Si la trêve est respectée, les affrontements entre Israël et le Hezbollah vont cesser pour deux mois. Mais toutes les dispositions de l’accord seront-elles respectées, à commencer par le retrait des belligérants du sud du Liban, et le retour des déplacés des deux côtés de la frontière ? Le conflit ne risque-t-il pas de se déplacer en Syrie ? Et quelles conséquences l’accord aura-t-il pour Gaza ?
Mardi 26 novembre, jour de l’accord de cessez-le-feu, « la question clé pour les parieurs était de savoir si celui-ci serait signé. Mercredi, la grande question était de savoir quand l’accord serait violé », ironise Haaretz. Si l’on en croit les acteurs du conflit, c’est chose faite depuis jeudi. « Ce n’est que le deuxième jour du cessez-le-feu et sa fragilité est déjà devenue évidente, avec Israël, d’un côté, et le Liban et le Hezbollah, de l’autre, s’accusant mutuellement dans la journée de l’avoir violé », écrit El Pais.
Postdoctoral research fellow, The University of Melbourne
L’annonce d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah constitue indéniablement une bonne nouvelle pour une région déchirée par la guerre depuis plus d’un an. Il faut espérer que cette trêve, entrée en vigueur dans la nuit de mardi à mercredi à 4 heures du matin, heure locale, offrira un peu de répit aux civils libanais et israéliens.
Toutefois, les 24 à 48 heures précédentes avaient été marquées par une augmentation spectaculaire de la violence des deux côtés. Il s’agit d’un schéma fréquent : les combats augmentent souvent en intensité juste avant l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu.
Mes recherches ont montré que si les cessez-le-feu peuvent être l’option la moins mauvaise à la disposition des acteurs pour réduire la violence en temps de guerre, ils ne représentent certainement pas une panacée.
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Plus précisément, j’étudie les termes des cessez-le-feu et les dynamiques que ces accords reflètent afin de mieux comprendre certaines de leurs conséquences moins immédiates que la seule cessation des combats. La trêve qui vient d’être passée entre Israël et le Hezbollah suscite quatre interrogations majeures.
Que se passera-t-il dans 60 jours ?
L’accord de cessez-le-feu comporterait 13 points visant à mettre fin aux hostilités entre Israël et le Hezbollah pendant 60 jours.
En théorie, cela permettrait à plus d’un million de personnes déplacées du Sud-Liban et à plus de 60 000 personnes déplacées du Nord d’Israël de rentrer chez elles.
Permettre aux Israéliens du nord du pays de revenir dans leurs foyers est l’un des principaux objectifs de guerre de Benyamin Nétanyahou. Des milliers de ces déplacés ont été logés dans des hôtels à travers le pays pendant plus d’un an, à grands frais pour le gouvernement, de sorte qu’il existe également une réelle motivation économique derrière la volonté du gouvernement de les voir se réinstaller chez eux.
Toutefois, étant donné la durée relativement courte et la nature fragile du cessez-le-feu, il n’est pas certain que les civils des deux camps saisiront cette occasion de rentrer chez eux. Et cela, d’autant plus que l’ampleur des destructions dans le sud du Liban est telle qu’elle rend très difficile le retour des habitants dans le délai relativement court de la trêve.
Joe Biden et Emmanuel Macron ont exprimé l’espoir que le cessez-le-feu puisse aboutir à un apaisement durable, les termes de l’accord ne fournissent aucun détail sur ce qui se passera une fois les 60 jours écoulés.
2. Le conflit va-t-il s’étendre à la Syrie ?
Un certain nombre de conditions détaillées dans le texte visent à limiter la capacité du Hezbollah à se réarmer pendant le cessez-le-feu. L’accord prévoit notamment le démantèlement de toutes les infrastructures et installations de production d’armes non autorisées dans le sud du Liban.
Le principal mécène du Hezbollah, l’Iran, lui fait parvenir des armes à travers le territoire de la Syrie. Les termes du cessez-le-feu soulèvent la possibilité qu’Israël mène davantage de frappes aériennes en Syrie pour s’assurer que les armes en provenance d’Iran n’arrivent pas au Hezbollah.
Dès l’annonce du cessez-le-feu, Israël a frappé pour la première fois des sites situés à la frontière libano-syrienne, sans doute pour limiter l’influence de l’Iran.
3. Manque de détails sur le retrait des troupes
À bien des égards, le cessez-le-feu repose sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a mis fin à la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël.
Il est quelque peu ironique que les conditions du cessez-le-feu reconnaissent l’importance de cette résolution alors qu’Israël a largement ignoré plusieurs autres résolutions de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza.
Quant à la résolution 1701 elle-même, elle n’a jamais été pleinement mise en œuvre, ni par Israël ni par le Hezbollah.
Une autre clause de l’accord stipule que, durant ces 60 jours, Israël retirera progressivement ses troupes du Sud-Liban.
Pendant cette période, l’armée libanaise et les forces de sécurité de l’État deviendront « les seules entités autorisées à porter des armes ou à déployer des troupes » dans la zone située au sud du fleuve Litani. Al Jazeera a rapporté qu’Israël insiste pour que le Hezbollah quitte le Sud-Liban avant le retrait de tout soldat israélien.
Étant donné que le cessez-le-feu ne fournit aucun détail spécifique sur les questions logistiques, il reste à voir si et comment les forces de défense israéliennes retireront leurs troupes. En outre, l’armée et les forces de sécurité libanaises sont généralement considérées comme très insuffisamment financées et incapables et/ou peu désireuses de contester la primauté du Hezbollah au Liban.
En outre, un autre terme du cessez-le-feu stipule que les États-Unis soutiendront des négociations indirectes entre Israël et le Liban pour parvenir à une délimitation internationalement reconnue de leur frontière.
La mention explicite de négociations sur la frontière suggère que celle-ci pourrait changer à la suite du cessez-le-feu. Cela pourrait signifier qu’Israël pourrait chercher à obtenir des territoires supplémentaires dont il conserverait le contrôle.
4. Quid de Gaza ?
Nétanyahou a déclaré que le cessez-le-feu permettrait à Israël de concentrer ses efforts sur les combattants du Hamas à Gaza et sur sa principale préoccupation en matière de sécurité, l’Iran.
D’autres responsables ont qualifié le cessez-le-feu de « changement crucial » qui montrerait au Hamas que les conflits à Gaza et au Liban sont dissociés.
Le Hezbollah avait précédemment insisté sur le fait qu’il n’accepterait pas de cessez-le-feu tant que la guerre à Gaza ne serait pas terminée. Ce nouvel accord suppose que cette condition a été abandonnée.
Certains observateurs ont estimé qu’un cessez-le-feu avec le Hezbollah pourrait accroître la pression sur le Hamas pour que ce dernier accepte un accord avec Israël concernant la libération des derniers otages israéliens qu’il détient.
Cependant, cela ne tient pas compte du fait que le Hamas a été disposé à conclure un accord de cessez-le-feu par le passé, alors que le gouvernement israélien a bloqué les négociations en ajoutant de nouvelles conditions à la dernière minute.
En outre, le Qatar a été tellement frustré par le « manque de volonté de s’engager » et le « manque de bonne foi » des deux parties qu’il a récemment décidé de cesser de jouer les médiateurs entre les parties.
En tout état de cause, le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah ne doit pas détourner l’attention des combats à Gaza ni de l’épouvantable situation humanitaire qui y règne.
Il reste à voir comment la guerre à Gaza va évoluer à partir de maintenant. Israël va-t-il formellement occuper certaines parties de l’enclave, comme plusieurs généraux israéliens en ont émis le souhait ? Ou bien le cessez-le-feu avec le Hezbollah isolera-t-il le Hamas à un tel point que celui-ci aura l’impression d’avoir encore moins à perdre qu’aujourd’hui ?