« Rugby africain » rime généralement avec « Afrique du Sud », et dans une moindre mesure avec « Namibie ». Le continent africain regorge toutefois de nations talentueuses et bien positionnées dans le classement mondial des sélections de rugby. Le rugby africain a toutefois du mal à rayonner sur la scène sportive internationale.
Le 28 octobre dernier, l’Afrique du Sud de Sya Kolisi a remporté la Coupe du monde de rugby. Les « Springboks » (surnom du XV sud-africain) ont remporté le trophée Webb Ellis pour la deuxième fois consécutive. Tout comme lors du Mondial de 2019, sur les 20 nations alors représentées dans le tournoi, deux équipes africaines : l’Afrique du Sud et la Namibie.
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Première nation mondiale à l’issue du Mondial, l’Afrique du Sud est une terre bien connue de rugby. Elle a accueilli la compétition en 1995 et l’a remporté à quatre reprises (en 1995, en 2007, en 2019 et 2023). La Namibie – 21ème au classement mondial – a de son côté participé à sept des dix éditions de la compétition, mais n’a pour l’instant pas réussi à se hisser au-delà de la phase de poules dans son histoire.
L’Afrique du Sud – et dans une moindre mesure la Namibie – sont par ailleurs les premières équipes qui viennent dans l’esprit des néophytes dès que l’on évoque le rugby africain. Le continent ne manque pourtant pas d’équipes de talent.
Certaines se placent dans les cinquante premières nations mondiales, selon le classement de World rugby (l’organisme international qui gère ce sport). C’est le cas du Zimbabwe (qui a joué les Coupes du monde 1987 et 1995), le Kenya ou encore la Côte d’Ivoire (qui a participé au mondial en 1995). Par ailleurs, dix sélections africaines prennent place parmi les 50 premières mondiales concernant le rugby féminin.
Un sport en progression sur le continent africain
Le continent Africain dispose, depuis 1986, de sa propre structure sportive : Rugby Afrique. Elle est l’une des six associations régionales de World Rugby et regroupe les nations africaines pratiquant le rugby à XV, le rugby à 7 et le rugby féminin. Elle rassemble 39 fédérations membres, dont 21 membres de World Rugby et 6 membres associés. Elle organise également de nombreuses compétitions, dont la Rugby Africa Gold Cup, qualificative pour la Coupe du monde.
Contacté par Mondafrique, son président, Herbert Mensah, révèle qu’il y a un total estimé à 1,4 million de pratiquants de rugby à travers le continent africain. Il ajoute que, parmi ces participants, « nous comptons 800 joueurs professionnels et 200 autres personnes considérées comme semi-professionnelles ».
Herbert Mensah indique par ailleurs que la pratique du rugby connait une forte croissance sur le continent africain, tant chez les femmes que chez les hommes, qui y contribuent « de manière significative ». « Notre jeune population, soutenue par une augmentation de 855 000 participants préadolescents à partir de 2020, continue d’augmenter sur le continent africain ».
Pour lui, il « est évident que la prochaine génération de joueurs et de supporters, qui jouera un rôle central dans la Coupe du monde de rugby de 2027, est cultivée et développée sur notre continent ». Herbert Mensah affirme également que World Rugby a reconnu le Nigéria, le Ghana et la Zambie comme « trois des six nations émergentes » qui connaîtront « une croissance substantielle » dans le domaine du rugby en 2023.
« Un manque d’investissements »
Le rugby africain peine pourtant à rayonner – en dehors de l’aspect Afrique du Sud et Namibie – sur la scène sportive internationale. Deux éléments sont mis en avant : la différence de niveau entre l’Afrique du Sud, la Namibie, et les autres équipes d’une part ; et la visibilité du rugby africain à travers le monde d’autre part.
Sur le premier point, cela « s’explique principalement par le manque d’investissements », selon Herbert Mensah. Il précise également que « bien que le Zimbabwe et le Kenya occupent des positions louables et disposent d’un éventail de talents, ils manquent de ressources financières et de soutien ».
« Pour combler ce fossé (…) il est impératif que ces pays bénéficient d’un financement accru pour la nutrition, les infrastructures, l’entraînement, les déplacements et les test-matches », explique-t-il. Ce dernier avance également le fait que « la situation actuelle ne permet pas à ces pays de jouer à armes égales, alors que d’autres nations participent en moyenne à 12 test-matches par an. Pour cultiver et maximiser le potentiel des nouveaux talents du rugby, nous devons créer un environnement plus équitable pour le rugby africain ».
Fondateur du site FC Geopolitics et auteur de l’ouvrage « Planète rugby : 50 questions géopolitiques » (aux éditions Max Milon, 2023), Kévin Veyssière avance le fait que, mise à part l’Afrique du Sud « un peu en dehors du rugby africain », la Namibie, et un peu le Zimbabwe, « vous allez avoir très peu de matchs sur le continent africain ». « Même en ce qui concerne la Namibie, ce sont des fédérations semi-pro, les autres fédérations sont amateures. Cela a encore plus fragilisé le système des rencontres internationales ».
Selon lui, pour « combler le retard, il faut une volonté forte de pays d’ancrer le rugby sur le long terme ». Il poursuit : « Quand on regarde le niveau d’écart entre la Namibie et le top 10 des nations du monde, on voit qu’il y a encore une longue marche à faire (…) sans parler de la culture rugby à XV qu’il faut arriver à mettre en place et développer dans les pays » où elle n’est pas déjà implantée.
Plus de compétitions internationales
Pour Kévin Veyssière, la clé réside également dans « les investissements sur le long terme, le développement d’infrastructures locales (beaucoup plus compliquées et couteuses à mettre en place que celles pour le football), et peut-être l’utilisation d’autres biais du rugby à XV, comme le rugby à 7, pour permettre à la population locale d’appréhender au maximum ce sport ». Elle passe aussi par une multiplication des matchs et des compétitions internationales de manière plus régulière.
L’auteur met par ailleurs en avant le fait qu’il y a de plus en plus de tournois qui s’organisent « notamment à Dubaï, à travers le rugby à 7 (…) cela peut aussi l’être à travers le rugby à XV ». Kévin Veyssière indique que « s’il y a une volonté de World rugby et de Rugby Afrique d’organiser ce type de compétitions, ça fera monter le niveau du rugby africain ». Pour lui, l’une des principales difficultés sera de mettre en place un calendrier international et d’organiser des rencontres du type « France-Namibie » en dehors du cadre de la Coupe du monde.
Pour Herbert Mensah, le manque visibilité internationale du rugby africain est due « aux défis de la collecte de données et de la diffusion », notamment face au football, qui demeure le sport le plus populaire à l’échelle du continent. « En Afrique, le football est disponible partout. Il suffit d’allumer sa télévision ou de visiter son site web préféré, offrant un accès direct à l’action », explique le président de Rugby Afrique.
« Le rugby bénéficie d’une audience et d’un intérêt public dévoués dans toute l’Afrique, mais il s’efforce de mettre en place un système qui garantisse un accès facile au public, que ce soit par le biais du domaine en expansion de la diffusion en continu ou de la radiodiffusion traditionnelle, précise Herbert Mensah, précisant que Rugby Afrique s’efforce « de combler ce fossé en matière d’accessibilité, en reconnaissant que la jeune génération accorde une grande importance à la diffusion en continu comme moyen de se connecter à ce sport ».
Le président de Rugby Afrique conclut, indiquant que ces mesures sont essentielles pour « promouvoir l’attrait international du rugby » et mettre en valeur « l’immense talent et la passion que l’Afrique possède pour le rugby, en veillant à ce que notre engagement pour ce sport brille » sur la scène mondiale.