La télévision publique nigérienne a révélé mercredi une toute récente mission en Chine du ministre de la Défense, le général Salifou Modi, poids lourd du Conseil national pour la sauvegarde de la Patrie au pouvoir.
Selon Télé Sahel, la mission avait pour objet le renforcement de la coopération bilatérale entre les deux pays, notamment dans le domaine militaire qui relève du portefeuille du général Modi. Cependant, le récit en images de ce voyage fait apparaître d’autres ambitions sur l’agenda diplomatique.
« Entretiens bilatéraux, visite des industries de la défense et du secteur du pétrole et visite du camp de production agricole et de construction de Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine » sont ainsi illustrés dans le reportage.
Coopération militaire et diplomatique
Salifou Modi a été reçu au ministère de la Défense par le général Yao Qin, directeur-adjoint du Bureau pour la coopération militaire internationale, représentant le ministre. Le général chinois a « rappelé que la coopération entre les deux pays constituait une composante essentielle des relations entre le Niger et la Chine. »
Au ministère des Affaires étrangères, la délégation nigérienne a été reçue par le vice-ministre chargé de l’Afrique, Chen Xiadong. A nouveau, le renforcement » de la coopération multisectorielle » a été souhaité, le Chinois saluant et félicitant « les efforts du gouvernement nigérien pour les initiatives développées pour briser l’isolement et le blocus imposés au Niger au lendemain de l’avènement du CNSP au pouvoir. »
Salifou Modi a ensuite enchaîné sur une série de visites « des industries de production de la défense et du pétrole », précise le journaliste, qui cite la China National Aero-Technology Import & Export Corporation (spécialisée dans les produits et technologies aéronautiques), la China National Petroleum Corporation (CNPC), la Poly Technologies Inc. (import export de matériel et équipements civils et militaires), la China North Industries Group Corporation Limited NORINCO (société de défense publique fabriquant des produits commerciaux et militaires), la Shenzhen (équipements de sécurité) et la Beijing Défense (pose et détection des IED et bombes).
Rappelons que le pétrole du Niger, son extraction, son raffinage et son exportation sont le fruit de la coopération entre le Niger et le géant pétrolier d’Etat chinois, la CNPC.
L’expérience Bingtuan
Plus étonnant, la délégation nigérienne s’est rendue dans le nord-ouest de la Chine, à Urumqi, où elle a rencontré, le 5 juin, la 8e division du corps d’armée de production agricole et de construction de Xinjiang, « pour s’enquérir de l’expérience chinoise dans le domaine de la production agricole et d’ouvrages d’intérêt communautaire durables pour impulser la marche de notre pays vers l’affirmation de sa souveraineté ». En effet, estime le journaliste, la souveraineté, maître mot du nouveau régime de Niamey, « passe par l’autosuffisance alimentaire, la sécurité des populations nigériennes et leur bien-être. »
« La philosophie fondatrice des unités militaires de production agricole du Xinjiang et l’esprit de ses pères fondateurs demeure un modèle inspirant pour notre pays, qui est majoritairement désertique. Cette expertise chinoise peut faciliter la transformation de nos terres arides en zones de culture viable. Une telle initiative créera de l’emploi pour occuper les jeunes désoeuvrés, les éloignera de la tentation de (rejoindre des) groupes terroristes, leur donnera le sentiment d’appartenir à une communauté qui se soucie de leur avenir et de faire d’eux des citoyens responsables », explique l’auteur du reportage de Télé Sahel.
Le Xinjiang, région désertique du nord-ouest, est le berceau des Ouigours musulmans. En 1954, la Chine y a créé une unité paramilitaire, le Corps de production et de construction du Xinjiang, souvent appelé Bingtuan, dans la tradition des soldats agriculteurs des frontières. Au fil du temps, les régiments agricoles ont étendu leurs activités agricoles, industrielles et de soutien logistique, notamment par de grandes campagnes de défrichement, allant jusqu’à occuper plus de deux millions de personnes, souvent venues de l’extérieur de la région.
Selon une publication du bureau d’information du Conseil des affaires d’Etat chinois, ces soldats étaient « chargés de garder et coloniser des contrées particulièrement exposées. »
« Ces garde-colons remontent à plus de 2000 ans. Les brigades de travail, de production et de combat ont aménagé au coeur du désert de Gobi des oasis et des exploitations agricoles », poursuit le texte publié pour les soixante-ans de la création de l’unité.
A ses frontières occidentales et orientales, le Niger est engagé dans une guerre contre des groupes armés islamistes qui entravent largement les activités agricoles et sociales.