aient refusé de fournir des hélicoptères de combat au gouvernement nigérian en raison de sa faible réceptivité sur les questions liées aux droits de l’homme, la Russie n’a posé aucune question et a vendu au Nigeria six hélicoptères Mi-35. Idem avec l’Egypte : après le coup d’Etat militaire qui a chassé les Frères Musulmans, les Etats Unis se sont montré réticents à équiper l’appareil militaire égyptien. Là encore, la Russie a comblé le trou et l’Egypte importe un tiers de son équipement de Russie.