La création « d’une entité politico-militaire portant les aspirations du peuple de l’Azawad à l’autodétermination » a été annoncée en novembre 2024 par les responsables du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA). Ce Front de Libération de l’Azawad n’est pas nécessairement défavorable à des pourparlers avec certains dirigeants d’Al-Qaïda. À condition que les compromis recherchés à cette occasion soient assujettis aux objectifs du Front et que toute violece sit bannie
Ilyas EL OMARI

Ces dernières années, des tentatives de reconfiguration du panorama sécuritaire et politique dans la région sahélienne d’Afrique se sont manifestées. Certaines puissances mondiales semblent chercher à reproduire les configurations observées en Afghanistan et en Syrie. Dans ce climat, le Front de Libération de l’Azawad, mouvement favorable à l’autodétermination du peuple de l’Azawad, répudie catégoriquement le terrorisme, l’extrémisme, et toute entité prônant la violence.
Divers organes médiatiques, notamment français, ont diffusé des informations évoquant une éventuelle collusion entre le Front de Libération de l’Azawad et l’organisation Al-Qaïda au Sahel, allant jusqu’à évoquer la perspective d’une alliance face aux forces armées maliennes et aux mercenaires russes de « Wagner ». Néanmoins les déclarations des chefs traditionnels infirment l’existence de toute négociation directe entre le Front et la dite organisation.
Temporiser n’est pas négocier
Ces sources ont toutefois reconnu que des dignitaires tribaux locaux ont entrepris des pourparlers avec certains dirigeants d’Al-Qaïda originaires de l’Azawad, dans l’optique d’explorer des voies d’atténuation de la violence dans un contexte d’escalade militaire que connaît la région, particulièrement face au déploiement de drones turcs par l’armée malienne. Bien que ces dignitaires aient communiqué la teneur de ces entretiens à la direction du Front, celle-ci a décliné toute négociation directe avec Al-Qaïda, stipulant que tout dialogue ultérieur devrait être assujetti à des prérequis non négociables, dont les plus impératifs sont :
Mieux vaut Al-Qaïda que Daech
Par cette position, le Front de libération de l’Azawad affirme l’indépendance de sa décision politique et son refus de toute alliance qui pourrait légitimer les groupes armés qui ne sont pas compatibles avec son projet national.
Les événements qui se déroulent en Azawad s’inscrivent nécessairement dans les tendances internationales concernant l’appréhension des organisations armées. Ces dernières années ont été marquées par une évolution du discours occidental à l’égard d’Al-Qaïda, qui n’est désormais plus perçue comme l’entité la plus périlleuse, certains commençant à propager l’idée qu’elle serait moins radicale que Daech, ouvrant ainsi la voie à d’éventuelles négociations, voire à son intégration dans une nouvelle configuration politique, à l’instar de ce qui s’est produit avec les Talibans en Afghanistan ou certaines factions armées en Syrie.
La France sur le banc des accusés
Ce qui appuie cette hypothèse, ce sont les révélations de certaines sources indiquant qu’un accord aurait été conclu entre la France, le gouvernement malien et l’organisation Al-Qaïda. Cet arrangement aurait impliqué la libération de plusieurs cadres de l’organisation, incarcérés dans les prisons maliennes, en échange de la remise en liberté d’otages français détenus par Al-Qaïda.
Par ailleurs, certaines voix affirment que la France aurait versé jusqu’à 50 millions d’euros à l’organisation dans le cadre de cette négociation, ce qui serait perçu comme une forme de financement indirect du groupe terroriste.
En outre, la libération de ces détenus à Bamako soulève des interrogations sur une possible réorganisation stratégique d’Al-Qaïda dans la région. Cette situation pourrait évoquer le précédent afghan, où le retrait américain a ouvert la voie à un regain d’influence des groupes islamistes radicaux
Le scénario syrien en Azawad

L’ascension du rôle politique de certaines factions armées, sous couvert de recherche de solutions pacifiques, soulève des questions fondamentales quant à la finalité réelle de ces stratégies. S’agit-il d’une approche sécuritaire visant à circonscrire le terrorisme en l’incorporant dans le paysage politique ? Ou existe-t-il une volonté dissimulée de reproduire le paradigme afghan et syrien, où certaines organisations se voient investies de rôles spécifiques dans le cadre des équilibres géopolitiques ?
Dans cette perspective, l’interrogation demeure : aspire-t-on à transformer l’Azawad en un nouvel Afghanistan au cœur du Sahel africain ? Et les puissances mondiales sont-elles en train de réhabiliter Al-Qaïda en tant qu’instrument géopolitique dans la région ?