Le Liban retient son souffle avant les obsèques de Hassan Nasrallah

Quel impact les funérailles de Hassan Nasrallah, le chef emblématique du Hezbollah abattu par Tsahal, qui ont lieu ce dimanche dans un climat d’extrême tension, auront-elles sur la vie des Libanais ? Entre tensions sécuritaires, surveillance israélienne et mobilisation massive, le pays retient son souffle face à un événement à très haut risque par lequel la formation chiite tente de montrer sa capacité de résistance et sa popularité.

 

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Le Liban s’apprête à vivre un événement historique et hautement sensible avec les funérailles de Hassan Nasrallah, ancien secrétaire général du Hezbollah, prévues pour le dimanche 23 février 2025. Cette cérémonie, qui se déroulera au stade Camille Chamoun de Beyrouth, rassemblera des dizaines de milliers de personnes et attirera des délégations venues de 79 pays. À l’approche de ce jour symbolique, le climat politique et sécuritaire du pays est marqué par une tension croissante, tandis que les autorités libanaises prennent des mesures drastiques pour éviter tout débordement.

L’annonce des obsèques de Hassan Nasrallah a suscité une immense mobilisation au sein du Hezbollah et de ses partisans. Nasrallah, figure emblématique du mouvement chiite, a été tué lors d’une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth le 27 septembre 2024. Son successeur désigné, Hachem Safieddine, a également trouvé la mort une semaine plus tard dans une attaque similaire, plongeant le parti dans une période de deuil intense et de réorganisation stratégique.

Face à cet événement de grande ampleur, les autorités libanaises redoutent des manifestations incontrôlées et d’éventuelles violences. Le Hezbollah a appelé à une participation massive, et les infrastructures du pays, notamment l’aéroport international de Beyrouth, sont déjà mises à rude épreuve.

Une mobilisation hors normes

L’impact des obsèques de Nasrallah dépasse largement les frontières du Liban. Depuis plusieurs jours, les vols entre Bagdad et Beyrouth affichent complet, obligeant les compagnies Iraqi Airways et Middle East Airlines à augmenter le nombre de leurs liaisons. Des milliers de sympathisants du Hezbollah affluent de pays voisins, pour assister à la cérémonie.

Cette affluence inédite a conduit les autorités libanaises à imposer la fermeture temporaire de l’aéroport international de Beyrouth durant quatre heures le jour des funérailles. Cette mesure vise à éviter la congestion totale des infrastructures et à renforcer la surveillance autour des personnalités politiques et diplomatiques attendues sur place.

Par ailleurs, des convois de sympathisants du Hezbollah ont déjà commencé à défiler sur la route de l’aéroport, en motos, un spectacle symbolique qui démontre la mobilisation du mouvement.

Brouillages israéliens

Le gouvernement libanais, en collaboration avec les forces de sécurité intérieures et l’armée, a mis en place un dispositif de surveillance exceptionnel. Des points de contrôle ont été établis aux principales entrées de Beyrouth et autour du stade Camille Chamoun afin de filtrer les foules et prévenir toute tentative d’infiltration d’individus hostiles.

Les services de renseignement surveillent également les mouvements suspects aux abords des ambassades occidentales et arabes. Plusieurs pays alliés du Liban ont mis en garde contre un risque élevé d’attentats ou de troubles liés à la polarisation extrême autour des funérailles.

Israël suit de très près la situation et surveille activement les mouvements au Liban durant ces funérailles. Les systèmes de surveillance israéliens scrutent le ciel libanais, et de nombreux rapports indiquent un brouillage des géolocalisations, preuve que l’espace aérien est saturé de dispositifs de reconnaissance et d’interceptions électroniques. Ce brouillage renforce l’hypothèse d’une tension extrême dans la région et témoigne d’une atmosphère de guerre technologique en parallèle des événements au sol.

Les recommandations des ambassades 

Face à l’instabilité ambiante, plusieurs chancelleries étrangères ont publié des avis de sécurité à destination de leurs ressortissants présents au Liban.

L’ambassade des États-Unis à Beyrouth recommande à ses citoyens d’éviter les rassemblements de masse, de limiter leurs déplacements aux zones sécurisées et de rester en contact avec la mission diplomatique en cas d’urgence. Elle insiste également sur la nécessité de suivre les informations locales et internationales pour adapter leur comportement à l’évolution de la situation.

L’ambassade de France appelle ses ressortissants à faire preuve d’une vigilance accrue, à éviter tout déplacement non essentiel et à anticiper d’éventuels blocages routiers. Elle conseille également d’avoir à disposition des documents d’identification en cas de contrôle des forces de sécurité libanaises.

Le gouvernement britannique alerte ses citoyens sur le risque d’affrontements et leur recommande de ne pas s’approcher des rassemblements, de préparer un plan d’évacuation et de rester en contact avec leurs proches et l’ambassade. Il souligne aussi la nécessité de prendre des précautions en cas de restriction des communications.

Un bras de fer redouté 

Un autre défi qui inquiète les autorités libanaises est la possibilité que le Hezbollah, en réponse aux tensions régionales, décide de se tourner vers l’intérieur du pays et d’organiser des démonstrations de force dans des régions qui lui sont hostiles. Ce type de provocation est une tactique fréquemment utilisée par le mouvement, et de nombreux observateurs redoutent des tensions accrues avec des factions opposées au sein du Liban.

Les funérailles de Nasrallah ne sont pas qu’un événement religieux ou militant, elles constituent également un défi politique majeur. Le Hezbollah entend démontrer sa force et sa résilience malgré la perte de son chef historique et de son successeur.

Dans un contexte régional enflammé par le conflit israélo-palestinien et les tensions entre l’Iran et les États-Unis, la cérémonie sera scrutée par de nombreux acteurs internationaux. L’ampleur de la mobilisation pourrait être interprétée comme un message politique fort, renforçant la position du Hezbollah sur l’échiquier régional.

De plus, la présence de délégations étrangères, notamment venues d’Iran, d’Irak et de Syrie, pourrait intensifier les tensions diplomatiques. La participation de représentants houthis a d’ailleurs suscité une réaction virulente du ministre yéménite de l’Information, qui a demandé leur arrestation immédiate par les autorités libanaises.

Un climat de peur et d’incertitude

Si les funérailles sont perçues comme un moment de recueillement pour les partisans du Hezbollah, elles suscitent également une grande inquiétude au sein de la population libanaise. La crainte d’un débordement violent est palpable, notamment après les récentes attaques israéliennes et les représailles annoncées par le Hezbollah.

Les commerçants du centre-ville de Beyrouth ont pris des mesures préventives, certains allant jusqu’à fermer leurs magasins pour éviter d’éventuelles émeutes ou actes de vandalisme. Des parents retiennent leurs enfants à la maison par peur d’un dérapage sécuritaire, tandis que des expatriés cherchent à quitter temporairement le pays jusqu’à ce que la situation se stabilise.

Alors que le Liban traverse déjà une crise économique et sociale profonde, l’événement de ce dimanche représente un test crucial pour la capacité du pays à gérer des situations de tension extrême. Le gouvernement libanais, fragilisé par les divisions internes et les pressions extérieures, devra démontrer son aptitude à garantir la sécurité tout en ménageant les sensibilités politiques et communautaires.