Le blocus des groupes armés maliens sur le carburant affecte le Sénégal

Le Mali vit une crise du carburant inédite. Une situation qui n’épargne pas le Sénégal. La liaison portuaire Dakar-Bamako est affectée, de même que le transport de marchandises et des personnes. Soit d’énormes conséquences sur l’économie et la migration au Sénégal, car les populations se déplacent la peur au ventre.

Un camion malien au Sénégal
Un camion malien au Sénégal

Au Mali, la situation se complique davantage. En dépit de la menace sécuritaire constante, les populations font face depuis quelques temps à une crise du carburant en raison d’un blocus imposé par les jihadistes.

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim-Alqaïda) publie, via la chaîne Al-Fat’h, le film d’une embuscade tendue à un convoi de transport de carburant, sous escorte des Forces armées maliennes (Fama), à l’intérieur de la zone de Souribougou, près de Néguéla, région de Koulikoro, centre du pays. Les combattants précisent la date et la provenance du cortège, venu de Dakar, au Sénégal. L’on y voit les assaillants conduire l’un des camions-citernes, en guise de butin. 

L’ambassade des États-Unis à Bamako exhorte tous ses ressortissants à quitter le territoire, dès que possible, par les vols commerciaux disponibles, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et économique. C’est le second avertissement du genre en moins de 10 jours.

La plupart des messages diplomatiques de mise en garde mentionnent, désormais, le risque de pénurie alimentaire ou de malnutrition.

Les cours suspendus à Bamako

Acteur du secteur informel à Bamako, Assane Diagne est d’origine sénégalaise. Il s’est implanté dans cette capitale de l’Afrique de l’Ouest depuis huit ans. Observateur averti, il décrit une situation de plus en plus difficile. « On observe quotidiennement des files de motos et de véhicules, affluer vers les stations services. Souvent des bagarres éclatent, car le produit est rare et courtisé », témoigne Assane Diagne. 

Au plan social, les conséquentes sont déjà présentes.  Les ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ont suspendu les cours sur toute l’étendue du territoire national, du lundi 27 octobre 2025 au dimanche 9 novembre 2025 inclus.

Les cours reprendront le lundi 10 novembre 2025. Cette décision s’explique par des perturbations dans l’approvisionnement en carburant qui affectent les mouvements des acteurs de l’école. Ainsi, afin d’assurer la continuité pédagogique et l’exécution des programmes d’études, les dispositions sont en cours pour le réaménagement des calendriers scolaire et universitaire.

Par ailleurs, tout est entrepris par les autorités pour un retour à l’approvisionnement normal en carburant. 

L’axe Dakar- Bamako affecté

Transporteur assurant la liaison entre les ports de Dakar et de Bamako, Alfouseyni Keita estime que le danger est permanent 

car les véhicules qui devaient transporter ce carburant font tout le temps l’objet d’attaques. Et ce sont des difficultés auxquelles la population fait face en plus de l’insécurité qui prévaut actuellement sur les routes. L’autre difficulté, selon lui, est que les  véhicules sont attaqués et brûlés parfois par les coupeurs de route qui installent une insécurité permanente sur les routes. 

« Vous savez, un véhicule qu’on brûle c’est une fortune qui part en fumée ; nous faisons face à une situation intenable. Le plus dangereux dans cette affaire c’est que ces véhicules contiennent du carburant et là, c’est la catastrophe car des vies humaines peuvent même être perdues dans l’incendie. D’ailleurs, il y a des personnes qui ont perdu la vie dans cette situation-là. Ce sont des pertes incommensurables car on perd en vies humaines, en matériels et en carburant pour le ravitaillement du pays », déplore Alfouseyni, au bout du fil, la tremblotante. 

 

À l’en croire, les vies de ceux qui travaillent dans ce domaine sont menacées. « Le danger est permanent  sur les routes, d’autant plus que nous ne possèdons pas d’armes et que nos vies ne sont pas protégés. Nous sommes exposés. En somme, les difficultés sont nombreuses et variées, si on y ajoute les rackets dont nous faisons l’objet sur les routes. Moi qui vous parle, je travaille dans le secteur privé ; en clair, je travaille pour mon propre compte. Donc, des difficultés il y en a et, nous faisons face tous les jours à cette situation d’insécurité », regrette le transporteur. 

 

Le Sénégal exposé 

 

Parmi les responsables du secteur des transports au Sénégal, Djiby Gaye considère que la situation n’épargne pas le Sénégal notamment les transporteurs. Il considère qu’ils sont sous la menace de kidnapping. « Récemment, plusieurs camionneurs sénégalais ont été arrêtés par des hommes armés au Nord du Mali. Aujourd’hui, nous craignons que la situation se reproduise », estime Djiby Gaye. Pour lui, la consigne actuelle est de rester attentifs, tout en s’approvisionnant dans les stations service de Dakar. 

 

Pour l’économiste Ousmane Bèye, les conséquences seront également économiques. Car d’après son analyse, l’activité des camionneurs sera impactée. Ce qui sera un coup dur pour les ports de Dakar et de Bamako qui accueillent les marchandises. Le secteur des transports sera aussi affecté car aujourd’hui, du côté des populations, ne veulent plus se déplacer  à cause des menaces qui pèsent sur elles.