Le réquisitoire de l’ancien Premier ministre tunisien Hichem Mechichi

Hichem Mechichi  est chef du gouvernement du 2 septembre 2020 au 25 juillet 2021 et occupe également le poste de ministre de l’Intérieur de février à septembre 2020 puis, à côté de ses fonctions de chef du gouvernement, de janvier à juillet 2021.

Il est démis de ses fonctions suite à un coup de force opéré par le président Kaïs Saïed qui suspend également l’Assemblée des représentants du peuple. Le pays sombre alors dans une crise politique caractérisée par un autoritarisme croissant et des atteintes graves aux droits et libertés

Voici une synthèse structurée de l’interview accordée par Hichem Mechichi au journal Al-Quds Al-Arabi, publiée le 30 juillet 2025, dans laquelle l’ancien chef du gouvernement tunisien revient longuement sur sa destitution le 25 juillet 2021 par Kaïs Saïed :

🟥 1. Événements du 25 juillet 2021 : un coup de force

Mechichi qualifie la date du 25 juillet 2021 de « jour noir » dans l’histoire de la Tunisie, marquant selon lui la fin du processus démocratique.

Il affirme avoir été retenu de force au Palais de Carthage après avoir été convoqué à une réunion sécuritaire.

Il y décrit un Kaïs Saïed « en état de tension extrême », annonçant la dissolution des institutions en prétextant un danger imminent.

À son refus d’approuver ce qu’il a qualifié d’ »suspension de la Constitution » ou de « coup d’État », Mechichi dit avoir été empêché de rentrer à la Kasbah, puis assigné à résidence sous surveillance.

🟧 2. Un « coup d’État » soutenu de l’intérieur et par l’étranger

Il affirme que Kaïs Saïed a orchestré son coup de force avec un soutien logistique et médiatique régional.

Il évoque sans nommer de pays, des régimes autoritaires qui craignaient que la révolution tunisienne inspire leurs peuples.

Selon Mechichi, ces soutiens ont permis la déconstruction ciblée du modèle de transition démocratique tunisien.

🟨 3. Portrait psychopolitique de Kaïs Saïed

Mechichi décrit un président mystique et autoritaire, mû par un sentiment de mission quasi religieuse.

Il estime que Saïed se perçoit comme un élu du destin, chargé d’une mission divine pour guider un peuple « perverti ».

Cette vision justifierait, selon lui, tous les moyens : manipulation de l’opinion, chaos institutionnel, répression.

🟩 4. Appel à la « résistance » démocratique et non à l’« opposition »

Mechichi rejette le qualificatif de « simple opposition », considérant qu’il ne s’agit plus d’un débat politique mais d’une résistance à un régime de fait.

Il appelle à unir les forces démocratiques, malgré leurs différences, pour « refermer la parenthèse du coup d’État » par des moyens civiques et pacifiques.

Il constate que les partis opposants sont affaiblis, dispersés ou réprimés, mais que le combat reste possible.

🟦 5. Sur l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT)

Sans l’attaquer frontalement, Mechichi critique l’absence de rôle moteur de l’UGTT dans la crise.

Il appelle l’organisation syndicale à retrouver son rôle historique de défense des opprimés et de rempart face à l’autoritarisme.

🟪 6. Position personnelle et avenir politique

Mechichi affirme être en exil volontaire, car il refuse d’adhérer à un régime fondé sur la personnalisation du pouvoir.

Il écarte l’idée de fonder un parti, préférant travailler à rassembler les forces démocratiques sur un socle commun, libre des contraintes partisanes.

Il conclut en appelant à une stratégie d’après-Saïed, basée sur un « minimum démocratique » partagé.

🔷 En conclusion :

Hichem Mechichi dépeint une Tunisie plongée dans une dérive autoritaire orchestrée par un président hors des normes politiques classiques, bénéficiant de soutiens internes et régionaux. Il appelle à une reconquête pacifique et démocratique du pays, au prix de l’unité nationale et de la résistance civile, tout en livrant pour la première fois son propre récit du 25 juillet 2021.