Omar Harfouch, un riche homme d’affaires libanais de 55 ans, achète des publicités partout – de la presse aux panneaux d’affichage, en passant par des spots à la radio – pour vendre son Concerto pour la paix organisé, le 18 septembre, au Théâtre des Champs-Elysées. « Une création originale d’Omar Harfouch », est-il célébré en grosses lettres jaunes.
Enquête sur ce playboy et grand ambitieux devant l’éternel, Omar Harfouch, battu en Mai 2022 aux législatives dans sa ville natale de Tripoli, la capitale du sunnisme libanais, mais qui se verrait bien, demain, à la tète du gouvernement avec la bénédiction du Hezbollah, le mouvement chiite proche de l’Iran, du clan de l’ex Président chrétien Michel Aounet de tous ceux qui sont prèts à le rallier grance au trésor de guerre dont apparemment il dispose.
Le général Michel Aoun, encore Président de l’État libanais grâce à une alliance improbable avec le Hezbollah, aura été un des chefs d’État à recevoir avec tous les honneurs Marine Le Pen à Beyrouth le 20 février 2017. La patronne alors du Front National devenu depuis le Rassemblement National était accompagnée à l’époque de son conseiller diplomatique, un certain Omar Harfouch.
Ce libanais sunnite a fait « fortune » en Ukraine auprès d’oligarques peu recommandables et tente depuis plusieurs années d’exister à nouveau dans son pays d’origine, le Liban, avec l’ambition de devenir Premier Ministre, un poste réservé traditionnellement à la communauté sunnite. Un rêve? Ce n’est pas si sur, ce libanais cosmopolite est obstiné, ambitieux et charmeur. En tout état de cause, cet homme d’affaires flamboyant pourrait jouer un rôle important dans le Liban de demain, où il place sespions en tentant de neutraliser ses ennemis d’hier dans le camp des chrétiens maronites.
Riad Salamé, le bouc émissaire
Ces derniers mois, Omar Harfouch s’était engagé à fonds perdus dans la mise en cause du gouverner de la Banque du Liban, Riad Salamé, qui après avoir tenté de sauver la monnaie libanaise par une politique inconsidérée de montages financiers dangereux, passe désormais, de façon caricaturale, comme le parrain des classes dirigeantes libanaises alors qu’il est surtout le bouc émissaire de la crise du pays du Cèdre. .
Afin de donner une crédibilité internationale à la mobilisation médiatique contre le Gouverneur de la Banque Centrale du Liban, suspecté de détournements dans plusieurs pays européens, Omar Harfouch fait appel à l’avocat William Bourdon, Président Fondateur de l’ONG Sherpa, qu’il a lui même financé (1). Cette association qui lutte contre la corruption, dépose une plainte en France contre le Gouverneur pour des soupçons de biens mal acquis en mai 2021. Cette plainte est traitée par le Parquet National Financier français.
Cette mise à mort judiciaire de Riad Salamé qui vient d’être mis en détention par la justice libanaise aura été une façon pour notre milliardaire et pianiste démontrer une façon de montrer qu’ii était un chevalier blanc de la lutte contre la corruption. Une manière aussi de servir les intérêts de son camp politique au Liban animé par l’ex Président Aoun, allié au Hezbollah, qui cherchait à placer un proche à la tète de la Banque du Liban.
L’ami Harfouch peut compter sur son amie, la sénatrice UDI de l’Orne Nathalie Goulet, pour organiser un colloque au Sénat afin de réfléchir à « l’indemnisation des victimes de la corruption et des conflits armés ». Sauf que les têtes d’affiche de cette réunion improbable étaient animées par beaucoup d’arrières pensées: la Procureure libanaise, Ghada Aoun, instrument judiciaire à l’époque du Président libanais Michel Aoun contre Riad Salamé et enfin l’avocat William Bourdon à l’origine des plaintes contre le Gouverneur. La Procureure s’affiche donc en public avec la partie civile du dossier qu’elle instruit ! Ce voyage ayant été pris en charge par …Omar Harfouch
Nathalie Goulet, « une passion »
Ces dernières années, Omar Harfouch a ainsi payé à six reprises des déplacements – au Liban, en Arabie saoudite et en Ouzbékistan – de la sénatrice (UDI) Nathalie Goulet, ancienne présidente du groupe d’amitié France-pays du Golfe au Palais du Luxembourg, note « le Monde » dans un portrait au vitriol publié ces jours ci. « Cette femme, c’est une passion pour moi », affirme-t-il à propos de l’élue, qui l’a aidé à organiser un concerto de piano … au Sénat, en 2021. La Sénatrice, mise en cause dans plusieurs dossiers sensibles de financement politique qui n’est as ingrate s’est rendue à plusieurs reprises à l’invitation de Omar Harfouch dans la circonscription où le mystérieux homme d’affaires s’était porté candidat et a perdu.
Sa fortune serait, selon ses propres dires, due au succès d’un groupe de presse, d’une télévision OTV et d’une agence de mannequins alors qu’il était en Ukraine. Cette version de son parcours est approximative. Il était à l’époque (dans les années 2000) juste le « partenaire » de Vadim Rabinovich qui lui avait confié la direction d’un seul magazine « Paparazzi », l’hébergeait dans ses locaux de Kiev où se trouvait la télévision OTV, propriété de Vadim Rabinovich.
Vadim Rabinovich est un milliardaire Ukrainien, condamné pour détournement de fonds publics à l’époque de l’URSS puis enrôlé par le KGB.
Vadim Rabinovitch est à la tête du parti d’opposition « Pour la Vie », qui a fait allégeance totale à la politique et l’idéologie de Moscou. Il est aussi le bras droit de Viktor Medvedtchouk, un oligarque et magnat de médias pro-russes, très proche de Vladimir Poutine (Il est même le parrain de sa fille Dacha) qui est accusé actuellement par les services de sécurité ukrainiens de « haute trahison », pour avoir transmis aux Russes des informations confidentielles, et de « tentative de pillage des ressources en Crimée occupée ».
La Sénatrice Nathalie Goulet, la revoilà, qui cultive une amitié forte avec Vadim Rabinovich depuis 2015 : sur son invitation, il est venu à plusieurs reprises au Palais du Luxembourg où il est, selon elle, « toujours le bienvenu ». Elle l’a reçu notamment le 21 juin 2021 au Sénat afin de discuter de « l’antisémitisme en Ukraine ». Fin mai 2021, elle s’est rendue en Ukraine, tous frais payés, invitée par Vadim Rabinovich.
Omar Harfouch est clairement lié à des milliardaires, qui s’intéressent aux gisements d’hydrocarbures offshore au large des côtes du Liban. Le risque est qu’au nom de ses ambitions, cet homme d’affaires boulimique pourrait nouer des alliances avec des intérêts étrangers opaques qui nuiraient au retour du Liban à une vie politique normale.
(1) Omar Harfouch finançait aussi à l’époque Robert Ménard, alors Président de Reporter sans frontières, qui depuis s’est lancé dans la politique dans la mouvance de l’extrême droite
