Niger, l’arrestation d’un leader touareg pro françis, Inkinane Ag Attaher

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2025, Inkinane Ag Attaher, cadre influent du Front de Libération de l’Azawad (FLA) et ex-officier déserteur de l’armée malienne, a été arrêté à la frontière entre le Niger et le Nigeria par les forces de défense et de sécurité nigériennes. Traqué depuis plusieurs années, il empruntait cet itinéraire pour rejoindre ses contacts au Nigeria, notamment des services de renseignement étrangers avec lesquels il entretenait une collaboration étroite.

Inkinane Ag Attaher est très proche du leader indépendantiste touareg malien Bilal Ag Acherif. Remis aux services de contre-espionnage, cet agent de la France est détenu depuis lors à Niamey, dans les locaux de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) qui a beaucoup de questions à lui poser. 

Le leader indépendantiste touareg malien Bilal Ag Acherif

Ancien militaire de l’armée malienne, Inkinane avait rejoint la rébellion touareg en 2012 et il avait pris la tête, à partir de 2013, d’une sorte de force antiterroriste du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) engagée contre les djihadistes d’Al Qaida, en partenariat avec la force française Serval. 

En 2017, après l’arrêt du soutien français et l’affaiblissement de cette unité, il a échappé de justesse à une tentative d’assassinat chez lui, à Kidal, et s’est réfugié au Niger. Plusieurs de ses compagnons d’armes ont été tués par les djihadistes à cette période dans le nord du Mali.

Plus tard, Inkinane s’est vu délivrer un passeport nigérien à son nom, sur la base de documents administratifs suspects le présentant comme né à Arlit, au Niger. Il a repris sa collaboration avec l’armée française jusqu’à la rupture entre le Niger et la France, après le coup d’Etat de juillet 2023 qui a renversé le président Bazoum.

L’officier rebelle était dans le collimateur des autorités nigériennes depuis plusieurs mois, en raison, surtout, de ses relations avec les services français à partir du Nigéria voisin. Le Nigeria est l’une des deux principales bases arrières, avec la Côte d’Ivoire, des proches du président Bazoum en exil.

Inkinane est soupçonné d’avoir fait des voyages dans ce pays pour se fournir en drones et en munitions, selon plusieurs sources, y compris le site tchadien d’information Alwihda infos. Il est aussi soupçonné, par la junte malienne, d’être l’un des acteurs de la liaison entre les combattants indépendantistes et l’Ukraine, qui a assuré l’entraînement de plusieurs d’entre eux en Ukraine et dans le nord du Mali.

L’officier touareg a été interpellé par hasard à un barrage de police, alors qu’il s’était engagé sur une piste où il avait, semble-t-il, ses habitudes et qui est utilisée par les trafiquants contournant le poste officiel de Sarnawa, sur la route de Tahoua, avant de rejoindre le nord du Mali.  En raison d’équipements trouvés dans son véhicule, il  a été transféré à la direction anti-terroriste à Niamey, qui l’a ensuite remis à la DGDSE.

Au-delà des griefs qui peuvent lui être reprochés au titre du combat armé qu’il mène avec ses amis du Front de Libération de l’Azawad (FLA) contre l’armée malienne, c’est surtout sa relation avec le contre-espionnage français qui va être scrutée par les enquêteurs nigériens.

En effet, il semble que ce soit au Nigeria que ces contacts avaient lieu et c’est à partir du Nigeria qu’Inkinane se rendait en France. Inkinane était spécialiste des drones. Il avait formé plusieurs camarades et avait été blessé, accidentellement, en manipulant un drone armé début 2024 dans le septentrion malien.

Mais dans les années précédentes, il a aussi été un intermédiaire entre la France et l’Etat islamique au Sahel (EIS) en vue de faire libérer un humanitaire allemand, Jörg Lange, enlevé au Niger en 2018, et pour faciliter des rencontres secrètes, toujours dans ce pays, entre l’armée française et des cadres de l’EIS. Dans la foulée de ces rencontres, plusieurs prisonniers de l’Etat islamique avaient été libérés sur ordre du président Bazoum en 2021, à l’insu de l’armée et de la justice nigériennes.