Le Maroc tente de réagir à la suprématie gazière de l’Algérie

L’Algérie a été à l’honneur lors du sommet du G 7 qui s’est tenu mi juin à Bari en Italie. De nouveaux accords ont été signés avec le président Tebboun. Pour répondre à ce défi en matière de gaz, le Maroc tente de développer ses propres champs gaziers

Olivier Vallée

Le Président tebboune en « guest star » du G7

 

Le pipe-line qui relie l’Algérie et l’Italie, via la Tunisie, s’affirme maintenant comme l’axe prioritaire des livraisons de gaz naturel à l’Europe. Abdelmadjid Tebboun ne reviendra pas sur la fin du GME (Gaz Maghreb Europe) qui permettait à l’Algérie, depuis 1996 et jusqu’en 2021, d’expédier vers l’Espagne et le Portugal, via le Maroc, environ 10 milliards de m3 de gaz naturel (1). 

Malgré un rapprochement diplomatique spectaculaire avec le Maroc, l’Espagne continue pour sa part d’être approvisionnée en gaz par l’Algérie, son premier fournisseur, via le gazoduc sous-marin Medgaz, qui relie directement les deux pays et dont la capacité va être augmentée pour compenser l’arrêt du transit via le GME.

Le matelas du gaz de Tendrara

Pour répondre à ce défi en matière de gaz, le Maroc a engagé le développement du champ gazier de Tendrara, situé dans l’est du Maroc et tout près de l’Algérie. La concession de Tendrara, avec ses réserves estimées à 10,67 milliards de mètres cubes de gaz naturel, représente une ressource stratégique pour l’avenir énergétique du pays. Mais le partenaire britannique de cette opération marocaine a fait marche arrière le 18 juin 2024. La société britannique Sound Energy PLC a ainsi annoncé la vente de sa filiale, Sound Energy Morocco East Limited, à Managem, le principal groupe minier marocain.

Certes Sound Energy conservera une participation de 20 % dans la concession de production de Tendrara et une participation de 27,5 % dans les concessions d’exploration de Grand Tendrara et Anoual. Ce qui lui permet de rester impliqués dans le développement futur de ces ressources qui peuvent être une occasion de tensions avec l’Algérie voisine qui a accusé le group britannique de pompage du gaz (2).

Mutations vers l’Offshore

On comptait aussi du côté marocain sur le gisement OJshore d’Anchois, découvert en 2009, près de Larache. Il devait commencer à produire en 2024 et était annoncé comme le plus grand développement gazier entrepris au Maroc. Il ne semble pas cependant avoir trouvé le financement nécessaire. Là aussi, une société britannique, une junior du secteur pétrolier et gazier, Chariot Oil & Gas, après avoir démarché plusieurs investisseurs pour assurer son financement, notamment Africa Finance Corporation et une banque d’investissement multinationale, n’a pas réellement bouclé son tour de table.

Mais après être revenu à l’onshore, la terre ferme, non loin de Kénitra, Chariot Limited a annoncé, le mois dernier, que les opérations de forage ont commencé sur la licence Loukos Onshore (voir Gaufrette ci-dessous), dans lequel l’opérateur britannique détient 75% d’intérêt contre 25% pour l’OJice national des hydrocarbures et des mines (ONHYM).

Mais cette mutation vers l’onshore ne doit pas masquer que les coûts de l’oJshore d’Anchois restent trop élevés pour la Junior Chariot. Un schéma transitoire, avec comme cible le marché domestique, se met en place. Ainsi, Chariot construira, à moyen terme, un nouveau pipeline pour relier sa production au réseau existant de Kénitra, étendant ainsi la portée de sa commercialisation à l’échelle nationale. La junior britannique vise également à connecter, sur le long terme, son unité de traitement de gaz naturel au Gazoduc Maghreb-Europe (GME) pour l’exportation vers l’Europe, ouvrant ainsi de nouvellesopportunitéssurlemarchéinternational. ElleambitionneeneJetderéutiliser le GME, qui sert actuellement à l’importation marocaine de gaz depuis l’Espagne, pour ses exportations vers l’Europe et l’alimentation des centrales électriques locales.

Afin de mener à bien cette vision, Chariot met en place un partenariat stratégique avec Vivo Energy Maroc. Les deux entreprises collaboreront afin de développer un marché domestique gazier dynamique en assurant l’achat, le transport et la distribution du gaz naturel aux utilisateurs finaux. Un contrat de vente à long terme est également envisagé pour garantir la pérennité de la production future de gaz. Dans ce cadre, Chariot et Vivo Energy ont signé, en avril dernier, un accord de partenariat en vue de créer une joint- venture pour la distribution de gaz naturel à des clients industriels au Maroc. Vivo Energy Maroc appartient à un groupe mondial qui assure la distribution d’hydrocarbures raJinés et de lubrifiants. Vivo Energy Maroc est en charge de la commercialisation et de la distribution de carburants et lubrifiants de marque Shell au Maroc et de Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL) de marque Butagaz.

En résumé le gisement Loukos est moins coûteux à exploiter que son homologue oJshore, ce qui permettrait de couvrir les coûts de développement du champ Anchois. Mais on est encore en dans l’incertitude de ce pont de financement assuré par Loukos et le marché domestique. Pour Chariot, la production de Loukos devrait générer un flux de trésorerie à marge élevée tout en lui permettant de proposer des prix de gaz attractifs.

Mais il faut constater, malgré le battage autour de l’onshore de Kénitra, que le Maroc n’a pas réussi à développer ses principales découvertes de gaz à ce jour, principalement parce que le pétrole a été la ressource préférée au gaz. Cependant la domination algérienne dans ce secteur et les craintes de contrarier ce producteur et exportateur clé de gaz à destination de l’Europe vont restreindre la présence des grands investisseurs internationaux du secteur au Maroc.

(1) En contrepartie du transit du gazoduc, Rabat recevait annuellement près d’un milliard de mètres cubes de gaz naturel, soit 97% de ses besoins. 

(2) Une entreprise pétrolière anglaise au Maroc soupçonnée de voler le gaz et le pétrole d’Algérie ? https://www.youtube.com/watch?