L’ambassadeur de France en Tunisie, nommé en 2020, qui devrait céder sa place à la directrice du département Afrique du Nord Moyen Orient (ANMO), elle aussi une grosse pointure du Quai d’Orsay, aura été d’une prudence remarquée dans ses déclarations publiques et ses télégrammes confidentiels adressés à son administration sur la crise que traverse le pays du jasmin. De quoi confirmer le renoncement de la France à exercer une influence quelconque dans ce pays francophone où Paris a engagé quatre milliards d’euros et jouit de la confiance d’une grande partie de la population.
Le gouvernement français n’aura pas eu décidément la main heureuse dans le choix de ses représentants en Tunisie, malgré le rôle clé joué par ce pays dans un contexte régional tourmenté et alors que le pays traverse la crise politique et économique sans précédent. Après Olivier Poivre d’Arvor accroc aux réseaux sociaux et amoureux de fêtes pimentées dans ce qui est la plus belle Résidence du Quai d’Orsay dans le monde arabe, voici le prudent André Parant, aujourd’hui sur le départ, qui n’aura guère marqué son séjour par une influence renforcée auprès d’un pouvoir tunisien de plus en plus anti occidental.
Sans parler de l’incapacité de la diplomatie française à défendre le sort judiciaire de citoyens français honorablement connus mis en cause par une justice aux ordres.
Une influence perdue
Le moins qu’on puisse dire est que « la France ne compte plus grand chose à Tunis », constate un diplomate français fin connaisseur du pays. Et pour cause, l’actuel représentant de Paris à Tunis, André Parant, aura choisi aucun positionnement clair lors des trois années passées au Pays du jasmin.
Dans les télégrammes diplomatiques envoyés à son administration, le diplomate n’a pas cessé de constater tous les manquements du régime tunisien aux règles de droit, ce dont personne ne peut désormais douter alors que le Parlement est dissous, les opposants poursuivis et les journalistes menacés. Pour autant, André Parant n’a jamais émis la moindre proposition sur des scénarios alternatifs qui auraient mis fin à l’inquiétant vide politique actuel. Sauf pour défendre en creux un positionnement à l’opposé de celui de Laurent Fabius, amors ministre des Affaires Étrangères de Hollande lors du printemps arabe: « Tout sauf Ghannouchi et son parti ‘islamiste ».
Des voeux 2023 juste vides
Les voeux prononcés par l’ambassadeur (voir la vidéo ci dessous) illustrent bien cette prudence française qui confine à l’impuissance. Voici notre diplomate qui rappelle les quatre événements qui auraient marqué l’année 2022: l’agression russe, forcément: la crise alimentaire, difficile à passer sous silence dans une Tunisie privée des produits les plus basique; les deux scrutins présidentiel et législatif français « réussis » où le consulat général de Tunis aurait fait preuve d’une diligence remarquable: et enfin un sommet de la francophonie qui aurait été, toujours d’après l’ambassadeur et contre toute évidence, une grande réussite (voir l’article ci dessous).
Sommet de la Francophonie : des couacs et des absents
Aucun message à l’adresse des politiques, militants, membres d’ONG et groupes de jeunes harcelés et réprimés par des forces sécuritaire livrées à elles mêmes, la seule ossature d’un État affaibli.
FMI, la pomme de discorde
Le plus révélateur de ce décrochage de la France est sa positions sur les questions financières dans un pays qui n’assure pas ses fins de mois. La position française, reprise durant les voeux de l’ambassadeur, colle à celle de la communauté internationale. L’application du protocole de 200 millions d’euros conclu avec la Tunisie ne sera mis en oeuvre, a rappelé André Parant, que si le gouvernement tunisien accepte les conditions du FMI. Sauf que le président Kaïs Saied, au nom d’une reconquête de la souveraineté économique du pays, a tourné le dos pour l’instant à tout accord de ce type en surfant sur une opinion publique de plus en plus rétive aux influences occidentales.
Un tel suivisme n’était pas là le meilleur moyen de jeter des passerelles utiles vers la Présidence tunisienne qui conserve encore une certaine aura auprès du peuple tunisien malgré ses pratiques répressives. C’est ce nationalisme ombrageux et souvent masqué par la courtoisie légendaire des Tunisiens que les diplomates français, d’un conformisme achevé, ne veulent guère prendre en compte.