Amir Boukhors, plus connu sous le pseudonyme Amir DZ, est une figure controversée de la scène politico-médiatique algérienne. Autoproclamé lanceur d’alerte et opposant au régime, il a longtemps alimenté les réseaux sociaux avec des révélations explosives sur des responsables civils et militaires algériens. Son enlèvement en région parisienne en 2024 a provoqué une crise diplomatique majeure entre Paris et Alger.
Origines et ascension numérique
Âgé de 41 ans, originaire de la région de Tiaret, à l’ouest de l’Algérie, Amir Boukhors a quitté clandestinement le pays il y a plusieurs années. Après un passage par l’Allemagne, il s’est installé en France en 2016.
Il s’est rapidement fait connaître en diffusant sur Facebook et YouTube des vidéos dans lesquelles il divulguait des informations sensibles sur les fortunes et les réseaux occultes de hauts responsables algériens, en Algérie comme à l’étranger.
Après le déclenchement du Hirak en février 2019, ces publications lui valent une importante popularité. Sa page Facebook atteint près d’un million d’abonnés, devenant un canal d’information alternatif pour de nombreux Algériens.
Cependant, il est établi que ses informations provenaient non pas d’enquêtes personnelles, mais de fuites orchestrées par des factions rivales au sein du pouvoir algérien. Amir DZ aurait ainsi servi d’outil dans une guerre d’influence interne pour le contrôle de l’État, relayant des documents compromettants dans le cadre de règlements de comptes entre clans du régime.
Accusations croisées et controverses
Tout en étant présenté par certains comme une voix dissidente, Amir DZ est accusé par des militants du Hirak, des membres de la diaspora et plusieurs anciens soutiens d’avoir utilisé sa notoriété pour faire chanter des hommes d’affaires et des responsables, en leur réclamant de l’argent contre la non-publication d’informations compromettantes.
Il est également soupçonné d’avoir détourné des fonds destinés aux familles de détenus d’opinion, et de financer un train de vie luxueux en France avec l’argent collecté auprès de sympathisants abusés. Plusieurs témoignages l’accusent d’avoir facilité, volontairement l’arrestation en Algérie de militants ayant tenté de dénoncer ses pratiques.
Condamnations en Algérie
Les autorités algériennes ont émis plusieurs mandats d’arrêt internationaux contre Amir Boukhors. Il a été condamné par contumace à de lourdes peines de prison par le tribunal criminel de Dar El Beida pour des accusations multiples dont notamment « atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité de l’État », « Réception de fonds de l’étranger à des fins subversives », « Diffamation, chantage et atteinte à la vie privée ».
Le 21 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes d’extradition formulées par l’Algérie, estimant que les accusations portées contre Amir Boukhors n’étaient pas étayées par des preuves suffisantes et qu’il risquait une persécution politique en cas de renvoi dans son pays.
Le 2 octobre 2023, l’OFPRA lui accorde officiellement le statut de réfugié politique, ce qui constitue un désaveu pour le régime algérien.
L’enlèvement en France
Fin avril 2024, Amir Boukhors est enlevé en région parisienne par des individus se faisant passer pour des policiers. Il est contraint d’avaler des somnifères puis séquestré pendant 27 heures dans un conteneur à Pontault-Combault, en Seine-et-Marne.
Selon son témoignage, l’un des ravisseurs aurait affirmé qu’un responsable algérien souhaitait lui parler, mais aucun émissaire ne se serait finalement présenté. Il a été relâché sous surveillance.
En avril 2025, trois hommes, dont un employé du consulat d’Algérie à Paris, sont mis en examen. Le parquet national antiterroriste (PNAT) ouvre une information judiciaire pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le septième jour, en relation avec une entreprise terroriste ».
Crise diplomatique aggravée Paris/Alger
La mise en examen d’un agent consulaire algérien provoque la colère d’Alger. Dans un geste de représailles, le gouvernement algérien expulse 12 agents de l’ambassade française à Alger. La France réplique en expulsant 12 agents algériens et le rappel de son ambassadeur à Alger pour consultations.
L’affaire Amir DZ s’inscrit dans un contexte déjà tendu entre Alger et Paris, marqué par une série d’épisodes ayant sérieusement dégradé les liens bilatéraux — notamment la reconnaissance française du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, ainsi que des divergences persistantes sur les questions migratoires, mémorielles et sécuritaires.